
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Étudiants et déjà acteurs du changement
Enseignement
Mathieu St-Cyr, étudiant au baccalauréat de génie mécanique, Polytechnique Montréal, Sarah Dunn, étudiante en design industriel, faculté de l’Aménagement de l’Université de Montréal, et Judith Lespérance, étudiante au baccalauréat en administration des affaires de HEC, spécialisation gestion des opérations et de la logistique et développement durable, témoignent de leur expérience du projet intégrateur multidisciplinaire de conception d’habitation pour la Baie-James.
Quel est votre rôle dans le projet ?
Mathieu : « Je suis responsable des communications avec les enseignants et les différents clients pour mon équipe. Je suis également responsable, avec un autre de mes coéquipiers, d’intégrer les concepts d’économie circulaire dans le projet.
Pour l’étape finale du rapport, l’équipe sera très impliquée dans les tests de fabrication d’un de nos sous-systèmes et cela nous permettra de mettre en pratique la théorie établie pendant les six derniers mois. Ces tests nous permettront de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses sur un sous-système critique que nous avons choisi, soit le revêtement extérieur de l’habitation. »
Sarah : « À travers l’analyse et la synthèse, mon rôle est d’imaginer et de communiquer de multiples propositions de concepts et d’en effectuer le développement technique. J’aide donc à l’intégration adéquate des aspects fonctionnels du projet tout en augmentant l’aspect environnemental, formel et symbolique afin d’apporter valeur et exclusivité au projet. »
Judith : « Mon rôle se concentre principalement sur les décisions d’affaires reliées à la conception d’une habitation : l’évaluation des coûts, la stratégie d’approvisionnement, l’impact de la logistique et l’étude de marché. J’ai mis particulièrement en lumière les priorités relevant du développement durable, étant donné que c’est ma spécialité. Par conséquent, l’habitation conçue par mon équipe répond à des normes supérieures aux niveaux environnemental et social en intégrant des stratégies découlant de l’économie collaborative, de l’écologie industrielle et de l’économie circulaire. »
Comment se déroule cette collaboration avec des étudiants des deux autres universités ?
Mathieu : « Les ingénieurs ont souvent une approche pragmatique qui vise à régler rapidement les problèmes de façon réaliste, tandis que les personnes en aménagement tentent de trouver des solutions audacieuses et regardent ensuite si elles sont faisables. Il s’est avéré que la diversité était plus une force qu’un défi et permettait d’avoir une grande variété d’expertises. »
Sarah : « Nous ne possédons pas tous le même langage technique et la même façon de développer un projet, mais le tout est très enrichissant. Notre multidisciplinarité nous permet d’obtenir des réponses de façon efficace et notre projet se développe très rapidement. »
Judith : « Travailler avec de futurs ingénieurs est très différent que de travailler entre futurs gestionnaires, car nos perspectives sont différentes. On peut concevoir n’importe quel type d’habitation, mais tant qu’elle ne répond pas à un besoin chez des clients et que les ressources nécessaires ne sont pas disponibles, le projet n’est pas réaliste. Mais mon équipe était, dès le début, très au fait des particularités du contexte et des demandes des clients. »
Que vous apporte le fait de travailler sur des problématiques réelles vécues par les communautés du Nord ?
Mathieu : « Nous souhaitons grandement apporter une solution pour contrer la crise du logement actuelle et nous nous investissons plus dans ce cours que dans n’importe quel autre. Ce projet n’est pas un rapport scolaire traditionnel corrigé par un seul enseignant et qui n’a plus aucune utilité par la suite. Nous sommes tous motivés par nos notes, mais notre objectif principal est de créer des idées de qualité qui aideront les communautés. Également, le fait de mieux connaître les communautés cries est une expérience enrichissante pour l’équipe. Puisque les Cris ont un lien si fort avec la nature, nous voulons d’autant plus concevoir une habitation écoresponsable. »
Sarah : « C’est tout simple… nous avons une réelle impression de pouvoir changer les choses ! »
Judith : « De la conception jusqu’à la livraison, il y a énormément de contraintes. Les produits sont-ils disponibles dans la région ? La main-d’oeuvre locale est-elle suffisante ? Quels sont les moyens de financement possibles ? Toutes les fonctions du projet sont plus complexes et demandent plus d’efforts. On se rend compte qu’une entreprise doit être réellement motivée pour réaliser de tels projets. »
Sarah, vous faites partie du groupe d’étudiants qui s’est rendu à la Baie-James pour rencontrer la communauté locale. Que retirez-vous de ce voyage ?
Sarah : « Nous sommes partis à Chisasibi, du 12 au 15 février dernier, pour consulter la communauté crie au sujet de notre projet. L’accueil a été très chaleureux et nous avons eu de beaux échanges avec les gens de la communauté. Nous avons fait une présentation formelle devant le Conseil de bande et avons rencontré plusieurs personnes du gouvernement cri. Nous avons aussi été initiés aux pratiques traditionnelles (travail de la peau de caribou, repas traditionnel...).
À l’aide d’ateliers de co-conception, nous avons laissé les membres de la communauté prendre la majeure partie des décisions : forme, matériaux, distribution intérieure, morphologie du territoire, etc.
Dans le premier atelier, à l’aide de blocs de bois et d’un panneau quadrillé, les participants cris ont disposé les pièces de l’habitation selon la configuration idéale pour eux.
Pour les deuxième et troisième ateliers, nous avons imprimé en 3D plusieurs modèles de ferme aquaponique (basés sur des croquis). Les membres de la communauté pouvaient manipuler les formes et les disposer afin de créer de petits quartiers. Nous avons ainsi pu être éclairés sur les besoins en aménagement extérieur et sur les matériaux à privilégier.
Ces rencontres nous ont beaucoup appris sur le mode de vie cri. Nous ne nous attendions pas à la place si prioritaire des traditions et de la culture dans la communauté. C’est vraiment un projet collaboratif dans toutes ses dimensions que nous avons la chance de réaliser. »
disponible (Hiver 2019)
