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Amener l’intelligence artificielle à bord des avions
Une équipe de chercheurs de Polytechnique se joint à un consortium franco-québécois pour faire en sorte que des applications créées par apprentissage automatisé - le type d’intelligence artificielle le plus commun - aient leur place dans les prochaines générations d’avions.
Baptisée « DEEL », pour « DEpendable Explainable Learning », ou « intelligence artificielle explicable et robuste », l’initiative regroupe des chercheurs de cinq universités québécoises qui collaboreront avec un consortium d’entreprises en aéronautiques basées au Québec et en France au cours des cinq prochaines années.
Les expertises de quatre chercheurs de Polytechnique, ainsi que celle de leurs équipes, seront mises à contribution. Professeur au département de mathématiques et de génie industriel, Andrea Lodi entraînera des réseaux de neurones afin de remplacer des algorithmes aéronautiques classiques pour améliorer la performance des systèmes embarqués. De leur côté, les experts en génie logiciel Giulio Antoniol, Ettore Merlo et Foutse Khomh, tous trois professeurs au Département de génie informatique et génie logiciel, décortiqueront les algorithmes issus de cet entraînement pour garantir leur efficacité, mais surtout, leur sécurité.
Déchiffrer le code
Car, comme pour les logiciels présentement utilisés dans les avions, ceux générés par des ordinateurs devront eux aussi obtenir la bénédiction des agences gouvernementales de sécurité aéronautique, notamment celle de Transport Canada, avant d’être intégrés aux systèmes informatiques des avions.
« La certification en aéronautique est très stricte, souligne Foutse Khomh, qui dirigera l’une des équipes du projet. Le rôle de chaque ligne de code doit être bien compris. »
Le hic, c’est que l’intelligence artificielle crée selon lui une « inversion de paradigme » qui force les autorités règlementaires à revoir la façon avec laquelle elles certifient les applications du genre.
« L’approche traditionnelle du développement logiciel est déductive, explique-t-il, c’est-à-dire qu’on inscrit des règles dans un programme qui dicte ensuite le comportement du système. En apprentissage automatique, c’est tout le contraire : les règles sont générées de façon inductive à partir de données d’apprentissage.
« Certifier ce genre de modèle est beaucoup plus compliqué », ajoute-t-il.
En laissant à des réseaux de neurones le soin d’écrire une à une ces lignes de code, on se retrouve avec un ensemble difficile à déchiffrer. L’équipe du Pr Khomh tentera non seulement de comprendre la raison d’être du code généré automatiquement, mais aussi de comprendre les procédés employés par les réseaux de neurones pour arriver à leurs fins. « Il faut pouvoir garantir le processus d’entrainement lui-même, précise Pr Khomh, parce que lorsqu’on procèdera à des mises à jour, il faudra comprendre l’impact de chaque changement sur le produit et le résultat final. »
Tester les limites des programmes
De son côté, l’équipe du Pr Merlo vérifiera la robustesse des modèles générés par apprentissage automatisé en leur présentant des situations extrêmes jamais vues au cours de leur période d’apprentissage. « En testant les limites des modèles, on améliore la confiance qu’on pourra accorder aux décisions des systèmes d’apprentissage automatique », explique-t-il.
Son équipe s’attardera plus spécifiquement à la certification des modèles de réseaux de neurones profonds (DeepNeuralNetwork ou DNN en anglais) utilisés dans l’avionique. Pour y arriver, elle s’appuiera d’abord sur les méthodes et les bonnes pratiques du génie logiciel, en se servant notamment de tests d'analyse de fiabilité des systèmes logiciels à un niveau opérationnel. Le groupe compte ensuite adapter leur approche aux méthodes d'apprentissage automatique.
Projet multicentrique
Dans leur ensemble, les chercheurs s’attarderont d’abord à des outils dont la fonction ne compromet pas la sécurité de l’avion en vol. Pr Khomh donne comme exemple un outil de prédiction de la température en cabine en fonction de l’altitude ou mentionne un autre outil de prédiction de l’usure des pièces.
« L’objectif, c’est éventuellement d’aller plus loin, ajoute-t-il, prudent. Mais avant, on doit comprendre comment on peut certifier ce genre d’application. »
Parmi les partenaires industriels liés au projet, on compte notamment Airbus, Thales Canada, Bombardier Aéronautique, Bell Textron Canada et CAE. Le projet implique aussi le Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ), l’Institut de valorisation des données (IVADO) et l’Institut de recherche technologique (IRT) Saint Exupéry, en France.
Les partenaires bénéficieront globalement d’une enveloppe budgétaire d’environ 30 millions de dollars répartis sur 5 ans à laquelle contribue le gouvernement du Québec à hauteur de 2,9 millions de dollars, ainsi que celui du Canada avec 2,5 millions de dollars.
Dans l'ordre habituel, les professeurs Andrea Lodi, Giuliano Antoniol, Ettore Merlo et Foutse Khomh.
En savoir plus
Fiche d’expertise du professeur Andrea Lodi
Fiche d’expertise du professeur Giuliano Antoniol
Fiche d’expertise du professeur Ettore Merlo
Fiche d’expertise du professeur Foutse Khomh