
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Un innovateur pragmatique

Pr François Soumis, du Département de mathématiques et de génie industriel, lauréat du Prix d’excellence en recherche et innovation 2023. (Photo : Sylvie Trépanier)
« Je sélectionne mes projets de recherche en fonction des retombées attendues, tant pour mes partenaires industriels que pour mes étudiants. C’est pourquoi je privilégie les collaborations directes avec les centres décisionnels des entreprises, qui sont plus aptes à financer des projets importants », déclare François Soumis, professeur au Département de mathématiques et de génie industriel et lauréat du Prix d’excellence en recherche et innovation 2023.
Cet expert mondialement reconnu en optimisation et en recherche opérationnelle a développé des techniques de décomposition mathématique, notamment en utilisant la génération de colonnes, pour résoudre plus facilement des problèmes complexes d’optimisation. Ses méthodes sont largement utilisées aujourd’hui dans le monde, notamment pour la génération d’horaires.
UNE EMPREINTE PROFONDE DANS LE MONDE DES TRANSPORTS
Dès ses débuts à Polytechnique en 1984, le Pr Soumis est animé par la volonté d’avoir un impact sur l’industrie grâce à ses travaux en recherche opérationnelle et en optimisation des transports. Il se distingue rapidement dans le secteur minier en développant un système de planification et d’optimisation en temps réel des flottes de camions pour la mine Québec Cartier. Ce succès l’inspire à fonder Technologies AD OPT pour commercialiser sa solution et soutenir ses activités de recherche. Sa solution est adoptée par six mines à ciel ouvert dans le monde.
Dans la foulée, l’équipe du Pr Soumis développe des modules spécialisés pour la planification des horaires de transport en commun et crée le logiciel GENCOL, qui optimise les horaires complexes du personnel et des véhicules. Avec le soutien de l’entreprise GIRO, GENCOL devient CrewOpt, une version commerciale utilisée dans les principaux réseaux de transport urbain au Québec, puis dans des centaines de villes à travers le monde. La décennie suivante s’ouvre sur le ciel pour l’équipe du Pr Soumis. En effet, celui-ci approche des compagnies aériennes en leur proposant des technologies permettant de concevoir automatiquement les horaires de leurs employés. Plus d’une trentaine de compagnies, dont Air France, Air Transat et Air Canada, les emploient et réalisent grâce à elles des économies significatives sur leur masse salariale.
LE CHOIX DE RESTER PROFESSEUR
Avec de telles compétences d’entrepreneur, pourquoi François Soumis est-il demeuré à l’université? « Je préfère me consacrer à la R&D et la formation des étudiants, qui créent de la valeur pour la société », répond le professeur, qui a accepté en 2004 la fusion d’AD OPT avec Kronos, un grand groupe en solutions de gestion des effectifs, afin d’accéder à un plus grand marché. « La poursuite de la collaboration avec ce groupe permet de financer de nouveaux projets de recherche. »
L’étroit maillage entre l’industrie et la recherche universitaire encouragé par le Pr Soumis a contribué à faire de Montréal le pôle mondial de l’optimisation. Ses réalisations ont propulsé Polytechnique et le Groupe d'études et de recherche en analyse des décisions (GERAD) au rang d’acteurs clés de la recherche opérationnelle. Fondateur de l’institut de valorisation des données IVADO, il le dirigeait lorsque celui-ci a obtenu le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada en 2016.
MENTOR INVESTI AUPRÈS DE SES ÉTUDIANTS
Le Pr Soumis formé plus de 200 étudiantes et étudiants aux grades supérieurs, qui ont depuis embrassé de brillantes carrières, que ce soit dans l’industrie ou dans le milieu universitaire. Ils peuvent témoigner de son encadrement attentif et stimulant. Selon lui, un projet prépare les étudiants à leur future carrière en leur offrant une vision précoce du milieu universitaire ou industriel. « Pour ceux qui choisissent l’industrie, il est inutile de perdre trop de temps à enseigner. Je m’assure qu’ils puissent établir rapidement des liens avec les partenaires industriels du projet. En revanche, ceux qui envisagent une carrière universitaire, je les encourage à enseigner pour enrichir leur CV et à publier. Parallèlement, je leur apprends à collaborer avec l’industrie et à obtenir des financements pour leurs projets. »
Lui-même serait sans doute devenu agriculteur, comme ses parents, si sa trajectoire scolaire n’avait échappé aux contraintes du déterminisme social grâce au système éducatif québécois. « Ce système m’a ouvert les portes de l’école secondaire et de l’université. J’en ai d’ailleurs remercié personnellement Paul Gérin-Lajoie, le "père" de l’éducation publique moderne au Québec. Je suis également reconnaissant envers les professeurs qui m’ont encouragé à entreprendre des études universitaires. »