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Détection d'anomalies dans les réseaux de communication: quand l’IA rencontre l’informatique quantique

31 mai 2023 - Source : BLOGUE

 

Des ordinateurs quantiques prennent place aux quatre coins de la planète pour permettre aux scientifiques et aux entreprises de développer de nouveaux outils informatiques (Photo : IBM_Research_Zurich, CC BY 2.0)


Dans son laboratoire à Polytechnique Montréal, Soumaya Cherkaoui défriche un territoire cybernétique qu’on commence à peine à explorer : celui de l’informatique quantique. En vertu d’un accès privilégié aux premiers ordinateurs de ce type, elle développe de nouvelles solutions de cybersécurité qui tireront profit à la fois de l’apprentissage machine et de l’informatique quantique.

On les a imaginés, construits, puis testés. Les premiers ordinateurs quantiques ont été extirpés de l’univers de la science-fiction pour gagner le monde réel. Le Québec en accueillera d’ailleurs bientôt un à Bromont, un Quantum System One de l’entreprise IBM.

Contrairement à l'ordinateur classique qui base ses calculs sur des bits pour stocker et manipuler les données, l’ordinateur quantique, lui, s’en remet à des bits quantiques (qubits). La distinction est importante parce que les bits n’offrent que deux états pour conserver l’information : tel un interrupteur, on les trouve soit en position ouverte, soit en position fermée. Les qubits, eux, offrent une multitude d’états, ouvrant la voie à des processus de calcul beaucoup plus rapides.

Mais avoir accès à une Ferrari du calcul ne suffit pas : encore faut-il savoir la piloter. Le hic, c’est qu’on ne mène pas des opérations de calcul sur les ordinateurs quantiques comme on le fait sur les ordinateurs conventionnels en empruntant les circuits logiques électroniques utilisés depuis toujours. Pour révéler le plein potentiel de ces nouveaux outils, il faudra d’abord développer, en quelque sorte, un nouveau vocabulaire sous la forme d’algorithmes à exécuter sur des ordinateurs quantiques.

Pre Soumaya Cherkaoui, professeure titulaire au Département de génie électrique et génie informatique (GIGL) à Polytechnique Montréal, fait partie de la poignée de scientifiques qui se sont engagés dans cette voie.

Un projet de 1,3 million de dollars

Pre Soumaya Cherkaoui (Photo : Denis Bernier)

En vertu d’un appui de 1,3 million de dollars du Conseil de recherches en sciences naturelles du Canada (CRSNG) et de Prompt Innov, ainsi que des partenaires industriels Thales et Zetane Systems, Pre Cherkaoui pilote un projet ambitieux en collaboration avec le professeur Shengrui Wang, de l’Université de Sherbrooke : celui de développer de nouveaux outils de cybersécurité qu’on envisage désormais grâce au pouvoir de calcul des ordinateurs quantiques.

Les cyberintrusions et les cyberattaques peuvent mettre en péril la sécurité des systèmes connectés et causer des dommages irréversibles à leur fonctionnement. Cela est particulièrement vrai pour les systèmes critiques, tels que les systèmes de communications sans fil, les flottes de trains, les véhicules autonomes, etc. Les systèmes de détection d'intrusion (IDS) sont déployés en conjonction avec d'autres mécanismes de sécurité, tels que le contrôle d'accès et les techniques de cryptage, pour sécuriser davantage les systèmes. Les systèmes de détection d'intrusion sont capables de discerner les comportements inhabituels à l’intérieur d’un flot de données de surveillance d’un réseau. Dans les mots de Soumaya Cherkaoui, on parle ici de « détection d’anomalies réseaux », une approche à laquelle Pre Cherkaoui et ses collaborateurs s’attaquent en utilisant les nouvelles capacités des ordinateurs quantiques.

« L’objectif ultime, c’est de détecter les intrusions avant qu’un réseau ne subisse des dommages », explique la professeure Cherkaoui. « Avec les solutions actuelles, lorsqu’on détecte un problème, c’est souvent parce qu’il est déjà trop tard. »

Pour réussir là où d’autres solutions ont échoué, Soumaya Cherkaoui et ses collaborateurs développent des outils d’apprentissage automatisé qui tirent profit de l’univers quantique. L’avenue est si spécialisée qu’elle a sa propre désignation, celle de « l'apprentissage automatique quantique » ou QML.

« C’est comme un nouveau jouet », lance avec le sourire la professeure Cherkaoui. « Le potentiel de ce genre de technologie est énorme pour la détection d’intrusions. »

Pareille technologie a le potentiel de permettre des progrès énormes en matière de temps d'exécution, de capacité et d'efficacité d'apprentissage en plus d’améliorer de façon significative des capacités de détection d'anomalies. Le véritable défi est de créer des outils de départ qui seront ensuite utilisés comme un nouveau cadre pour la détection d'anomalies dans les réseaux, à l'aide d'algorithmes d'apprentissage automatique quantique, confie Pre Cherkaoui.

« L’approche de calcul et d’apprentissage est complètement différente », dit-elle. « Si on ne fait que transposer ce qu’on fait déjà, il n’y a pas d’avantage. C’est un changement de paradigme algorithmique : il faut tout réapprendre. »

La professeure et son équipe s’attarderont ainsi dans un premier temps aux aspects théoriques de leur recherche. Suivront ensuite la phase applicative et les tests.

En savoir plus

Fiche d'expertise de la professeure Soumaya Cherkaoui
Site web du Département de génie électrique et génie informatique (GIGL)

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