
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Une vision porteuse de transformation : Marc Parent, Po 84, génie mécanique, président et chef de la direction de CAE
Point de vue
Sous la direction de Marc Parent, CAE a connu, au cours des dix dernières années, une transformation majeure qui en a fait un chef de file mondial en formation. M. Parent explique les raisons de ce succès.

À quand remonte votre passion pour l’aéronautique ?
Je suis passionné d’aviation depuis mon plus jeune âge, et je suis entré dans les cadets de l’air à l’âge de 13 ans. J’ai obtenu mes ailes de pilote à 17 ans, deux ans avant d’apprendre à conduire une auto ! Ma mère devait me conduire à l’aéroport pour que j’aille piloter.
À Polytechnique, j’ai choisi la spécialisation aéronautique pour pouvoir poursuivre cette passion.
Quel genre d’étudiant étiez-vous ?
Comme ma spécialisation me permettait de nourrir ma passion, j’étais un élève extrêmement motivé. C’était le « fun » pour moi d’aller aux cours, les profs étaient intéressants, et je me suis fait des amis que j’ai conservés.
À Polytechnique, les premières années sont quand même difficiles, il faut travailler fort. Cela force les jeunes étudiants à travailler en équipe et à aller chercher des solutions. Dans mes cours, j’ai compris que pour résoudre un problème, il faut commencer par le comprendre. Quand on comprend, on a 95 % de la solution.
J’ai appris la rigueur à Polytechnique et je l’applique partout. Ces compétences préparent bien à l’entrée dans la vie professionnelle. Mes années à Polytechnique ont été parmi les meilleures de ma vie !
Quelle vision de l’industrie canadienne de l’aéronautique vous êtes-vous forgée ?
Quand j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur, l’industrie aéronautique connaissait des difficultés. Les gens ne croyaient pas que le secteur aéronautique allait remonter et devenir une industrie prospère. Mais cela ne m’a pas arrêté. J’étais un passionné d’aviation, et je le suis toujours. Alors je me suis fié à mon instinct.
L’industrie aéronautique québécoise a connu une grande résilience et, aujourd’hui, elle est la troisième grappe aérospatiale au monde ! C’est une industrie innovatrice qui est capable d’attirer les investissements étrangers. CAE en est le parfait exemple : nous sommes présents dans 35 pays, nous avons des clients dans plus de 130 pays. La majorité de nos revenus provient de l’extérieur du Canada !
On entraîne plus de 220 000 membres d’équipage, y compris 135 000 pilotes ! Savez-vous que peu importe où vous mènera votre prochain voyage, il est très probable que le pilote et le copilote aux commandes de votre avion aient été formés dans un de nos simulateurs construits ici même à Montréal ou dans l’une de nos écoles de formation à travers le monde. En tant que Montréalais, nous pouvons en être fiers !
En dix ans, sous votre direction, CAE a opéré une remarquable mutation. Comment est né le projet de positionner l’entreprise sur des marchés plus larges que son créneau originel ?
À la fin des années 1990, nous ne vendions que des simulateurs, ce qui constitue un commerce florissant lorsque les fabricants d’équipement d’origine livrent des avions. En raison de la conjoncture difficile, nous étions confrontés à un marché en déclin.
Nous avons alors décidé d’orienter l’entreprise vers une stratégie de croissance et de nous désengager des activités en dehors du secteur de l’aviation. C’est ainsi que nous avons établi notre stratégie reposant sur la formation, à laquelle nous réfléchissions depuis déjà quelque temps. Notre travail a donc consisté à envisager la manière dont nous pourrions tirer profit commercialement de cette activité. Nous savions que nous ne disposions pas de suffisamment de personnes pour mener à bien notre stratégie et nous avons donc fait en sorte d’obtenir cette masse critique en ouvrant des centres de formation et en faisant des acquisitions.
CAE s’est donc progressivement transformée d’une entreprise de produits à une entreprise de services. Au début des années 2000, 80 % de ses revenus provenaient de la vente de simulateurs pour l’aviation civile; aujourd’hui, la vente de ceux-ci ne représente plus que 20 % des revenus! En fait, à l’heure actuelle, nous tirons 60 % de nos revenus des services et de la formation.
Aujourd’hui, on peut donc dire que cette transformation est un succès. Mais il a fallu changer les perceptions par rapport à l’entreprise, qui était perçue comme manufacturière, et faire des changements pour devenir une véritable entreprise de formation. Il a fallu aussi utiliser notre innovation pour créer des produits qui nous permettraient de nous différencier comme chef de file de la formation, et mobiliser nos employés qui devaient s’engager totalement dans cette transformation, ainsi que les nouveaux employés qui s’ajoutaient à la famille CAE à la suite des différentes acquisitions.
C’est grâce à notre vision ambitieuse de devenir le partenaire de choix en formation à l’échelle mondiale pour renforcer la sécurité aérienne et à la stratégie d’affaires qui en a découlé que nous sommes aujourd’hui le chef de file mondial en formation de pilotes.
