Remplis de boutons et de leviers, les panneaux de commande prennent de la place dans un poste de pilotage. La numérisation de ces outils de contrôle pour les rendre manipulables sur écrans tactiles serait avantageuse, mais présente d’importants enjeux de sécurité et de performance. Le sujet intéresse le P^r Philippe Doyon-Poulin, du Département de mathématiques et génie industriel, qui a confié à un de ses étudiants à la maîtrise, Adam Schachner, la construction d’un environnement pour tester l’utilisation d’écrans tactiles avioniques. Un étudiant français, Arthur Bevier, a pu collaborer au projet grâce à un stage Mitacs Globalink.

Les écrans tactiles changeront-ils le pilotage?

Remplacer les panneaux de commande par des écrans tactiles avioniques permettra de gagner de l’espace et d’alléger la charge des avions, tout en améliorant l’ergonomie. Les pilotes pourront avoir au bout des doigts les commandes interactives de l’avion, affichées sur le même écran que les informations sur l’état de l’appareil. Ils pourront ainsi prendre plus rapidement leurs décisions. Encore faut-il faciliter la saisie de texte.

« L’enjeu est de trouver une technologie d’interaction à l’écran à la fois performante et sécuritaire, indique le P^r Philippe Doyon-Poulin. Ce n’est pas facile, car il y a un compromis à faire entre vitesse et précision. Faire une erreur en inscrivant le nom d’un point de vol dans le gestionnaire d’un plan de vol peut virer à la catastrophe. Or, les conditions de saisie sont instables : le pilote doit tendre le bras pour atteindre l’écran fixé au tableau de bord, alors qu’il se trouve dans un environnement soumis aux vibrations et aux turbulences. »

Autre défi : la configuration du clavier virtuel. « Reproduire un clavier conçu en fonction de la fréquence des caractères pour accélérer la saisie, tel un clavier QWERTY, n’a pas d’intérêt ici, puisque les noms des points de vol sont essentiellement un regroupement de lettres aléatoires », précise le professeur.

Un environnement de test d’ergonomie

Afin de mettre à l’épreuve les performances d’écrans tactiles, Adam Schachner a construit au LESIAQ un environnement de test reproduisant l’ergonomie d’un poste de pilotage et les vibrations de l’avion en vol. « C’est une étude d’ergonomie cognitive », explique-t-il. « Il s’agit de mesurer la performance de sujets humains dans la sélection de cibles avec des écrans tactiles, en les soumettant à des conditions variables : vibrations du siège, technologie d’écran, position de l’écran, support pour la main, taille de cibles. »

Vingt-quatre sujets ont participé aux tests, ce qui a permis de collecter des milliers de données. « Nous poursuivons le projet pour déterminer quelles solutions seraient les plus adéquates. Cependant, nos premiers résultats montrent qu’un support pour la main n’aide pas à rendre la saisie du texte plus précise. Un support pour le bras entier serait sans doute plus efficace, mais occuperait trop d’espace dans le cockpit », constate l’étudiant, qui terminera sa maîtrise en décembre prochain.

Collaboration outre-Atlantique

Une collaboration au projet a été proposée par le P^r Doyon-Poulin comme projet de stage Mitacs Globalink, un programme permettant à des étudiants étrangers de réaliser un stage de recherche de 12 semaines au Canada. Arthur Bevier, étudiant à l’École nationale supérieure de l’électronique et de ses applications (ENSEA), en France, a été sélectionné. Pandémie oblige, celui-ci a réalisé tout son stage à distance l’été dernier.

Arthur Bevier a programmé un script pour convertir la masse de données recueillies en un format plus aisé à interroger, afin de faciliter l’analyse d’information réalisée par Adam Schachner. Il a également développé plusieurs prototypes de claviers sur les écrans tactiles pour rendre la saisie de texte plus facile et plus précise pour les pilotes. Ces prototypes sont destinés à être testés dans l'environnement bâti par Adam. « Ma pratique de l’aviation de loisir m’a aidé à appréhender les problèmes qu’un pilote pourrait rencontrer avec des commandes tactiles », rapporte Arthur.

Actuellement en échange à l’ÉTS pour compléter son master en ingénierie, celui-ci rejoindra l’équipe du P^r Doyon-Poulin en septembre 2022 pour réaliser un doctorat portant sur la conception du poste de pilotage du futur.

À voir : la vidéo réalisée par Adam Schachner sur l’environnement d’essai.