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COVID-19 : détecter le virus en moins de temps qu’il ne faut pour se laver les mains

4 mai 2020 - Source : NOUVELLES

Une équipe multidisciplinaire menée par le professeur Frédéric Leblond de Polytechnique Montréal et la Dre Dominique Trudel du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM) travaille à mettre au point un outil diagnostique susceptible d’accélérer de beaucoup la vitesse avec laquelle on identifiera les porteurs de la COVID-19. Si tout va comme prévu, l’outil portatif, qui tiendra dans l’espace d’une valise, n’aura besoin que de quelques gouttes de salive et d’une vingtaine de secondes pour rendre son verdict.

Frédéric Leblond et Dre Dominique Trudel. (Photo : CHUM)

Frédéric Leblond, professeur titulaire au Département de génie physique de Polytechnique Montréal et chercheur au CRCHUM, et Dre Dominique Trudel, pathologiste au CHUM et chercheuse au CRCHUM, codirigent une équipe multidisciplinaire qui développe un outil de dépistage du virus SARS-CoV-2 à partir d'échantillons de salive. (Photo : CHUM)


La fin de la période de confinement qui approche n’annonce pas pour autant la fin de la traque au SARS-CoV-2, le virus causant la COVID-19. Au contraire même, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la capacité de détecter, de tester et d’isoler les cas vient au deuxième rang des conditions à respecter par les États pour relâcher les mesures de confinement. Au Québec, comme ailleurs, les experts en santé publique continueront donc de tester leurs citoyens pour s’assurer que la pandémie reste sous contrôle.

Pour ce faire, ils utilisent présentement des tests biochimiques basés sur la technique d’amplification en chaîne par polymérase avec transcription inverse (Reverse transcription-polymerase chain reaction ou RT-PCR en anglais), une méthode qui permet d’amplifier une partie du matériel génétique du virus pour ensuite l’identifier. Le hic, c’est que cette approche requiert des réactifs pour extraire le matériel génétique, mais aussi, et surtout, des enzymes dont la production connaît certaines limites alors que partout sur la planète sont menés des dizaines de milliers de tests chaque jour.

Une approche par spectroscopie Raman

Pour contourner le problème, Frédéric Leblond, professeur titulaire au Département de génie physique de Polytechnique Montréal et chercheur au CRCHUM, a pensé utiliser une approche qu’il maîtrise déjà très bien : celle de l’imagerie par spectroscopie Raman.

Au cours des dernières années, le professeur de Polytechnique a développé avec ses collaborateurs du milieu hospitalier une série de sondes utilisées lors de chirurgies pour discerner les tissus sains des tissus cancéreux grâce à la spectroscopie Raman. Il souhaite maintenant utiliser la même approche pour distinguer la salive porteuse de particules virales de celle qui n’en comporte pas.

« Il y a déjà des exemples dans la littérature scientifique qui suggèrent qu’on peut différencier les fluides biologiques infectés par des virus en utilisant la spectroscopie Raman, alors on part sur des bases solides », dit Frédéric Leblond.

Question de mettre toutes les chances de son côté, le chercheur s’est associé à la Dre Dominique Trudel, pathologiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et chercheuse au CRCHUM, impliquant du même coup plusieurs étudiants à la maîtrise et au doctorat ainsi que la stagiaire postdoctorale Katherine Ember qu’ils dirigent conjointement.

L’équipe misera aussi sur l’expertise du professeur Michel Meunier, de la professeure Jolanta Sapihea et du professeur Ludvik Martinu, du Département de génie physique de Polytechnique, pour les étapes d’optimisation des deux prototypes portatifs sur lesquels travaille l’équipe.

Le premier prototype analyse les échantillons de salive contenus dans des cuvettes. Le second requiert plutôt qu’on dépose les gouttes de salive sur une lamelle de microscope. Frédéric Leblond a bon espoir que cette seconde approche sera garante de succès et de rapidité.

« On pourrait déposer sur une même lamelle 16 gouttes provenant d’individus différents, puis analyser le tout en moins de 20 secondes, avance le chercheur qui est aussi associé au CRCHUM. Tout ça sans avoir recours à des anticorps ou à d’autres réactifs biologiques. »

S’il franchit toutes les étapes de son développement, puis reçoit l’aval de Santé Canada, l’outil portatif qui tiendra dans l’espace d’une valise pourra être déployé à des endroits névralgiques, selon Pr Leblond, notamment dans les aéroports ou aux abords des transports publics. Il se distinguerait alors en tous points de la plupart des tests présentement utilisés et qui ont recours à la RT-PCR. Ceci inclut le test développé par une entreprise canadienne à qui Santé Canada vient de retirer son homologation parce qu’il n’était fiable qu’une fois sur deux.

Franchir la phase 1

Avant d’y arriver, l’équipe qui unit Polytechnique et le CRCHUM va procéder à une série de tests préliminaires en introduisant entre autres des particules virales inactivées dans des échantillons de salive. Les virus derrière le rhume, la grippe et la COVID-19 seront tour à tour testés.

« On espère obtenir une image Raman distincte dans chaque cas », confie Frédéric Leblond.

Si cette approche permet seulement de discerner les échantillons qui contiennent ou non une charge virale sans pouvoir identifier la nature précise du virus en cause, elle trouvera tout de même sa place dans l’arsenal de dépistage selon le chercheur.

« On pourrait l’utiliser comme filtre pour amener seulement les individus qui comportent une charge virale à se soumettre par la suite à un test par RT-PCR de façon à économiser les réactifs utilisés pour les tests biochimiques », explique le professeur.

Des premiers résultats en juin

La phase I du projet a reçu l’appui de l’Institut TransMedTech et de l'Institut de valorsation des données (IVADO) qui ont respectivement offert des subventions de 33 100 dollars et de 11 000 dollars aux chercheurs. Le groupe se donne maintenant un maximum de deux mois pour compléter l’assemblage de ses prototypes et réaliser sa première série d’expériences.

Advenant que le succès soit au rendez-vous, le groupe entamera au CHUM une étude de phase II comprenant des échantillons provenant de patients testés positifs ou non à la COVID-19.
 

Les principes de l’imagerie par spectroscopie Raman

Notre œil perçoit les objets parce qu’il détecte les rayons lumineux diffusés par ceux-ci. L’appareil en cours de développement par l’équipe de Frédéric Leblond et de la Dre Dominique Trudel agit de la même façon, à une différence près : il identifie les rayons lumineux qui ont changé de longueur d’onde en frappant l’objet.

C’est que chaque substance modifie une partie de la lumière qui est projetée sur elle, offrant une véritable « signature moléculaire » propre à un type d’échantillon. L’équipe de Polytechnique et du CHUM a déjà identifié la signature caractéristique de la salive humaine. Elle doit maintenant déterminer si la salive contenant des particules virales affiche une signature distincte, en plus d'établir le seuil de sensibilité de son outil.


En savoir plus

Fiche d'expertise du professeur Frédéric Leblond
Fiche d'expertise du professeur Michel Meunier
Fiche d'expertise de la professeure Jolanta Sapieha
Fiche d'expertise du professeur Ludvik Martinu
Site du Département de génie physique
Site du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)
Site du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM)
Site de l'Institut TransMedTech
Site de l'Institut de valorisation des données (IVADO)

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