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Étudier à polytechnique : une expérience à repenser

Enseignement

Par Catherine Florès
4 mars 2022 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Printemps 2022)

Avec de nouveaux modes de pédagogie qui se hissent aux côtés des modes classiques d’enseignement, après deux années de pandémie qui ont accéléré l’exploration de l’apprentissage en ligne, avec l’arrivée de nouveaux profils d’étudiants et d’étudiantes, ainsi qu’avec l’expression de nouvelles attentes envers la personnalisation des apprentissages, Polytechnique est motivée à adapter son environnement d’études et à valoriser davantage les expériences hors du strict cadre des programmes.

Revaloriser l’implication

Pierre Baptiste
Pierre Baptiste, directeur par intérim des affaires académiques et de l’expérience étudiante (photo : Denis Bernier)

L’équipe des affaires académiques et de l’expérience étudiante dirigée par le Pr Pierre Baptiste se livre actuellement à une réflexion sur la façon de mieux reconnaître la valeur de certaines activités étudiantes. « Des expériences extérieures aux programmes n’en sont pas moins formatrices pour les futurs ingénieurs et ingénieures. De plus, elles peuvent rendre service à la communauté étudiante, si on pense, par exemple, à l’implication dans les associations étudiantes ou des comités étudiants. Actuellement, certaines de ces activités peuvent être créditées comme des stages d’implication hors programme, mais ces crédits ne contribuent pas à l’obtention du diplôme. Ils permettent simplement de conserver le statut d’étudiant à temps plein même si on suit moins de cours, et donc de conserver son admissibilité au Programme de prêts et bourses. Nous souhaiterions pouvoir attribuer des crédits contributifs au diplôme, tout en nous assurant de maintenir intégralement la qualité de la formation qui fait la réputation de Polytechnique », explique le Pr Pierre Baptiste.

Le Pr Martin Lévesque, directeur associé au soutien à la formation et à l’expérience étudiante, mène en ce moment un projet pilote visant à définir un modèle d’apprentissage expérientiel applicable à plusieurs situations. « Par exemple, les expériences réalisées dans les sociétés techniques ou les parcours entrepreneuriaux, ou encore, l’apprentissage effectué au PolyFab Normand Brais», évoque celui-ci. Le modèle devra ensuite être validé par différences instances dont le conseil académique et la commission des études.

Cet apprentissage n’est pas nécessairement technique. Il peut s’agir d’un développement de compétences transversales, telles la communication, le leadership, la gestion d’équipe, etc., de plus en plus demandées par les employeurs. L’encadrement sera assuré par un mentor qui pourra évaluer et contrôler les apprentissages réalisés par les étudiants.

« L’ingénieur du futur devra maîtriser ou comprendre diverses disciplines et avoir la capacité d’interagir avec des gens d’une plus grande diversité, rappelle le Pr Lévesque. C’est pourquoi nous voulons nous assurer que les étudiantes et étudiants développeront effectivement ces compétences au travers des expériences d’apprentissage qui seront créditées. L’apprentissage expérientiel crédité ne sera toutefois pas obligatoire, il restera une option parmi d’autres. »

Adapter l’acquisition et l’utilisation des connaissances

Comment apprend-on aujourd’hui ? C’est une grande préoccupation pour Polytechnique.  « À côté de l’approche pédagogique classique partant d’un enseignement théorique validé par une partie appliquée avec des laboratoires, nous envisageons de valoriser des apprentissages bâtissant les théories à partir d’observations, d’expérimentations ou d’études de cas. On retrouve, par exemple, ce type de pédagogie dans l’approche projet, qui demande aux étudiants d’aller chercher de nouvelles connaissances pour pouvoir résoudre les défis présents dans les projets. Mais ce n’est pas son seul champ d’application. Plus généralement, il s’agit d’une pédagogie faisant vivre aux étudiants une expérience directe d’une situation, à partir de laquelle ils vont construire leurs connaissances », déclare Pierre Baptiste. La Pre Isabelle Villemure a reçu le mandat d’étudier la possibilité d’adopter cette approche dans le contexte de Polytechnique.

Le contenu et l’intégration de certains cours dans les différents programmes de génie sont également l’objet d’une réflexion. « Le traitement de leur matière pourrait être adapté aux besoins spécifiques de chaque programme, poursuit le Pr Baptiste. Nous nous questionnons sur la meilleure façon de procéder à l’adaptation, ainsi que sur le degré de maîtrise de la matière requis dans chaque programme. »

Par ailleurs, au Bureau d’appui et d’innovation pédagogique, la conseillère pédagogique Marie-Claude Tremblay et le maître d'enseignement Nikolay Radoev étudient les impacts de l’enseignement à distance sur l’apprentissage.

Plus d’autonomie pour les étudiants

L’autonomie des étudiants dans la gestion de leurs horaires est un autre objectif visé par Polytechnique.  En particulier, en ce qui a trait à l’accès aux laboratoires technologiques. Actuellement, le Pr Patrick Desjardins, directeur du développement du campus, et la coordonnatrice des opérations au PolyFab Normand Brais, se penchent sur le déploiement d’un système de réservation, qui permettrait aux étudiants de réserver leur accès aux laboratoires en fonction de leurs disponibilités. « Ils pourraient accéder à des vidéos explicatives sur le fonctionnement de certains équipements des laboratoires et être encadrés par du personnel accrédité, comme au PolyFab », ajoute Pierre Baptiste.  

Virtualisation de certains espaces

Aujourd’hui, la technologie remet en question la nécessité d’avoir des salles uniquement dédiées à certains enseignements. C’est le cas, par exemple, des laboratoires informatiques. Se rendre dans une salle remplie de postes informatiques fixes parait moins indispensable quand les mêmes logiciels peuvent être accessibles sur des serveurs virtuels, par le biais d’ordinateurs personnels, de tablettes, ou même de téléphones intelligents. Il en est de même avec le succès grandissant des classes inversées, qui requièrent un accès moins long à des locaux que les cours magistraux traditionnels.

« Ces changements auront clairement un impact sur l’usage des locaux, estime Pierre Baptiste. En ce moment, nous repensons l’utilisation des espaces à chaque étage du pavillon principal. Certaines salles de cours pourraient être transformées sous l’influence des nouvelles formes de pédagogies adoptées. »

Celui-ci observe que les étudiants apprécient de se tenir ensemble pour apprendre, même s’ils n’ont pas de cours en commun.  « C’était frappant dans les salles réservées par des groupes d’étudiants durant la pandémie. L’apprentissage n’est pas forcément un processus individuel. Nous le prenons en considération dans notre réflexion sur un autre usage des salles. »

Préparer les ingénieurs de demain aux nouvelles exigences de la société

 « Nous avons appris de nos expériences passées qu’en combinant différents modes d’enseignement et approches pédagogiques, nous pouvons mieux répondre aux attentes de nos étudiants, constate Pierre Baptiste. Nous sommes en train d’adopter une vision encore plus personnalisée de la formation et de l’expérience étudiante, mieux adaptée à la diversité croissante des profils d’étudiants et aux attentes de la société concernant les futurs ingénieurs. »

Considérer les expériences comme créatrices de connaissances et de compétences, notamment, aidera à préparer les futurs ingénieurs et ingénieures aux exigences nouvelles de leur profession. En effet, comme le souligne le conseiller aux programmes, Patrick Milot, « l'accélération des innovations pratiques en ingénierie et dans d’autres domaines scientifiques demande à l'ingénieur de demain non seulement de maîtriser un corpus de connaissances théoriques, mais aussi de savoir évaluer des situations réelles complexes. Car c’est ainsi qu’il sera en mesure d’identifier des solutions applicables et pérennes au bénéfice de leur résolution de manière durable et en assurant la sécurité de tous. »

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