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Une épopée sans fil

Par Catherine Florès
22 novembre 2024 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Automne 2024)
22 novembre 2024 - Source : Magazine Poly
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« Partir vers l'inconnu, repartir à zéro, c'est ce qui est le plus le fun! », affirme Rubén Caballero, Po 91, avec enthousiasme. À 56 ans, cet ingénieur, dont le parcours ressemble à un road movie technologique (il est l'un des concepteurs du téléphone intelligent le plus iconique de la planète), n'a rien perdu de sa fougue d'adolescent.

Ruben Caballero


La résilience en héritage

1973, Santiago du Chili. Alors que le pays s'enfonce dans la guerre civile, les parents de Rubén Caballero fuient vers le Québec avec leurs trois enfants et à peine 1000 dollars. Arrivée en plein hiver, la famille parvient à trouver refuge dans un minuscule appartement, à Montréal. Désemparé, le jeune Rubén demande à son père : « Qu’allons-nous faire? » La réponse forgera à tout jamais sa philosophie de vie : « Nous sommes vivants. Et quand on est vivant, on peut faire n’importe quoi dans le monde. »

De Polytechnique à la conquête du ciel

Soutenus par le travail acharné de leurs parents, les enfants Caballero accèdent à de bonnes études. Rubén choisit Polytechnique Montréal comme tremplin vers une carrière en aéronautique. Durant son baccalauréat en génie électrique, il entre dans les Forces armées canadiennes, qui l'envoient ensuite à l’Université d’État du Nouveau-Mexique faire une maîtrise en sciences (Télécommunications et radiofréquences). Il obtient ce diplôme en 1996, et les Forces armées le nomment alors au Centre d'essais techniques (Aérospatiale), à Cold Lake, en Alberta. Là-bas, en tant que capitaine et ingénieur en aérospatiale, il intègre des systèmes de télémétrie dans les équipements avioniques des F-18, qui préfigurent les technologies sans fil. Il apprend les responsabilités inhérentes à la conception des systèmes complexes devant être installés et testés en vol. « J'adorais travailler sur des trucs expérimentaux ! ».

La ruée vers l'Ouest

1999, nouveau virage. Sa future femme, chirurgienne, décroche un poste en Californie. Sans hésiter, le jeune couple plaque tout. « Nous nous sommes mariés au Mont-Tremblant et de là, nous avons roulé directement jusqu'en Californie dans notre petite auto. C'était à la fois notre lune de miel et un départ vers l’inconnu! »

Dans la Silicon Valley, l’ingénieur trouve rapidement sa place. Il enchaîne des projets de développement dans des entreprises en démarrage et bâtit son réseau de contacts dans l’écosystème de l’innovation californien, jusqu'à ce jour de 2005 où un coup de fil vient tout changer.

C’est Tony Fadell, le « père » de l'iPod, qui le contacte. Celui-ci s’intéresse aux compétences reconnues de l’ingénieur en matière de communications sans fil. Très vite, il lui propose d’entrer chez Apple. « Mais à l’époque, Apple n’évoquait pour moi que des ordinateurs. Je n’étais guère intéressé », se souvient M. Caballero. La persévérance de Tony Fadell et une rencontre avec les dirigeants de la firme, dont Steve Jobs, finissent par le convaincre. Vice-président de l'ingénierie, Rubén Caballero dirige une équipe qui passera de 4 à 2000 personnes en 14 ans.

« Un jour, Tony me lance tout de go ″il faut concevoir un téléphone″. Nous sommes partis de zéro pour réaliser ce projet aussi passionnant que complexe. » L'iPhone naît, puis l'iPad, l'Apple Watch, l’AirPod, l’Apple TV, etc. Être l’un des architectes d’une telle révolution technologique ne calme pas son appétit de découverte. L’IA lui tend les bras… En 2020, il entre chez Microsoft comme vice-président de l'ingénierie en Réalité augmentée - Expériences, appareils et technologie.

Le leadership par l’innovation et la collaboration

Reconnu pour son engagement au sein de la communauté scientifique, il est ajouté en 2018 à la liste des Latino-Américains les plus influents du domaine de la technologie. L’année suivante, Polytechnique lui octroie un doctorat honoris causa.

Au-delà de la technologie, c’est son approche humaine et collaborative qui distingue M. Caballero. « Polytechnique m’avait appris à travailler en équipe », dit-il. Et cette compétence est devenue centrale dans sa manière de diriger. Tous s'accordent à le décrire comme un visionnaire et leader inspirant, dont les valeurs construisent un héritage durable.

Pour lui, l'intelligence émotionnelle devient aussi cruciale que l'expertise technique en génie : « Plus les outils deviendront puissants, plus la collaboration primera sur les connaissances. »

Et demain?

Aujourd'hui directeur en chef de l'ingénierie et de la stratégie chez Humane Inc, il développe des solutions d’IA. « Ce qu'on voit actuellement en IA n'est que la pointe de l'iceberg. Ici, en Californie, nous sommes en train de mettre en place ce que l'humanité utilisera quotidiennement d'ici 40 ans. »

À l'écouter, on se dit que l'avenir est entre de bonnes mains. Les mains de quelqu’un qui n'a jamais cessé de vouloir comprendre comment fonctionnent les choses, et qui continue de repousser les limites du possible. Comme quoi, parfois, il suffit d'écouter son père et de se rappeler qu'on est vivant pour changer le monde.

 

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