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Le solaire éclaire l’avenir de l’Afrique de l’Ouest

Par Catherine Florès
13 mai 2023 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Été 2023)
13 mai 2023 - Source : Magazine Poly
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Professeur Oumarou Savadogo, Département de génie chimique
Pr Oumarou Savadogo, titulaire de la Chaire UNESCO en ingénierie durable sur les technologies solaires appliquées. © Avril Franco


Avec 42 % de sa population totale qui a accès à l’électricité, l’Afrique de l’Ouest est une des régions du monde présentant le plus bas taux d’électrification. Elle possède aussi un des plus grands potentiels en production d’énergie solaire. Le Pr Oumarou Savadogo, titulaire de la Chaire UNESCO en ingénierie durable sur les technologies solaires appliquées, y pilote des initiatives visant à exploiter de façon pérenne ce gisement énergétique durable en répondant aux besoins des populations locales.

APPORTER UNE NOUVELLE FAÇON DE FAIRE

Depuis les années 80, plusieurs projets de centrales solaires ont été réalisés en Afrique subsaharienne, mais sans succès très probant. Certes, les coûts de revient de l’énergie solaire étaient à l’époque peu concurrentiels, mais d’autres facteurs ont également joué, explique le Pr Savadogo. « L’installation de ces systèmes était réalisée sans implication des communautés locales. Une fois les installateurs repartis, personne ne savait comment assurer la gestion et l’entretien. Il y a eu aussi certaines lacunes sur le plan technologique. De plus, la mauvaise prise en charge de l’acceptabilité sociale a parfois entraîné un rejet de ces installations par la population. »

« Nos projets brisent ce modèle, souligne le professeur. Il s’agit de projets pilotes d’électrification de dispensaires et d’écoles dans plusieurs pays de la Communauté économique d’Afrique de l’Ouest. Nous cherchons à remporter l’adhésion préalable des communautés des villages concernés. Des équipes locales participent à la mise sur pied et à la maintenance des installations et nous encourageons également la création de comités de gestion locaux intégrant 50 % de femmes, afin de contrer les inégalités. »

Déjà, des dizaines de villages ont bénéficié de ces installations. « L’accès à l’éclairage électrique et à l’eau chaude change beaucoup de choses pour le personnel des dispensaires et le bien-être des patients. Quant aux écoles, elles peuvent désormais offrir des conditions d’enseignement plus confortables et prolonger les heures de cours au-delà du coucher du soleil, pour donner, par exemple, des cours d’alphabétisation aux adultes. Nous avons constaté que le taux de succès de leurs élèves est passé de 60 % à 80 % », témoigne M. Savadogo.

DÉVELOPPEMENT DES INDISPENSABLES EXPERTISES TECHNIQUES LOCALES

Depuis une vingtaine d’années, Polytechnique s’implique dans le développement de programmes de formation en technologies solaires dans les pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Avec l’appui financier des gouvernements du Canada et du Québec, elle a ainsi contribué à la création de l’Institut de formation en technologies solaires appliquées (IFTSA) à Ouagadougou en 2005. Depuis, cet institut a formé plus de 500 techniciens et plus de 150 ingénieurs. « Le manque d’expertises techniques locales est un des principaux freins au développement du solaire en Afrique, souligne Oumarou Savadogo. Les programmes offerts par l’IFTSA aident à pallier ce problème. » Ces programmes proposent une formation de technicien en deux ans, une formation de technicien supérieur en trois ans, ainsi qu’un master d’ingénieur de conception en cinq ans. Leurs diplômes sont décernés par l’Université de Ouagadougou.

Ces formations ont été développées avec la collaboration du Haut Conseil national de la recherche scientifique du Burkina Faso, l’École nationale d’ingénieurs de Bamako, l’Université de Ouagadougou, l’École Polytechnique de Thiès, ainsi que le département de l’Énergie de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Elles s’intègrent dans les programmes du Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur. Elles sont ainsi reconnues partout sur le continent, de même qu’à l’international.

UN PARI SUR L’AVENIR

Selon Oumarou Savadogo, en 2005, les organismes internationaux et locaux de développement économique n’étaient guère convaincus de l’intérêt de développer des programmes en énergie solaire. « Le temps nous a donné raison. La croissance continue des besoins énergétiques et des coûts des énergies thermiques polluantes rendent prioritaire l’installation de grandes centrales solaires dans plusieurs pays, dont le Burkina Faso. Les diplômés de l’IFTSA trouvent de plus en plus de débouchés. Certains occupent des postes décisionnels en matière énergétique ou ont créé des entreprises et contribuent au dynamisme du secteur solaire. »

Cuisinière solaire
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