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La musique symphonique et l’informatique travaillent de concert

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Par Catherine Florès
1 mars 2019 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Hiver 2019)
1 mars 2019 - Source : Magazine Poly
VersionPDFdisponible (Hiver 2019)
Concert

La collaboration insolite d’un maestro et d’un chercheur en informatique a donné lieu à la conception de technologies pédagogiques et artistiques permettant de revisiter la direction d’orchestre.

Un chef d’orchestre bardé de capteurs

Diriger un orchestre exige une grande précision dans l’exécution des gestes. Afin d’en faciliter l’enseignement, le Pr Paolo Bellomia, coresponsable du Programme de direction d’orchestre de la Faculté de musique de l’Université de Montréal et chef d’orchestre réputé, souhaitait produire un traité de direction d’orchestre sous forme numérique, incluant notamment un chef d’orchestre virtuel en 3D. Il s’est adressé au Pr François-Raymond Boyer du Département de génie informatique et de génie logiciel de Polytechnique, afin de développer cet outil didactique d’un genre nouveau.

Le Pr Boyer a utilisé un système de capture de mouvement, comme ceux qu’on emploie pour les jeux vidéo, pour capter les mouvements du maestro, afin d’en reproduire une version numérique. « L’idée de départ était d’enregistrer les mouvements de Paolo durant les répétitions. C’est ainsi qu’à Cleveland, où Paolo était parti diriger un concert au début de notre projet, les musiciens de l’orchestre ont eu la surprise de le voir arriver aux répétitions tout hérissé de fils noirs ! », s’amuse François-Raymond Boyer.

Assistant virtuel du chef d’orchestre

Le chercheur a développé un système qui reproduit sur écran, avec deux bras virtuels, les mouvements ainsi captés du chef d’orchestre. Il a également mis au point un logiciel d’édition de ces gestes, ce qui permet de les perfectionner en laboratoire. Le chef d’orchestre conserve le contrôle de son avatar 3D grâce à une console.

Paolo Bellomia voit dans un outil aussi complet un véritable assistant virtuel. « Je privilégie un répertoire d’oeuvres contemporaines très exigeantes, comme celles composées par Pierre Boulez, ainsi que les oeuvres du vingtième siècle que celui-ci aimait diriger durant sa carrière de chef d’orchestre. Cet outil qui permet d’analyser de façon très précise la gestuelle et la métrique durant l’interprétation aide à améliorer la pratique de direction d’orchestre », rapporte le maestro.

Une nouvelle dimension au concert symphonique

Par la suite, un des étudiants au baccalauréat du Pr Boyer, Charles Hosson, s’est joint au projet. Celui-ci, soutenu par une subvention de la Fondation canadienne pour l’innovation et par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, s’est poursuivi avec une nouvelle idée du trio : pourquoi ne pas transcrire en temps réel durant un concert, de façon esthétique, les mouvements du chef d’orchestre, avec des animations colorées projetées sur écran et un jeu de lumières réagissant aux sons émis par les instruments ?

Utilisée à plusieurs occasions durant des concerts dirigés par Paolo Bellomia à Montréal, la technologie a séduit public comme musiciens. Le chef d’orchestre considère que la dimension visuelle qui enrichit l’expérience du public permet d’encourager chez celui-ci une ouverture à la musique contemporaine, réputée moins accessible.

Le Pr Boyer, qui est également danseur, a lui-même expérimenté sa technologie dans des spectacles de danse. « Le projet m’a permis de faire la jonction entre ma passion pour la recherche en informatique et ma passion pour la danse ! », commente-t-il.

Quant à Charles Hosson, ce projet a eu des conséquences inattendues sur son parcours universitaire : « Je suis entré à Polytechnique en génie mécanique, avec l’intention de me diriger dans le domaine aérospatial. Un cours d’informatique avec le Pr Boyer m’a fait prendre conscience que j’avais beaucoup plus d’aptitudes pour cette discipline que pour la mécanique. Cependant, quand le Pr Boyer m’a proposé de participer au projet, c’était un vrai défi pour moi, car j’ignorais tout de la musique. Découvrir comment la musique est écrite et performée m’a passionné. Au point qu’aujourd’hui, je suis une formation en direction d’orchestre. Et je vais faire une maîtrise consacrée à l’intégration d’une intelligence artificielle dans notre outil. »

Paolo Bellomia
Le chef d’orchestre Paolo Bellomia, équipé de capteurs de mouvements.

 

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