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COVID-19: Une nouvelle stratégie de détection développée à Polytechnique Montréal
Une équipe de Polytechnique Montréal et du CRCHUM vient de démontrer comment la spectroscopie Raman pourrait servir à détecter rapidement le SARS-CoV-2, le virus causant la COVID-19, à partir de simples échantillons de salive. Une avancée publiée aujourd’hui dans la revue Journal of Biomedical Optics qui pave la voie à l’entrée de la spectroscopie Raman dans les laboratoires d’analyse biomédicaux.

Une simple gouttelette de salive séchée suffit pour identifier, par spectroscopie Raman, si une personne est infectée ou non par le virus de la COVID-19 (Crédit : Amber et al, JBO)
La pandémie nous aura permis de nous familiariser avec des techniques utilisées pour identifier la présence de virus comme la PCR et les tests immunochimiques. Si ces approches s’avèrent précises et fiables jusqu’à un certain degré, elles s’accompagnent toutefois de certains défauts.
La PCR, par exemple, implique le transport d'échantillons vers un laboratoire clinique où les tests sont effectués, ce qui mène parfois à des défis logistiques, mais surtout à un délai d’obtention du résultat. Comme pour les tests immunologiques, cette technique requiert aussi l’utilisation de réactifs et de matériel qui en bout de course ont un impact environnemental indéniable.
Dans l'article que son équipe et lui publient aujourd’hui, le professeur titulaire au Département de génie physique de Polytechnique Montréal, Frédéric Leblond, présente une alternative basée sur la spectroscopie Raman et l’apprentissage automatisé, une forme d’intelligence artificielle (IA). L’approche permet de déterminer si une personne est infectée ou non par le virus qui cause la COVID-19 grâce à une simple gouttelette de salive déposée sur une lamelle.
Trouver la signature de la COVID-19

Katherine Ember, stagiaire postdoctorale qui signe l'article comme première auteure, et Pr Frédéric Leblond
L'équipe de recherche du Pr Leblond a d’abord analysé 37 échantillons de salive provenant de patients atteints de la COVID-19 en plus de 513 autres prélevés chez des patients sains afin d’entraîner un outil d’apprentissage automatisé à discriminer les échantillons provenant d’individus infectés ou sains.
Dans chaque cas, une simple gouttelette de salive séchée sur une lamelle a servi à l’entraînement. Placé sous la lentille d’un microscope, l’échantillon a été analysé par spectroscopie Raman, conduisant à la création d’une série de « spectres de diffusion Raman ». Ces sortes d’images ne renseignent aucunement l’œil d’un humain, mais cachent une signature de la COVID-19 reconnue par l’outil d’IA.
« Le COVID-19 provoque certains changements métaboliques qui se reflètent dans la composition de la salive », explique Pr Leblond. « On ne sait pas encore exactement ce que l’outil perçoit au niveau biomoléculaire, mais on sait qu’il est en mesure d’identifier correctement les patients infectés des non infectés. »
Pour le prouver, l’équipe a présenté des échantillons inconnus à son outil après l’avoir entraîné. Celui-ci a identifié les cas positifs avec un taux de succès allant de 79 et 84% tout en reconnaissant les échantillons négatifs comme étant négatifs à un taux de 64 et 75 %, selon que l’échantillon provenait d’un homme ou d’une femme.
« À ce stade-ci, il faudrait encore améliorer notre outil », concède Pr Leblond. « Mais on a la certitude d’être sur la bonne voie. »
Et ça semble être le cas.
Le groupe a testé différentes avenues pour améliorer la qualité des échantillons qui servent à l’entraînement de son algorithme, l’amenant même à travailler avec des échantillons de salive toujours liquide afin de réduire à environ une minute le temps requis pour obtenir un résultat d’analyse.
Le groupe prévoit aussi dévoiler en juin de nouveaux résultats à l’occasion d’un congrès tenu à Dublin, en Irlande. Selon Pr Leblond, son outil discrimine maintenant les cas positifs à plus de 95% et identifie les cas négatifs comme étant de vrais négatifs avec 80% de succès, ce qui rapproche l’outil d’une utilisation bien réelle.
À terme, celui-ci pourrait être contenu dans une boîte de la taille d’un four microonde et être déployé sur le terrain aux endroits achalandés afin de déterminer, en quelques minutes, si un individu est infecté ou non.
Un nouvel outil dans l’arsenal de l’analyse biomédicale

La petite taille du montage expérimental utilisé pour ces travaux permet d'envisager un jour que l’outil diagnostic tiendra un jour dans un boitier de la taille d’un four à microondes. (Photo : Nassim Ksantini)
Pr Leblond a largement contribué à faire en sorte que la spectroscopie Raman s’établisse dans le domaine médical comme outil pour différencier les tissus cancéreux des tissus sains lors de chirurgies. Avec cet article, l’équipe du Pr Leblond démontre pour la première fois que cette approche pourrait aussi faire sa niche dans les laboratoires d’analyse médicale afin de reconnaître la signature de différentes pathologies dans des fluides comme la salive, le sang ou l’urine, par exemple.
« Ce qu’on a ici, c’est une preuve de concept qui nous ouvre tout un nouveau champ d’applications », souligne Pr Leblond. « On peut maintenant envisager de détecter dans le sang des pathologies comme la maladie de Lyme ou même les répercussions d’une commotion cérébrale, par exemple. »
Pareille approche permettrait potentiellement d’accélérer le diagnostic de certaines maladies en plus de remplacer des tests cliniques coûteux.
Ces travaux ont été effectués sous la direction du Pr Leblond et ont été menés en collaboration avec Dre Dominique Trudel, pathologiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Cette phase du projet de recherche a bénéficié de l’appui financier de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), de l’Institut TransMedTech, de IVADO et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).
Les principes de l’imagerie par spectroscopie Raman
Notre œil perçoit les objets parce qu’il détecte les rayons lumineux diffusés par ceux-ci. L’approche par spectroscopie Raman utilisée par le professeur Frédéric Leblond agit de la même façon, à une différence près : elle discerne les rayons lumineux dont la longueur d’onde a changé en frappant un objet.
Chaque substance modifie de cette façon la lumière qui est projetée sur elle, générant une véritable « signature moléculaire » propre à la substance éclairée. L’équipe de Polytechnique Montréal et du CRCHUM vient de démontrer que la salive des individus atteints de la COVID-19 offre une signature distincte de celle de patients sains, que ce soit par la présence de particules virales ou celle de molécules fabriquées par l’organisme en réponse à l’attaque virale.
En savoir plus
Fiche d’expertise du professeur Frédéric Leblond
L'article du Journal of Biomedical Optics
Site du Département de génie physique
Site du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM)