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COVID-19 : accélérer le déroulement des études cliniques
À l’ombre de toutes les avancées scientifiques qui s’opèrent pendant la crise de la COVID-19, il s’en trouve une qui pourrait faire des petits dans le monde de la recherche clinique une fois la tempête terminée. Un professeur de Polytechnique s’implique directement dans le projet.

Structure chimique de la colchicine. (Image : Calvero/Wikimedia Commons)
Frédéric Lesage est professeur titulaire au Département de génie électrique à Polytechnique Montréal et chercheur au Centre de recherche de l’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM). Le spécialiste de l’imagerie médicale collabore avec l’équipe du médecin Jean-Claude Tardif, lui aussi affilié à l’ICM, pour accélérer la vitesse à laquelle est menée une grande étude clinique baptisée « COLCORONA ».
Le groupe de Dr Tardif tente de savoir si un médicament connu de longue date, la colchicine, améliore le sort des patients atteints de la COVID-19. Pour le vérifier, l’équipe de l’ICM veut recruter un total de 6 000 participants. Le démarrage de l’étude s’est réalisé en un temps record. À peine deux semaines ont suffi pour que le projet soit présenté à Santé Canada, puis que l’organisme lui donne son aval.
De Montréal à Madrid, en passant par New York
Une fois cette étape franchie, le groupe a entamé le processus de recrutement des patients. Compte tenu du mode de transmission du virus SARS-CoV-2 et de l’urgence de la situation, Frédéric Lesage et ses collaborateurs ont développé une plateforme informatique pour que toutes les opérations soient réalisées à distance.
« Habituellement le recrutement se fait par l’intermédiaire d’un centre hospitalier », explique le chercheur. « Avec notre approche, on enlève un intermédiaire et on recrute directement les patients. »

Frédéric Lesage, professeur titulaire au Département de génie électrique à Polytechnique Montréal et chercheur au Centre de recherche de l’Institut de Cardiologie de Montréal.
Avec la collaboration d’une équipe de programmeurs provenant de l’entreprise spécialisée en technologie de l’information CGI, M. Lesage a contribué au développement d’un module de consentement électronique qui permet à des infirmières postées à l’autre bout du monde d’obtenir l’aval d’un patient pour participer à l’étude.
« Ça va beaucoup plus vite que dans le contexte d’une étude clinique classique », se félicite Frédéric Lesage, qui est à même de constater la vitesse avec laquelle le recrutement s’opère. Des patients du Québec, de la Colombie-Britannique et même de la région de New York participent déjà à l’étude clinique. D’autres de l’Ontario et l’Alberta devraient aussi s’ajouter prochainement selon lui. « On a même recruté un premier patient en Espagne ce matin », confiait-il en entrevue la semaine dernière.
Pour mener à bien l’opération, l’équipe de développement travaillera aussi sur des outils de télémédecine qui permettront d’automatiser les rendez-vous et d’assurer le suivi avec chaque patient. Un centre d’appel comprenant une quarantaine d’infirmières et d’infirmiers a aussi été mis en place. Chacun aura à assurer un suivi auprès de 15 à 30 patients par jour.
Selon le professeur Lesage, la mise en place et le suivi des études cliniques allaient tôt ou tard emprunter ces façons de faire. « On avait déjà l’initiative dans nos cartons », dit celui qui prépare aussi avec le Dr Tardif une étude cherchant à vérifier les bienfaits de la prise de colchicine chez des patients atteints de diabète de type 2. « Ce qui est merveilleux dans le contexte actuel, c’est que tout devient possible rapidement », ajoute-t-il.
Le groupe s’attend à dévoiler ses résultats environ un mois après avoir recruté son 6 000e patient. Il vient d’obtenir des subventions d’IVADO et de scale ai à hauteur de 125 000 $ chacune, en plus d’un appui de 50 000 $ en provenance de l’Institut TransMedTech.
La colchicine Une partie des personnes atteintes par la COVID-19 développent une tempête inflammatoire majeure en réaction à l’infection. L’équipe du Dr Tardif émet le postulat que la colchicine, grâce à son effet antiinflammatoire, pourrait réduire la puissance de cette réponse et améliorer le sort des patients touchés par la maladie. Le chercheur a mené une étude clinique basée sur le même médicament dernièrement. Celle-ci a permis de démontrer que la prise du médicament diminuait la possibilité de récidive chez des patients ayant déjà fait un infarctus du myocarde. |
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Fiche d’expertise du professeur Frédéric Lesage
Site du Département de génie électrique
Site du Centre de recherche de l’Institut de Cardiologie de Montréal