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Une étude menée à Polytechnique Montréal démontre l’efficience de la science citoyenne et des filtres à laveuse pour la capture des microplastiques dans les eaux à Montréal

8 février 2023 - Source : NOUVELLES

Jusqu’à 13 tonnes de microplastiques pourraient être détournées du réseau des eaux usées de Montréal, en filtrant les eaux rejetées par les laveuses de la métropole. Voilà l’estimation que met de l’avant une équipe de Polytechnique Montréal, menée par Dominique Claveau-Mallet, professeure adjointe au Département des génies civil, géologique et des mines, au terme d’une étude à participation citoyenne dont les résultats ont été dévoilés le 8 février 2023.

 Mohammed Abourich, diplômé à la maîtrise en génie de l'environnement; Dominique Claveau-Mallet, professeure adjointe au Département des génies civil, géologiques et des mines. (Photo: Denis Bernier)
Dominique Claveau-Mallet, professeure adjointe au Département des génies civil, géologiques et des mines, explique le volet de recherche d’une étude à participation citoyenne portant sur la présence de microparticules de plastique dans les eaux rejetées par les laveuses; Mohammed Abourich, diplômé à la maîtrise en génie de l’environnement de Polytechnique Montréal, tient dans ses mains un filtre servant à recueillir la charpie résiduelle de microfibres contenue dans les eaux usées d'une laveuse. (Photo : Denis Bernier)


L’accumulation de microparticules de plastique dans les cours d’eau pourrait s’avérer dommageable pour la santé des écosystèmes et la santé humaine. C’est que leur format miniature pose un problème de taille. Si ces minifragments sont facilement ingérables par les espèces aquatiques, ils sont d’autant difficiles à retirer des eaux.

La composition synthétique de nos vêtements, de même que leur lavage récurrent figurent parmi les principaux responsables de ce fléau. Lors des lavages à la machine, des fibres polluantes se détachent des textiles et s’échappent dans les eaux usées. À chaque brassée lavée, les cours d’eau sont donc un peu plus souillés. 

La fuite de microplastiques peut-elle refouler au lavage?

Alors que le fleuve Saint-Laurent figure au rang des cours d’eau dont la concentration en microplastiques est la plus élevée au monde, le Groupe de recommandations et d'actions pour un meilleur environnement (GRAME) a entrepris de répondre à la question ci-haut, dans la mouvance du projet « Pour un fleuve plus propre ». L’organisme a confié à une équipe multidisciplinaire de Polytechnique Montréal le soin d’analyser la composition des résidus issus de filtres installés à même les laveuses individuelles.

Avec le soutien de RECYC-QUÉBEC et de Mitacs, dans le cadre du programme Mitacs Accélération, ils se sont tournés vers les expertises en génie de l’eau et en génie chimique des équipes de Dominique Claveau-Mallet et d’Abdellah Ajji, respectivement professeure adjointe au Département des génies civil, géologique et des mines et professeur titulaire au Département de génie chimique.

« Grâce à une mobilisation mondiale des talents scientifiques autour du sujet des microplastiques dans les eaux, nous détenons une connaissance de plus en plus fine de l’état des lieux. Les constats sont préoccupants. Notre projet de recherche, inédit au Québec, est donc motivé par l’urgence de la situation. L’objectif est d’évaluer concrètement une piste de réponse », met en contexte Dominique Claveau-Mallet, directrice du projet à Polytechnique Montréal.

Contribution citoyenne

L’expérience – démarrée en juin 2021 – s’est déroulée sur une période de six mois, dans des conditions véritables de brassées de lessive du quotidien. Une trentaine de ménages se sont prêtés à l’exercice. Ils ont procédé eux-mêmes à l’installation du filtre, puis ont recueilli la charpie résiduelle de microfibres en indiquant une série d’informations relatives aux conditions de lavage.

Une bouteille de plastique par ménage

Avant de pouvoir quantifier le potentiel de capture de microfibres plastiques, une étape de caractérisation de la matière était requise.

« Pour nous assurer de ne pas altérer les microfibres plastiques lors des traitements chimiques, nous avons expérimenté différents protocoles de digestion de la charpie. La méthode retenue nous a permis de conserver l’intégrité des fibres et donc d’identifier rigoureusement la nature des contaminants présents ainsi que leur proportion respective. L’analyse des échantillons a notamment révélé que la fraction plastique pouvait représenter 32 % de la masse de charpie. Une fois les données en main, nous avons sorti notre calculatrice », explique Mohammed Abourich, diplômé à la maîtrise en génie de l’environnement à Polytechnique Montréal et auteur d'un rapport de maîtrise sur le projet.

Résultat du calcul préliminaire : en utilisant le filtre mis à l’essai, un ménage montréalais moyen pourrait faire dévier du chemin des eaux usées jusqu’à 16 grammes de matières plastiques par an. L’équivalent du poids d’une bouteille de 500 ml. « Extrapolé à l’échelle de la ville de Montréal, le potentiel de détournement atteint 12,8 tonnes », fait-il valoir.
 

Yvonne Bourque; Benoit Barbeau; Maud Cohen; Abdellah Ajji; Catherine Houbart; Dominique Claveau-Mallet; Mohammed Abourich.
De gauche à droite : Yvonne Bourque, citoyenne ayant participé au projet; Benoit Barbeau, professeur titulaire au Département des génies civil, géologique et des mines, et directeur du CREDEAU; Abdellah Ajji, professeur titulaire au Département de génie chimique; Maud Cohen, directrice générale de Polytechnique Montréal; Catherine Houbart, directrice générale du GRAME; Dominique Claveau-Mallet, professeure adjointe au Département des génies civil, géologiques et des mines; Mohammed Abourich, diplômé à la maîtrise en génie de l’environnement de Polytechnique Montréal. (Photo : Denis Bernier)
 


Un enjeu, de multiples solutions

Si les résultats sont marquants, la professeure-chercheuse Dominique Claveau-Mallet ne prétend pas pour autant avoir trouvé le remède miracle à la prolifération de rejets indésirables dans nos eaux : « Sans être une panacée, nous retenons que les filtres détiennent un important potentiel de rétention. En dépit de quelques accrocs, notre expérience a aussi démontré que leur installation et que leur entretien pouvaient être relativement faciles. Enfin, contrairement à d’autres avenues technologiques, le déploiement à grande échelle de cette solution est envisageable à faibles coûts et à court terme. »

Des suites déjà annoncées

Pour les quatre prochaines années, une subvention conjointe Alliance du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de Mitacs Accélération, d’une valeur totale de 480 000 dollars, a été attribuée à la professeure Claveau-Mallet à titre de chercheuse principale pour développer une méthode de détection ainsi que des stratégies d’épuration des microplastiques dans les systèmes de collecte et de traitement des eaux usées municipales.

Le projet sera mené avec la collaboration de l’entreprise Claro Inc. et des villes de Repentigny, Longueuil et Laval, et s’appuiera sur les expertises du professeur Abdellah Ajji et de la professeure titulaire Marie-Claude Heuzey, du Département de génie chimique, et des professeurs titulaires Benoît Barbeau et Yves Comeau, du Département des génies civil, géologique et des mines.


En savoir plus

Fiche d'expertise de la professeure Dominique Claveau-Mallet
Fiche d'expertise du professeur Abdellah Ajji
Site du Département de génie chimique
Site du Département des génies civil, géologique et des mines

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