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Au cœur du laboratoire vivant de l’Institut TransMedTech

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Par Catherine Florès
6 mai 2017 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Printemps 2017)

Bénéficiant d’un financement de 95 m$, dont 35,6 m$ provenant des Fonds Apogée Canada, l’Institut TransMedTech inauguré en mai dernier devient l’une des plateformes phares de la recherche en technologies en santé au Québec. On y prépare la prochaine génération d’interventions et les technologies médicales visant à diagnostiquer et combattre le cancer, les maladies cardio-vasculaires et les maladies musculosquelettiques.

Le promoteur du projet, le Pr Carl-Éric Aubin, et deux de ses proches collaboratrices, Neila Kaou, à Polytechnique, et Ekat Kritikou, au CHU Sainte-Justine, font part de leur façon d’aborder cette expérience unique qu’est le fonctionnement du moteur de l’institut : un concept avant-gardiste de laboratoire vivant.

Pour un développement technologi que en mode « avance rapide »

Il peut s’écouler plusieurs décennies entre l’éclosion d’une nouvelle idée de technologie médicale et l’arrivée de cette technologie au chevet du patient. Afin de raccourcir ce cycle, le Pr Carl-Éric Aubin et ses collaborateurs de Polytechnique, de l’Université de Montréal et du CHU Sainte-Justine ont eu l’idée de mettre sur pied une structure où des chercheurs, des cliniciens, des industriels, des patients et des acteurs du système public créent et développent ensemble des solutions technologiques destinées au diagnostic, au pronostic et à l’intervention en vue d’améliorer le traitement de maladies complexes et la réadaptation des patients. Des intervenants de l’Hôpital général juif de Montréal et du CHUM, ainsi qu’une trentaine de partenaires industriels, d’établissements et d’associations participeront à ce processus.

Les domaines ciblés par l’Institut TransMedTech, à savoir les cancers, les maladies cardio-vasculaires et les maladies musculosquelettiques, comptent parmi les plus importants défis actuels du système de santé, tout particulièrement dans le contexte du vieillissement de la population. Grâce aux expertises de ses équipes de renom dans ces domaines, l’Institut vient ainsi renforcer la réputation internationale de Montréal en matière de recherche en technologies médicales.

Pr Carl-Éric Aubin : « Innover, c’est voir au-delà »

Les grandes idées ne naissent pas du néant. C’est de sa longue expérience de collaboration avec des équipes de Polytechnique, du CHU Sainte-Justine et de l’Université de Montréal que le Pr Carl-Éric Aubin, directeur exécutif et scientifique de l’Institut TransMedTech, a forgé sa vision transdisciplinaire de l’innovation biomédicale.

Professeur titulaire au Département de génie mécanique de Polytechnique et professeur associé au Département de chirurgie de la faculté de médecine de l’Université de Montréal, il est à la fois titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génie orthopédique et de la Chaire de recherche industrielle CRSNG/Medtronic en biomécanique de la colonne vertébrale. Il est également chercheur et chef de l’axe Maladies musculosquelettiques et réadaptation au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et co-directeur du Groupe de recherche en sciences et technologies biomédicales à Polytechnique.

Il consacre ses travaux au développement de solutions technologiques pour traiter les déformations de la colonne vertébrale, notamment en facilitant les interventions des chirurgiens, en rassemblant autour de lui des ingénieurs, des chirurgiens orthopédistes, des cliniciens, des scientifiques biomédicaux ainsi que des industriels. En outre, il bâtit des ponts entre divers domaines tels que la biomécanique, l’imagerie, la simulation virtuelle et les biomatériaux, entre autres.

« Pour innover, un chercheur doit voir au-delà des murs de son laboratoire », pense le Pr Aubin. « L’originalité de notre démarche, c’est d’impliquer les patients, les intervenants médicaux et même les aidants naturels dès le début du processus de création. Cette implication n’est pas anecdotique : ils participent à la conception des projets, à l’élaboration du cahier des charges, de même qu’à l’évaluation des solutions. De cette façon, nous avons les meilleures chances d’obtenir des solutions conformes aux besoins des utilisateurs. »

Grâce à la collaboration des fournisseurs de produits et de services biomédicaux, des administrateurs de services de santé et des spécialistes du transfert technologique tout au long du processus, les équipes de l’Institut peuvent également tenir compte, dans l’élaboration de solutions, des enjeux du transfert vers le système de santé, ainsi que des enjeux socioéconomiques associés. « Ainsi, nous pouvons mieux évaluer les défis technologiques et les risques associés à leur développement, toujours très lourds pour les entreprises, et viser une mise en oeuvre des technologies issues de nos travaux plus efficiente et plus rapide dans le système de santé », croit le Pr Aubin.

Débordant d’énergie, il assume un rôle de « chef d’orchestre » au sein de l’équipe d’une soixantaine de chercheurs travaillant sous la bannière de l’Institut TransMedTech, dont plusieurs sont répartis dans les différents établissements partenaires. Faciliter le changement de culture nécessaire au décloisonnement de leurs travaux est l’un des premiers défis du Pr Aubin. « Nos chercheurs adhèrent à l’idée de travail collégial, mais je suis conscient que cela prendra un peu de temps pour que tous apprennent à fonctionner dans l’environnement d’innovation ouverte du laboratoire vivant et à s’approprier les approches promues par l’Institut », commente-t-il. Il ajoute que le personnel qualifié recruté par l’Institut soutiendra les plateformes technologiques de l’Institut et accompagnera les chercheurs et les cliniciens. « Nous misons sur une mutualisation du personnel de recherche, ainsi que du patrimoine d’outils et d’expertises. »

« Nous pouvons aussi nous appuyer sur la collaboration d’experts en génie industriel ou d’autres disciplines pertinentes pour nous aider à évaluer nos processus. Le moins qu’on puisse dire, c’est que nos projets sont mobilisateurs ! », s’enthousiasme le Pr Aubin. Une attention toute particulière sera portée aux processus permettant de gérer la propriété intellectuelle dès la phase d’idéation des projets, enjeu fondamental du laboratoire vivant. En plus des collaborations individuelles entre chercheurs, l’équipe TransMedTech tisse des liens avec de grandes agences mondiales pour devenir un joueur incontournable sur la scène internationale des technologies de la santé.

