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Donner le meilleur de soi, une philosophie de vie

Portraits de professeurs

Par Catherine Florès
1 mars 2019 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Hiver 2019)
1 mars 2019 - Source : Magazine Poly
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Pre Annie Ross

La Pre Annie Ross n’est pas du genre à camper dans sa zone de confort. Idéaliste, fonceuse et dotée d’un caractère bien trempé, cette chercheuse en génie aérospatial n’hésite jamais à relever un défi qui peut renforcer sa capacité à contribuer à la société.

Influences familiales

Le goût pour l’innovation lui a probablement été transmis par sa famille, pense Annie Ross, qui est issue d’une lignée de bricoleurs inventifs. Durant son enfance au Nouveau-Brunswick, elle a baigné dans un milieu où la curiosité intellectuelle était fortement encouragée. « Mon père était ingénieur, ce qui a sans aucun doute eu une influence sur mes projections d’avenir. Et un de mes frères aînés, avec qui je passais beaucoup de temps, adorait bricoler des appareils et réaliser des expériences techniques. Comme il se montrait très pédagogue, j’ai beaucoup appris à ses côtés », rapporte-t-elle.

Quand elle a entrepris son baccalauréat en génie mécanique à l’Université de Moncton, elle a été frappée par la sous-représentation féminine dans sa discipline. « Nous étions trois filles dans une cohorte de 60 étudiants. Toutefois, je l’ai vécu comme une bonne expérience, car la plupart des étudiants se comportaient envers nous de façon fraternelle. De toute façon, malgré mes 16 ans, je n’étais pas du genre à m’en laisser imposer… »

Au service de la société

Après le baccalauréat, la Pre Ross a exercé quelques années dans l’industrie aéronautique. Cette expérience, très formatrice pour elle, teinte aujourd’hui son enseignement axé sur les enjeux industriels. L’attrait des études supérieures l’a amenée ensuite à Polytechnique, où elle a obtenu une maîtrise suivie d’un doctorat en génie mécanique. Elle a retrouvé son alma mater, à Moncton, pour entreprendre sa carrière de professeure. Puis, elle est revenue à Polytechnique en 2003, comme professeure au Département de génie mécanique.

« J’adore enseigner, déclare-t-elle. C’est plus qu’une profession, c’est un mode de vie. Je suis une boulimique du savoir et le partager est pour moi un réflexe naturel, que ce soit au travail ou à la maison. En somme, j’agis avec mon entourage comme mon frère le faisait autrefois avec moi. »

Mue par cette envie de partager des connaissances, elle a démarré une collaboration internationale avec l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-SUPAERO), à Toulouse, en France, en vue de mettre en place des cotutelles de thèses pour encourager la mobilité des doctorants des deux établissements. Cette collaboration a abouti à la création d’une chaire française sur l’amortissement passif de structures sandwichs composites, dont la Pre Ross est titulaire.

Sa volonté de contribuer de façon concrète à la société définit sa mission de chercheuse en génie. Pour cette spécialiste du contrôle des vibrations et du bruit dans les structures d’aéronefs, cela signifie développer des procédés et des technologies visant à améliorer la sécurité et le confort des personnes à bord des appareils, ainsi que celui des personnes habitant près d’aéroports. « La technologie pour la technologie n’a pas d’intérêt en soi. Elle est là pour apporter quelque chose de constructif à l’humain, pour lui permettre de vivre mieux, de mieux prendre soin de son environnement ou de développer davantage son potentiel. »

Une optimiste qui pratique l’art du doute

Représentante du directeur de son département depuis quelques années, la Pre Ross a été nommée au poste de directrice associée à la recherche en 2018. « Je n’avais pas projeté d’occuper un jour ce type de fonctions. Mais dans les défis qui y sont attachés, j’ai vu de nouvelles occasions d’apprendre et d’avoir un impact positif sur mon milieu, alors j’ai dit oui à ce mandat stimulant, témoigne-t-elle. Ça bouge à Polytechnique en ce moment ! Les priorités du nouveau Plan stratégique, telles que l’équité, la diversité et l’inclusion, nous offrent des défis formidables à relever. Et tous les services se mobilisent, ce qui donne lieu à énormément d’échanges. Je suis très heureuse de vivre cela. »

Elle ajoute qu’elle aborde les nouvelles expériences professionnelles comme des aventures à vivre, préférant une carrière dessinée au gré des rencontres et des occasions qui lui sont proposées plutôt que de suivre un plan tout tracé. « J’ai eu la chance d’avoir sur ma route des personnes qui m’ont encouragée à progresser, à commencer par mes parents, qui m’ont appris qu’aucune carrière n’est inaccessible. Dans ma vie professionnelle, ce sont souvent des hommes influents qui m’ont incitée à me faire confiance dans mon cheminement. Dans un milieu encore assez masculin comme le génie, il importe d’ailleurs de prendre conscience que les femmes ont autant besoin d’encouragements que leurs collègues masculins. L’impact sur leur parcours peut s’avérer majeur. »

En elle, l’optimisme côtoie en permanence le doute. Cherchant à toujours donner le meilleur d’elle-même, elle se demande régulièrement si ce meilleur-là est suffisant. « Je me remets continuellement en question. Je crois que, bien géré, le doute est une force. D’où l’importance d’avoir des mentors – hommes et femmes – et des modèles. » Elle s’inspire des personnes qu’elle côtoie, celles qui alignent leur carrière avec leurs valeurs et leurs aspirations profondes, et qui oeuvrent au bien-être collectif. Elle évoque notamment la présidente actuelle de Polytechnique, Michèle Thibodeau-DeGuire, une pionnière dans le monde du génie en tant que première diplômée de Polytechnique en génie civil, et qui a déployé une énergie intarissable au fil des ans pour Centraide.

Choisir de vivre sans regrets

Une des règles de vie de la Pre Ross, c’est de se donner le droit d’échouer, mais pas celui de ne pas essayer. C’est d’ailleurs l’essence même du message qu’elle souhaite adresser aux jeunes qui redoutent de trouver les sciences trop difficiles, ou qui pensent ne pas avoir le bon profil. « On ne peut pas savoir qu’une chose est trop compliquée si on ne l’a pas explorée! De plus, en sciences, et particulièrement en génie, les choix de carrière sont multiples : il y a de la place pour différents types de personnalités et d’aspirations, peu importe le genre ou la culture. »

La chercheuse confie avoir hésité à l’heure de ses choix d’orientation, car son amour des sciences se conjugue avec celui du piano classique, qu’elle a étudié de nombreuses années. « Finalement, j’ai réalisé qu’opter pour le génie ne me demanderait pas d’abandonner la musique, alors que l’inverse était moins évident. » Aujourd’hui, dans le salon familial reconverti en salle de musique, elle joue de la musique avec bonheur avec son mari, ses filles, et surtout son fils. « Je vois des points communs entre la musique et le génie mécanique, car ils dérivent l’un et l’autre de la physique. Et tous deux exigent rigueur et passion. »

 

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