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Scruter le mouvement des aérosols pour protéger le personnel de la santé
Depuis quelques semaines, les dentistes, ophtalmologues et oto-rhino-laryngologistes du Québec reprennent leurs activités. À quel niveau de risque s’exposent ces personnes en ces temps de COVID-19? Un professeur de Polytechnique se penche sur la question et cherche à leur offrir des solutions.

L’équipe d’Étienne Robert réalise une partie de ses expériences avec des aérosols générés artificiellement afin de visualiser les mouvements de fluide dans les boîtes de confinement d’aérosols.
Pour la plupart des corps de métiers, maintenir une distance physique de deux mètres avec des collègues ainsi qu'avec des clientes et des clients s’avère réalisable. Mais pour d’autres, comme les personnes qui oeuvrent dans le milieu de la santé, l’idée est tout simplement impensable. Les cas des hygiénistes dentaires et des dentistes viennent tout de suite en tête, ces spécialistes ayant à négocier avec les gouttelettes générées par leurs instruments.
Certains de ces professionnelles et professionnels de la santé ont approché Étienne Robert, professeur agrégé au Département de génie mécanique de Polytechnique Montréal, afin de déterminer le niveau de risque qui vient avec chaque procédure, mais aussi trouver des façons de le diminuer.
Le spécialiste de la mécanique des fluides a développé ces dernières années une expertise dans l'observation et la mesure de la dispersion des aérosols, ces particules souvent largement constituées d’eau qui sont susceptibles de transporter des pathogènes comme le SARS-CoV-2 une fois suspendues dans l’air.
Étienne Robert compte utiliser ces approches, en plus d’en développer de nouvelles, pour assurer la protection de celles et ceux qui ont à travailler à proximité du visage d'une patiente ou d'un patient.

De gauche à droite : Étienne Robert, professeur agrégé au Département de génie mécanique; Carl-Éric Aubin, professeur titulaire au Département de génie mécanique et directeur scientifique et exécutif de l’Institut TransMedTech.
Des lasers pour y voir plus clair
Le professeur Robert et son équipe chercheront dans un premier temps à mesurer la taille des aérosols auxquels s’exposent les travailleuses et les travailleurs pendant les procédures qui viennent avec leur métier.
Le groupe testera du même coup l’efficacité d’un boîtier protecteur fait de polyméthacrylate de méthyle (PMMA), connu sous le nom commercial de Plexiglas. Positionné autour de la tête de la patiente ou du patient, ce boîtier devrait en principe limiter la dispersion des aérosols.
Les chercheuses et les chercheurs réaliseront leurs premières expériences avec un spectromètre à particules. Cet instrument permet de mesurer la concentration et la distribution de taille des particules d’aérosols générés artificiellement dans un système expérimental ou lorsqu'elles sont produites lors d’interventions cliniques.
« L’avantage de cette approche, c’est qu’elle est simple à utiliser », explique Étienne Robert. « Par contre, elle ne permet pas de déterminer la taille d’une gouttelette qui vient d’être produite parce que les aérosols à base d’eau peuvent se transformer rapidement entre le moment où ils sont produits et le moment où ils sont détectés. »
Pour contourner le problème, l’équipe de Polytechnique mettra au point des systèmes de caractérisation optique pour mesurer la taille et le comportement des aérosols générés tout près de la bouche d’une patiente ou d'un patient. Une tâche qui s’annonce complexe, selon le chercheur. « Une gouttelette peut se dissiper en moins d’une seconde lorsque l’air n’est pas saturé en humidité », explique le professeur Robert. Pour arriver à ses fins, il prévoit recourir à des extrapolations mathématiques pour déterminer les caractéristiques physiques qu’ont les aérosols au moment de sortir de la bouche d’une personne, et ce, à partir de mesures effectuées à distance.
Ces données ne permettront toutefois pas d’établir le niveau de risque de transmission du virus auquel les travailleuses et les travailleurs s’exposent, admet le chercheur. Voilà pourquoi il entend ajouter, dans un troisième temps, des études microbiologiques à son initiative.
Deux stagiaires et un étudiant à la maîtrise travaillent cet été sur le projet. L’équipe espère obtenir ses premiers résultats d’ici l’automne prochain.

Trois étudiants sous la direction d’Étienne Robert évaluent cet été si le boîtier Splashguard freine efficacement la dispersion des aérosols. Ici, une photo d’une boîte de confinement destinée aux soins pédiatriques, avec un mannequin utilisé pour simuler les procédures de ventilation non-invasives.
Support de l’Institut TransMedtech
Le projet d'Étienne Robert et de son équipe a reçu l’appui de l’Institut TransMedTech, qui vient de lui octroyer une subvention de 39 250 dollars. L’organisation joue un rôle de courtier en innovation dans le milieu de la recherche en amenant des scientifiques aux expertises connexes à travailler ensemble avec une approche agile de laboratoire vivant. En décloisonnant ainsi la recherche, l’Institut TransMedTech agit comme levier pour concevoir et valider rapidement de nouvelles solutions dans le secteur biomédical.
L’Institut l’a d’ailleurs démontré ces dernières semaines en accompagnant le développement du Splashguard-CG, un boîtier de PMMA qui protège le personnel soignant des patientes et des patients atteints de la COVID-19 pendant qu’ils sont placés sous ventilation non invasive. Des expertes et des experts cliniques et d’autres personnes spécialisées en génie mécanique se sont regroupés autour de ce projet, de l’étape de la conception à celle de la fabrication, en passant par celle des simulations et des tests de validation.
Étienne Robert fait partie du lot, mettant à profit son expertise en traque d’aérosols afin de vérifier l’étanchéité de l’équipement. « Le Splashguard est déposé sur le lit d'une patiente ou d'un patient qui porte sur son visage un masque à pression positive », explique-t-il. « Il y a toujours des possibilités de fuite à l’interface du masque et du visage, mais avec ce boîtier, le personnel hospitalier est bien protégé. »
Carl-Éric Aubin, professeur de génie biomédical à Polytechnique et directeur scientifique et exécutif de l’Institut TransMedTech, s’est pour sa part mêlé des étapes de conception du SplashGuard. Il poursuivra ses travaux cet été, épaulé par deux stagiaires, afin d’adapter le boîtier au contexte de différentes réalités cliniques, notamment celles rencontrées en médecine dentaire, en ophtalmologie et en oto-rhino-laryngologie. Les essais cliniques associés à ces travaux débuteront prochainement à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
En savoir plus
Fiche d'expertise du professeur Étienne Robert
Fiche d'expertise du professeur Carl-Éric Aubin
Site du Département de génie mécanique
Site de l'Institut TransMedTech