Comment CAE a-t-elle réussi à concilier sa culture d’entreprise aérospatiale avec celle du secteur de la santé ?
En fait, ces deux industries ont beaucoup de similarités. Les pilotes et les professionnels de la santé évoluent dans des conditions souvent complexes, en interaction avec une équipe… Et dans des situations où une erreur humaine peut être fatale. Dans les deux cas, la sécurité est primordiale et des protocoles rigoureux sont établis.
Dans les deux cas aussi, les professionnels peuvent faire face à des situations de travail normales, anormales ou d’urgence. Il existe toutefois une différence fondamentale : les pilotes et leur équipage s’entraînent régulièrement sur des simulateurs très réalistes, et cet entraînement est réglementé. Pour les médecins et les équipes médicales, il n’y a pas de telle réglementation.
Certaines associations de professionnels sont de plus en plus ouvertes à la simulation – on peut penser aux anesthésiologistes ou aux infirmières. Le milieu médical réalise que la formation et l’entraînement virtuels peuvent sauver des vies et des milliards de dollars. Et c’est là que notre division CAE Santé intervient, avec des simulateurs et une offre complète de solutions pour la formation médicale.
Quels nouveaux grands défis se profilent dans votre secteur d’industrie ? Quels types d’ingénieurs faudra-t-il pour aider à les résoudre ?
Avec l’évolution rapide de l’industrie – et l’arrivée de nouvelles technologies – nous devons trouver de nouveaux talents possédant de nouvelles compétences. Non seulement nous devons nous adapter rapidement aux réalités des nouveaux marchés et technologies, nous devons aussi les créer. Par exemple, à la suite des investissements en R & D sur les mégadonnées et l’intelligence artificielle, nous avons lancé un système de formation révolutionnaire, CAE RiseMC, qui permet de former les pilotes de façon plus objective à l’aide de données en temps réel.
Actuellement, nous recherchons, en ingénierie, des développeurs logiciels, des ingénieurs spécialisés en logiciels, en aérospatiale, en mécanique, en électricité. Dans les technologies numériques : des concepteurs de l’expérience client, des scientifiques des données, des concepteurs d’interfaces utilisateurs, des analystes du parcours client, des développeurs d’applications numériques et des designers de l’interface utilisateur.
Sur le marché, ces profils de compétence sont très recherchés, et nous devons donc toujours rester un employeur de choix. Nos employés talentueux nous aident à innover pour toujours offrir les meilleures solutions et le meilleur service à nos clients et demeurer le partenaire privilégié en formation à l’échelle mondiale.
Considérez-vous la diversité comme un atout chez les ingénieurs ?
Absolument. Non seulement chez les ingénieurs, mais dans tous nos corps de métiers. Plus notre personnel sera diversifié et notre culture inclusive, plus nous ferons preuve d’innovation et réussirons à atteindre nos objectifs. Une plus grande diversité et une plus grande inclusion nous aidera à attirer et à retenir les meilleurs talents et à mieux communiquer avec les clients de partout dans le monde.
À CAE, diverses initiatives lancées l’année dernière nous aident à bâtir une culture plus inclusive et plus diverse, où tous les employés peuvent se sentir respectés et acceptés tels qu’ils sont. On s’engage à ce que ce soit une priorité stratégique cette année et pour les années à venir.
Le premier but de ces initiatives vise à augmenter le nombre de femmes à CAE. Nous avons évalué les meilleures pratiques actuelles et fixé des objectifs pour recruter et placer davantage de dirigeantes. C’est connu, les femmes sont sous-représentées dans le domaine du génie, et nous avons besoin de leurs compétences et de ce qu’elles ont à apporter. Faites passer le mot !
Pour développer des partenariats internationaux comme celui que CAE a, par exemple, mis en place avec Singapore Airlines, sur quelle vision de la mondialisation faut-il s’appuyer ?
Notre vision de la mondialisation est à l’image de CAE. Présents dans 35 pays, nos employés vivent la culture et parlent la langue de nos clients. Ils comprennent leur réalité et leurs besoins. Quand vient le temps d’établir un partenariat, notre force réside dans cette proximité et dans cette compréhension mutuelle. Nous devons être proches de nos clients pour pouvoir établir le solide lien de confiance qui peut mener à de tels partenariats.
Qu’est-ce qui fait de vous un PDG heureux ?
Aujourd’hui, j’ai le privilège d’être à la tête de CAE, une entreprise extraordinaire. Le succès de notre entreprise, je le dois à nos plus de 9 000 employés répartis dans le monde, dont près de 2 000 sont des scientifiques et, en général, des diplômés en génie. Des employés brillants et passionnés.
Je tire aussi une grande satisfaction de voir les gens se développer et évoluer, et de sentir que, peut-être, j’ai pu jouer un rôle dans cette évolution.