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Des diagnostics de cancer de la prostate plus précis grâce à la spectroscopie Raman

18 août 2020 - Source : NOUVELLES

Le diagnostic des différents sous-types et grades de cancer de la prostate pourrait devenir plus précis avec le recours à la microspectroscopie Raman, une approche mise au point par une équipe de Polytechnique Montréal et du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM). Les résultats de leurs travaux réalisés sur des tissus humains ont été publiés vendredi dernier, le 14 août, dans le prestigieux magazine web PLOS Medicine.

Le cancer de la prostate est celui qui affecte directement le plus d’hommes au pays, comptant pour 20 % de tous les nouveaux cas de cancer identifiés dans ce groupe. Selon la Société canadienne du cancer, ils seront 23 000 à recevoir ce diagnostic cette année. Durant la même période, environ 4 200 mourront de la maladie.

Comme pour les autres cancers, celui qui affecte la prostate se décline sous différentes formes, des « sous-types » qui, en plus, progressent au travers de plusieurs grades histologiques. Discriminer chacune de ces formes s’avère un tour de force que relève chaque jour des médecins pathologistes. Des erreurs de diagnostic surviennent toutefois à l’occasion. Résultat : les patients n’ont alors pas accès au traitement optimal pour leur type de cancer.
 

Frédéric Leblond et Dre Dominique Trudel. (Photo : CHUM)

Frédéric Leblond, professeur titulaire en génie physique à Polytechnique Montréal, et Dre Dominique Trudel, pathologiste au CHUM, tous deux chercheurs au CRCHUM. (Photo : CHUM)


La spectroscopie Raman pour épauler

C’est pour cette raison que Frédéric Leblond, professeur titulaire au Département de génie physique à Polytechnique Montréal, sa collègue du CRCHUM, Dre Dominique Trudel, et leur stagiaire postdoctorale Andrée-Anne Grosset ont cherché à savoir comment la spectroscopie Raman pourrait faciliter le travail des pathologistes qui scrutent chaque jour au microscope des échantillons de prostate obtenus par biopsie.

L’équipe a déjà obtenu des résultats préliminaires qui suggèrent que la spectroscopie Raman permet de discerner les tissus cancéreux des tissus sains dans les cancers du poumon et des ovaires. Dernièrement, elle a aussi amorcé le développement d’une méthode peropératoire basée sur la spectroscopie Raman afin de guider la chirurgie conservatrice en cancer du sein. Pr Leblond et Dr Kevin Petrecca, affilié à l’Université McGill, avaient fait de même par le passé pour ce qui est du cancer au cerveau. Un travail qui leur avait valu le prix de la Découverte scientifique de l’année 2017 par le magazine Québec Science.

Dans le cadre de l’étude publiée dans PLOS Medicine, les chercheurs ont analysé au microscope des échantillons provenant de 483 patients prélevés entre 1993 et 2013 chez des hommes atteints de différentes formes de cancer de la prostate.

« On a d’abord produit une série de spectres Raman avec une partie de ces échantillons, puis on a comparé les résultats à ceux obtenus par une méthode traditionnellement utilisée pour identifier les biomarqueurs liés au cancer », explique Pr Leblond.

« On a ensuite entraîné un algorithme d’apprentissage machine avec tous ces résultats pour qu’il discerne les tissus cancéreux des tissus sains, en plus de discriminer un sous-type de cancer, le carcinome intracanalaire de la prostate (intraductal carcinoma of the prostate ou IDC-P en anglais), une forme agressive du cancer qui doit être prise en compte dans le plan de traitement du patient. »

Puis, ce fut le moment de vérifier si l’algorithme avait appris de l’expérience. L’équipe lui a présenté une série d’échantillons de cancer de la prostate qu’il n’avait jamais vus jusque-là. Résultat : l’analyse des spectres Raman par l’algorithme a permis de différencier les tissus cancéreux des tissus sains dans environ 87 % des cas, soit près de 9 fois sur 10. Il a également distingué les cancers de type IDC-P des autres cancers de la prostate avec une précision allant de 85 % à 95 % selon le groupe d’échantillons.
 

La microspectroscopie Raman pourrait éventuellement faire sa place dans l’attirail d’outils dont disposent les pathologistes pour identifier le type et le grade des cancers de la prostate.


Selon Pr Leblond, ces résultats s’avèrent très prometteurs. « C’est une belle preuve de concept », souligne-t-il, ajoutant que des outils basés sur la microspectroscopie Raman pourraient éventuellement intéresser les hôpitaux, cette approche étant à la fois moins dispendieuse et plus rapide que l’immunohistochimie, la méthode le plus souvent utilisée en laboratoire pour préciser les sous-types de cancers.

Il ajoute toutefois que du travail reste à accomplir avant d’en arriver là, l’approche actuelle n’étant pas encore prête pour un déploiement en milieu clinique. « Dans le cadre de cette étude, nous prenions plusieurs mesures en un point précis d’une image pour obtenir un résultat », dit-il. « Nous développons présentement une méthode plus pratique qui permettra de réaliser une imagerie complète des échantillons. »

Pareille approche permettra, selon lui, de stratifier les patients plus précisément et de leur administrer un traitement adapté à leur condition. L’équipe qu’il partage avec Dre Trudel au CRCHUM s’y affaire déjà.


Avec l’appui financier du CRCHUM, d'IVADO, de l'Institut TransMedTech, de Mitacs, de l'Institut du cancer de Montréal, de Prostate Cancer Canada, du Fonds de Recherche du Québec — Santé, du Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada, de l'Ontario Institute for Cancer Research, du National Cancer Institute (National Health Institutes) et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).


En savoir plus

Article « Identification of intraductal carcinoma of the prostate on tissue specimens using Raman micro-spectroscopy: A diagnostic accuracy case–control study with multicohort validation » publié dans le magazine PLOS Medicine (en anglais)
Fiche d'expertise du professeur Frédéric Leblond
Site du Département de génie physique
Site du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)
Site du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM)
Site de l'Institut TransMedTech
Site de l'Institut de valorisation des données (IVADO)
Site de l’Institut du cancer de Montréal
Site de Mitacs

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