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Découverte «Québec Science» de l’année 2021: les professeurs Cohen-Adad et Gervais et leurs équipes parmi les finalistes
Ce n’est pas une, mais deux avancées scientifiques réalisées par des représentants de Polytechnique qui figurent parmi les dix découvertes québécoises de la dernière année du magazine Québec Science. Ces avancées sont de ce fait en lice au concours de la découverte de l’année 2021 Québec Science.

Les professeurs Julien Cohen-Adad et Thomas Gervais.
Julien Cohen-Adad, professeur agrégé au Département de génie électrique, et Thomas Gervais, professeur titulaire au Département de génie physique, ont été tous deux sélectionnés à la suite de la publication d’un article jugé exceptionnel par un jury composé de scientifiques et de journalistes scientifiques. Une nouvelle qui les réjouit on s’en doute.
« Cela fait évidemment très plaisir, mais ce qui me fait davantage plaisir, c’est que les étudiants qui ont travaillé sur le sujet puissent mesurer l'impact réel de leurs recherches sur la société », souligne le professeur Cohen-Adad. « C'est très valorisant, motivant et inspirant pour les étudiants et le personnel de recherche. »
Le professeur Gervais, qui a collaboré autrefois avec le magazine Québec Science à titre de journaliste indépendant, se dit flatté par cette reconnaissance qu’il qualifie de « très spéciale ». « J’adhère à 100 % à la mission que s’est donnée Québec Science de vulgariser la science faite au Québec et dans le monde », souligne-t-il. « Le fait que les travaux de notre équipe y soient représentés est une grande fierté pour nous tous. »
La communauté de Polytechnique Montréal et le grand public sont invités à voter pour les découvertes des représentants de Polytechnique au concours de la découverte de l'année 2021 Québec Science - celle du professeur Cohen-Adad (#3) et celle du professeur Gervais (#7) - à l’adresse suivante : https://www.quebecscience.qc.ca/decouvertes2021/ .
Pas de géant en imagerie de la moelle épinière

Grâce au protocole développé par Pr Julien Cohen-Adad et ses collaborateurs, il sera désormais possible d’utiliser l’IA sur des données d’IRM de la moelle épinière. (Photo : NeuroPoly)
La candidature de Julien Cohen-Adad a été retenue pour la publication d’un article dans la revue Nature Protocols qui pourrait transformer le petit monde de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de la moelle épinière comme on l’expliquait plus tôt cette année dans ce texte du blogue Le labo 2500.
L'IRM est une technique d’imagerie non invasive qui a permis à la médecine moderne de faire des bonds de géants en permettant de voir ce qui se trame dans un corps sans recourir à la chirurgie. On l’utilise notamment pour détecter des pathologies de la moelle épinière comme des tumeurs ou des lésions associées à la sclérose en plaques.
Mais il y avait jusqu’à encore tout récemment un hic. Les données d’imagerie de la moelle épinière ne pouvaient être utilisées que de façon qualitative. En absence de points de référence dans les images, impossible d’étalonner celles-ci pour suivre, par exemple, l’évolution d’une maladie comme la dégénérescence neuronale, ou mesurer l’amélioration de la condition d’un patient en cours de traitement. Le problème était tel que des images captées par le même appareil et/ou technicien à quelques mois d’intervalle ne pouvaient être comparées.
C’est maintenant une histoire du passé grâce au travail du professeur Cohen-Adad et de ses collaborateurs qui ont publié leurs résultats dans deux articles d’impact du groupe Nature, incluant celui de Nature Protocols.
L’article détaille les étapes d’un protocole qui permet de « standardiser » les images de moelle épinière prises par IRM, et ce, peu importe l’identité du fabricant d'un appareil. Le groupe a testé son approche auprès de 260 participants et participantes répartis dans 42 centres d’imagerie dans le monde au cours des cinq dernières années.
« La méthode d'acquisition IRM standardisée que nous proposons peut s'utiliser sur la quasi-totalité des IRM cliniques dans le monde », souligne Julien Cohen-Adad. « En suivant ce protocole, les centres hospitaliers feront en sorte que toutes les données pourront être comparées les unes les autres, ce qui nous permettra d’utiliser une approche baptisée "IRM quantitative" où on mesure la taille des microstructures avec une grande précision pour suivre leur évolution dans le temps. »
En plus de faciliter le suivi des patients, cette approche permettra aux spécialistes de la planète d’établir des valeurs seuils pour détecter chaque pathologie de la moelle épinière. L’équipe du professeur Cohen-Adad, qui est membre du Mila, mettra aussi à profit des outils d’intelligence artificielle pour améliorer la précision des diagnostics en se basant sur les données d’imagerie acquises.
« Une grande limitation de l'intelligence artificielle est la variabilité des données provenant d'hôpitaux différents, ce qui limite la capacité de généralisation des algorithmes d’apprentissage profond », explique Julien Cohen-Adad. « Grâce à notre découverte, les images seront plus "standardisées" et donc fonctionneront mieux avec les nouvelles méthodes d'analyse automatiques, comme pour la détection de tumeurs dans les images IRM, par exemple. »
Un projecteur de pixels liquides

