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Portiloop: un potentiel entraîneur d’ondes cérébrales pour muscler la mémoire
C’est un dispositif qui pourrait un jour permettre d’améliorer notre concentration, ou même de ralentir le déclin cognitif. Une équipe de Polytechnique Montréal vient de dévoiler dans un article paru dans la revue scientifique PLOS ONE le Portiloop, un outil qui scrute les ondes cérébrales pour y discerner des signatures spécifiques, en temps réel, pour ensuite stimuler le cerveau afin de « l’entraîner ».

Avec le Portiloop, on pourra bientôt savoir si l’amplification des ondes cérébrales rapides contribue à améliorer les processus de mémorisation durant le sommeil. (Photo : Laboratoire MIST)
Pendant qu’on dort, notre cerveau traverse différentes phases qui ont chacune leurs fonctions. Le sommeil léger, par exemple, donne lieu à la sauvegarde cérébrale : les apprentissages de la journée sont consolidés dans la mémoire à long terme. Le sommeil profond, lui, permet notamment au cerveau de se débarrasser de ses débris cellulaires en plus d'opérer d'autres activités de mémorisation.
Durant chacune de ces phases, le cerveau produit des ondes cérébrales spécifiques qui agissent comme de véritables signatures de ce qui se trame. Les scientifiques les étudient par électroencéphalographie (EEG), en accolant des électrodes à la tête d’un cobaye. Bien plus qu’une façon de reconnaître les phases du sommeil, ces signatures indiquent quels processus précis s’opèrent entre les neurones.
Les ondes lentes d’environ 1 hertz (Hz), par exemple, signalent qu’un processus de consolidation de la mémoire est en cours. On peut même interagir avec elles en faisant écouter au sujet de brefs bruits roses (similaires à du bruit blanc) au moment précis où elles sont produites afin d’augmenter l’amplitude de ces ondes dans le cerveau. Par ce procédé dit de « stimulation cérébrale profonde en boucle fermée », on améliore la capacité de mémorisation des participants.
Pour gagner en précision et améliorer les approches de rétroaction avec le cerveau, les chercheurs dans ce domaine voudraient maintenant être en mesure d’interagir avec des ondes plus rapides, celles d’un bref événement baptisé « fuseau de sommeil » qui ne dure qu’une à deux secondes et qui survient brusquement, sans donner de préavis. Les spécialistes croient qu’on pourrait ainsi améliorer encore plus le processus de mémorisation, mais ça reste à tester.
Le hic, c’est que les outils mis à la disposition des chercheurs ne sont pas suffisamment rapides pour identifier ces signaux, puis réagir en émettant un signal. En plus, ils s’avèrent coûteux (plus de 30 000 dollars) et complexes à utiliser.
Mais la situation est en voie de changer.

Le professeur Giovanni Beltrame (Photo : Caroline Perron)
Un réseau de neurones qui pourrait en entraîner un autre
En collaboration avec un groupe de recherche du Département de psychologie de l’Université Concordia, l’équipe de Giovanni Beltrame, professeur titulaire au Département de génie informatique et génie logiciel, a conçu un dispositif qui rivalise et dépasse même en termes de performances les outils auxquels ont accès les chercheurs en neurophysiologie. Le tout, pour environ 500 dollars seulement en pièces et en matériaux.
Le groupe a dévoilé son dispositif plus tôt cette semaine dans cet article publié dans la revue scientifique PLOS ONE.
Le Portiloop – c’est son nom – tient sur le coin d’une table. Grâce à son électroencéphalogramme intégré, il reconnaît les signes précurseurs d’un événement de « fuseau de sommeil » de façon à réagir en environ 0,25 seconde en émettant un signal, avant même la fin du bref événement.
Il réussit cette prouesse grâce à un réseau de neurones artificiel - de l’intelligence artificielle donc - entraîné sur les données de 180 individus. Il décèle maintenant les événements de fuseau de sommeil dès les premières millisecondes de leur manifestation, ce qui lui donne suffisamment de temps pour réagir et transmettre ensuite un signal sonore au cerveau afin d’augmenter potentiellement l’amplitude des ondes cérébrales.
« C’est la première fois qu’un groupe de recherche réussit à stimuler les fuseaux de sommeil de cette façon », se félicite le professeur Beltrame qui signe l’article en collaboration avec l’équipe de sa conjointe à l’Université Concordia, la professeure Emily B.J. Coffey. « On collecte les données, on les analyse et on stimule en un quart de seconde. »
Selon lui, cette innovation ouvre d’abord la voie à de nouvelles possibilités de recherche, entre autres en lien avec le déclin cognitif qui accompagne la vieillesse. « Les spécialistes ont remarqué que l’amplitude et la fréquence des fuseaux de sommeil diminuent avec l’âge », explique le professeur Beltrame. « Avec notre outil, ils pourront vérifier s’il est possible de compenser en stimulant les fuseaux de sommeil pour améliorer la mémorisation. »
À terme, pareil outil pourrait trouver donc trouver sa place dans les chambres à coucher afin d’améliorer les capacités de mémorisation du cerveau durant le sommeil, mais on n’en est pas là encore. Le Portiloop devrait prendre sa place dans les laboratoires de neurophysiologie. Des cinq prototypes assemblés jusqu’ici, deux se trouvent d’ailleurs déjà dans des laboratoires des universités Concordia et McGill où ils sont mis à l’essai.
Le groupe de chercheurs de Polytechnique Montréal et de l’Université Concordia travaille de son côté à améliorer son outil d’intelligence artificielle afin qu’il s’adapte à chaque nouveau patient. « Les signatures d’EEG changent d’un individu à l’autre », explique Pr Beltrame. « On aimerait le rendre encore plus performant. »
En attendant, son équipe offre en accès libre toute la démarche d’assemblage du Portiloop afin d’offrir aux laboratoires du monde entier une solution peu coûteuse afin de stimuler les recherches en neurophysiologie.
En savoir plus
L'article The Portiloop: A deep learning-based open science tool for closed-loop brain stimulation publié dans PLOS ONE
Site web du Laboratoire MIST (en anglais)
Site web du Département de génie informatique et génie logiciel
Expertise du professeur Giovanni Beltrame
Expertise de la professeure Emily Coffey