
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Le professeur origami

Pr David Mélançon, du Département de génie mécanique. (Photo : Denis Bernier)
Ses créations prennent la forme de tentes gonflables ou de mains synthétiques qui agrippent et cueillent les tomates par la simple pression de l’air. Bienvenue dans l’univers de David Mélançon, un monde où on introduit intentionnellement des faiblesses dans les matériaux pour les plier et les tordre.
Le chemin a été sinueux, mais David Mélançon a finalement réussi son pari. En septembre dernier, il mettait à nouveau les pieds à Polytechnique mais, cette fois-ci, avec le titre de professeur adjoint. Un objectif qu’il s’était fixé du temps de ses études au baccalauréat en génie aérospatial. Il montre un courriel datant de 2011 retrouvé dans l’historique de sa boîte courriel de Polytechnique. Ce message adressé à deux professeurs sollicitait une rencontre pour savoir comment devenir professeur et chercheur.
« Durant ma troisième année, un stage de recherche en Espagne à l’IMDEA Materials Institute m’a donné la piqûre. Mais on m’avait averti : si je souhaitais revenir un jour à Polytechnique comme professeur, il fallait d’abord que j’aille chercher de l’expérience ailleurs. »
HARVARD ET PRINCETON
David Mélançon met toutes les chances de son côté. Au terme de ses études de baccalauréat, il s’engage sur un chemin qui le ramènera un jour – c’est son souhait – à Polytechnique.
Premier arrêt : un saut de l’autre côté de la montagne, à l’Université McGill, pour des études de maîtrise. Là-bas, il conçoit un nouveau type d’implants orthopédiques pour les hanches. Il effectuera aussi, plus tard, un stage postdoctoral de six mois à l’Université Princeton en « robotique souple ». « On peut imaginer des robots souples qui récoltent des fruits et des légumes sans les endommager », commente le chercheur.
Évidemment, entre ces deux étapes, il y a son doctorat. Une fois sa maîtrise terminée, David Mélançon s’exile à Cambridge, à l’Université Harvard, pour entamer des études doctorales sous la direction de Katia Bertoldi et de Chuck Hoberman. La renommée de ce dernier dépasse les frontières du petit monde de la science. On lui reconnaît plusieurs réalisations, comme le toit rétractable du stade des Falcons d’Atlanta, mais surtout un jouet : la sphère Hoberman. Faite de dizaines de membrures rigides, elle change complètement de taille lorsqu’on l’étire ou la comprime.
Les professeurs Hoberman et Bertoldi confient à David Mélançon un projet d’origami gonflable. L’objectif : concevoir des structures qui se déploient sous une seule pression d’air et conservent leur forme, même si la pression d’air ne s’exerce plus. Le projet a mené à un prototype l’échelle du mètre et à un article dans Nature. On peut voir le prototype ici : dmelancon.com.
UNE LONGUE LISTE D’APPLICATIONS POSSIBLES
Fort de ce bagage, David Mélançon s’installe à Montréal pour y démarrer les activités de son laboratoire Poly-Stable. Son équipe y conçoit et simule des designs d’origami et de kirigami avec la méthode par éléments finis. « Tous mes projets ont pour point d’ancrage mon travail sur des métamatériaux mécaniques, explique le chercheur. Leurs propriétés mécaniques peuvent être programmées à travers la géométrie de leur structure interne à l’échelle millimétrique, micrométrique, voire nanométrique. »
Robotique souple, structures multifonctionnelles, instabilités élastiques : la liste des voies qu’il souhaite emprunter est aussi longue que celle des domaines où ses créations pourraient trouver des applications, du biomédical jusqu’à l’exploration spatiale. Il rêve même d’une nouvelle génération d’objets s’adaptant à leur environnement en changeant de forme selon la température, le taux d’humidité ou les contraintes mécaniques en présence, par exemple. Aura-t-il le temps d’explorer toutes ses idées? Il parviendra alors peut-être à trouver un moment pour effacer quelques-uns des vieux messages qui encombrent encore sa boîte courriel.