L’« afficheur chimique pixélisé » génère chaque pixel coloré à sa surface grâce à une série d’ouvertures (points gris) qui sont connectées à un réseau de tubulures où on injecte ou aspire les liquides. Plutôt que de se mélanger, les liquides se repoussent et créent des pixels. C’est là une étonnante propriété des écoulements de liquides à l’échelle microscopique.
De son côté, Thomas Gervais et son équipe ont levé le voile sur leur « afficheur chimique pixélisé », une sorte de projecteur miniature de liquides capable de mener jusqu’à 144 expériences simultanément. Tout ça, sur une surface d’à peine un centimètre carré!
Rapportée dans un article publié dans PNAS, cette invention pourrait transformer notre façon de réaliser des tests biochimiques ou biologiques, et même amener un nouveau type de robot dans les laboratoires basé sur cette approche dite « microfluidique », qui s'appuie sur les propriétés physiques de petits volumes de liquides.
« Pour réaliser cette innovation, nous avons produit des règles de design d’un tout nouveau genre de dispositif dont nous sommes les pionniers », explique le professeur Gervais. « Nous croyons que la publication de ces règles de design, en plus de la démonstration expérimentale, permettra à plusieurs nouvelles applications microfluidiques de voir le jour. »
Le secret de l’afficheur réside dans sa capacité à générer des « pixels » de liquides à sa surface grâce à une série d’ouvertures qui injectent ou aspirent les fluides. L’outil en voie d’être breveté tire avantage d’une propriété étonnante de l’écoulement des liquides à l’échelle microscopique : au lieu de se mélanger, ceux-ci se repoussent pour former chacun des pixels.
L’équipe d’ingénieurs utilise l’afficheur comme s’il s’agissait d’une estampe dynamique. Une fois à proximité d’une surface, celui-ci transfère point par point les fluides qui s’écoulent à sa surface.
Dans un article précurseur publié dans la revue Nature Communications en 2019, les mêmes auteurs avaient démontré comment ils pouvaient réaliser les étapes successives d’un test immunologique par cette approche en contrôlant tour à tour l’ajout des réactifs tout en menant les différents cycles de lavage. Dans leur plus récent article dans PNAS, ils démontrent pour la première fois comment leur stratégie pourrait être répliquée à volonté afin de mener plusieurs expériences en parallèle. Le groupe l’a démontré en transférant des protéines sur une surface traitée. Il a aussi prouvé l’utilité de son approche pour fabriquer des circuits électroniques flexibles en déposant des couches d’argent sur des films de plastique.
« Il reste encore du chemin à faire, mais les afficheurs chimiques pixélisés pourraient un jour devenir une sérieuse option pour remplacer les "robots pipeteurs" dans les laboratoires, des outils qui sont complexes et dispendieux », explique le scientifique. « Ces afficheurs pourraient donc éventuellement se retrouver au coeur des robots manipulateurs de liquides qui permettent actuellement la découverte de médicaments, ou encore permettre de développer de nouvelles approches en recherche biomédicale. »
En savoir plus
Page du concours de la découverte de l'année 2021 Québec Science
Fiche d’expertise du professeur Julien Cohen-Adad
Fiche d’expertise du professeur Thomas Gervais
Article du professeur Cohen-Adad publié dans Nature Protocols
Article de l’équipe du professeur Gervais publié dans PNAS
Site du Département de génie électrique
Site du Département de génie physique