
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Pr David Ménard, chercheur de sens
Portrait de professeur
Transmettre le sens des responsabilités
« Enseigner, c’est former des jeunes à devenir meilleurs que nous. Ils héritent de la charge de prendre soin de la planète et de la société, et il est essentiel qu’on sache leur transmettre les connaissances et le sens de la responsabilité qui leur permettront d’assumer cette tâche. C’est pour moi une mission qui a un sens très profond », déclare David Ménard, professeur au Département de génie physique, lauréat du prix d’excellence en enseignement de Polytechnique en 2019.

« Avec mes étudiants, au baccalauréat comme aux cycles supérieurs, j’essaye d’être un mentor », poursuit le Pr Ménard, qui, depuis qu’il a entrepris sa carrière à Polytechnique, a également reçu plusieurs récompenses décernées par les étudiants : le prix Méritas de la meilleure recrue de l’année il y a 15 ans, et à trois reprises celui du meilleur professeur en génie physique (en 2016, 2018 et 2019). « Je me sens proche des étudiants, peut-être parce que j’en suis resté un pendant longtemps dans ma tête. Enseigner, c’est ne jamais arrêter d’apprendre, c’est revisiter et approfondir les fondements. Et c’est tellement gratifiant de voir les étudiants s’approprier ce bagage pour réussir dans leur carrière et le transmettre à leur tour. »
Ce n’est pas l’appel impérieux d’une vocation précoce qui a conduit David Ménard à l’enseignement ou au génie. Plus jeune, celui-ci s’intéressait aux travaux manuels et se voyait plutôt devenir musicien ou artisan. « Mais j’avais de l’intérêt et des aptitudes pour les maths et la physique, alors, un peu par défaut ou par inertie, je me suis orienté vers le génie, sans ambitions très claires concernant ma future carrière. » C’est à Polytechnique qu’il a choisi d’étudier, son cœur balançant entre le génie géologique et le génie physique. L’éventail des options et les défis intellectuels offerts par le second l’ont finalement emporté.
L’appel du voyage
Au milieu de ses études de baccalauréat, il éprouve un désir irrésistible de voyager. David Ménard décide de faire une pause et se promène dans divers endroits du monde, entre autres en Inde, au Népal, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Europe, finançant ses voyages en travaillant l’été comme reboiseur. « Je me laissais pousser par le vent. Cette période de ma vie très insouciante m’a donné l’occasion de me questionner et de définir la vision de la vie qui me correspondait vraiment : celle d’une existence simple, proche de la nature. »
Cette parenthèse de quatre années s’achève lorsque le jeune homme sent qu’il est temps de retourner à Polytechnique pour terminer son baccalauréat, même si à l’époque, il n’aspire qu’à devenir jardinier. « Ce moment demeure gravé dans ma mémoire : je me trouvais à Paris, dans une librairie scientifique du Quartier latin où je m’étais réfugié pour éviter une averse. La vue des livres de sciences a éveillé en moi une bouffée de nostalgie. J’ai compris qu’il fallait que je rentre à Montréal. »
Retour aux études
Alors que David Ménard reprend ses études de baccalauréat, son premier enfant naît. Cette fois, c’en est bien fini de la vie de bohème ! Intéressé par le domaine du magnétisme, il obtient un travail d’été au laboratoire du Pr Yelon, à l’époque un des rares spécialistes du magnétisme sur le campus. « Ce travail m’a plu, au point d’entreprendre une maîtrise dans ce domaine, toujours à Polytechnique. J’ai ensuite fait un passage accéléré au doctorat. »
Le sujet, la magnéto-impédance géante, lui étant déjà familier grâce à son stage d’été, il complète sa maîtrise et son doctorat combinés en seulement trois ans et demi. « Au bout d’un an, le Pr Yelon m’a suggéré de passer au doctorat. Un peu après la fin de la seconde année, il m’a annoncé que j’étais prêt à rédiger et soutenir ma thèse. J’ai dû insister pour rester une année supplémentaire afin de développer une version plus générale de mon modèle. »
Titulaire d’une bourse du CRSNG, le jeune chercheur part ensuite aux États-Unis avec sa famille (il est devenu père pour la seconde fois durant ses études aux cycles supérieurs) pour réaliser un stage postdoctoral à la Colorado State University. Deux ans plus tard, il obtient un emploi d’ingénieur chez Seagate Technology, à Minneapolis, travaillant au développement de têtes de lecture magnétiques pour les disques durs. Il y reste deux autres années, avant de revenir à Montréal, intéressé par l’ouverture de postes de professeurs au Département de génie physique de Polytechnique. « Ce fut un défi de retrouver le milieu universitaire après une période de quelques années dans l’industrie, durant laquelle je n’avais rien publié et je n’avais pas assisté à des conférences. Heureusement pour moi, j’ai eu un groupe d’étudiants talentueux et très dynamiques. »
Équilibre serein
En tant que chercheur, le Pr Ménard se consacre à l’étude des phénomènes de résonance magnétique. Il s’intéresse entre autres à la manipulation des ondes de spins dans les matériaux magnétiques, dont les réseaux de nanofils ferromagnétiques, qui permettent une conversion de l’information transportée par les photons en signal électrique, ainsi que l’inverse.
Il parle avec modestie de son domaine d’expertise très pointu. « Vous savez, la physique est la plus simple des sciences ! Elle s’intéresse à des objets relativement simples qui se comportent strictement selon des lois établies. Les disciplines qui touchent à l’humain, comme la sociologie, la psychologie ou la médecine, me paraissent bien plus complexes. Car l’humain, avec ses croyances et ses ressentis, est un être souvent imprévisible et beaucoup plus difficile à soumettre au regard de la science. C’est sans doute ce qui rend son étude aussi fascinante. »
Dans son bureau rempli de plantes vertes règne une atmosphère sereine appréciée de ses étudiants qui passent volontiers discuter de leurs idées avec lui. « J’aime les pousser à explorer leur créativité, à s’ouvrir aux idées nouvelles sans juger, puis à examiner ces idées en faisant alors appel à leur esprit critique », rapporte le Pr Ménard.
Celui-ci est parvenu à conjuguer ses missions de professeur et de chercheur avec ses autres passions, comme la pratique du luth de la Renaissance et de la guitare, ainsi que la randonnée en canot en solitaire. Il a aussi monté un atelier d’ébénisterie chez lui, allant jusqu’à fabriquer plusieurs de ses outils. « J’ai besoin de faire des choses porteuses de sens. C’est pourquoi mon travail de professeur et de chercheur me comble. Aucun autre n’aurait pu être pour moi plus significatif. »