L’enseignant en Carl-Éric Aubin se réjouit également que l’Institut TransMedTech constitue un environnement de formation d’une richesse extraordinaire pour les étudiants de tous les cycles qui participeront aux projets de recherche. « Ces étudiants verront leurs travaux s’intégrer dans une finalité plus vaste. Ils pourront prendre la mesure des enjeux industriels, sociologiques et économiques reliés aux projets. Leur expérience en co-création leur apprendra à dialoguer avec des experts de diverses disciplines et à bâtir des réseaux profitables pour leur carrière. TransMedTech va donc non seulement produire des technologies inédites, mais une toute nouvelle génération de personnel hautement qualifié », conclut-il.

Neila Kaou : « Faire arriver les choses, c’est ma motivation première. »

Neila Kaou est l’une des ressources-clés de l’Institut TransMedTech. Recrutée en 2013 par le Bureau des partenariats et des infrastructures de recherche (BPIR) de Polytechnique en tant que conseillère au développement de la recherche et aux partenariats pour le pôle Sciences et génie du vivant, elle s’est impliquée dès la phase de soumission du projet TransMedTech au concours fédéral Apogée.

« Comme j’ai été précédemment associée de recherche dans l’équipe du Pr Sylvain Martel, je connaissais déjà les principaux enjeux de la recherche en génie menée dans un écosystème de technologies médicales. Au BPIR, j’ai pu rencontrer tous les professeurs en génie du vivant de Polytechnique, qui ont des profils très différents, et me familiariser avec leurs travaux. Surtout, j’ai eu la chance de découvrir leur personnalité. Une grande partie de mon travail au BPIR
est d’animer les équipes de recherche, en mettant en lien des expertises complémentaires. J’aide aussi à repérer des entreprises qui pourraient être intéressées par des recherches. »

Cette connaissance approfondie des expertises en sciences et génie du vivant a permis à Mme Kaou de contribuer à la réflexion sur la stratégie de l’Institut TransMedTech en matière de collaboration avec les établissements d’enseignement. « Avec l’aide précieuse de l’équipe de la Bibliothèque de Polytechnique, nous avons pu faire valoir, dans la demande de financement, le positionnement international des chercheurs qui allaient se trouver rassemblés au sein de l’Institut. Grâce aux données de leurs publications fournies par la Bibliothèque, nous avons montré que plusieurs chercheurs font partie des 5   des plus réputés au monde dans leur domaine respectif. »

Avec le concours de l’équipe du BPIR, Mme Kaou aide actuellement à constituer la gouvernance de l’Institut et à mettre en place l’encadrement des équipes. Elle fait également partie du comité scientifique et elle apporte son soutien à la constitution des partenariats internationaux. « C’est vraiment stimulant d’envisager tout ce qui peut être accompli avec ce rassemblement de forces ! Je sais qu’en faisant collaborer efficacement tous les intervenants, nous verrons les impacts sur la qualité des solutions et sur leur vitesse d’arrivée auprès des patients et des usagers. Je me trouve gâtée de participer à cela, car faire arriver les choses, c’est ma motivation première. »

Une part importante du travail de Mme Kaou est tournée vers les enjeux de communication. « Souvent, un même terme peut recouvrir des notions différentes selon qu’on est médecin, ingénieur ou industriel. Il faudra développer un langage commun. De plus, certains professeurs possèdent moins d’expérience que d’autres en matière de participation directe des patients et des usagers. Nous les aiderons en nous appuyant sur la vingtaine d’années de collaboration entre Polytechnique, le CHU Sainte-Justine et d’autres hôpitaux. »

Ekat Kritikou : « On ressent déjà les effets de ce nouveau souffle de la recherche en santé ! »

Directrice adjointe aux Affaires scientifiques et universitaires au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, Ekat Kritikou participe au développement des orientations stratégiques de l’Institut TransMedTech.

« Auparavant, j’ai pris part moi aussi à la production de la demande Apogée, entre autres en bonifiant la vision scientifique du développement des thématiques et des axes. Notre demande devait démontrer comment la recherche multidisciplinaire permettrait d’accélérer le processus de livraison de nouvelles technologies au patient », témoigne Mme Kritikou, qui était éditrice scientifique pour Nature Publishing Group avant de venir à Montréal.

Aujourd’hui, Mme Kritikou fait partie du comité scientifique qui voit à la concrétisation des projets et à l’attribution des bourses aux étudiants. Elle assure également l’arrimage des projets de l’Institut avec les pôles d’excellence du CHU Sainte-Justine. « Au CHU Sainte-Justine, nous ne vivons pas la démarche de l’Institut TransMedTech comme une révolution, car cela fait longtemps que le CHU développe une vision intégrée de la recherche, de l’enseignement et des soins, mais l’Institut nous permet d’aller plus loin encore dans l’innovation et dans l’accélération du transfert des technologies. Pour des scientifiques du domaine de la santé, que rêver de mieux que de pouvoir déterminer dès aujourd’hui les projets qui doivent être menés pour donner de meilleurs soins aux patients et de s’assurer qu’ils seront conduits de la meilleure façon possible ? Dans nos équipes, on ressent déjà les effets de ce nouveau souffle de la recherche en santé ! »

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