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Repenser les stratégies des chaînes logistiques des matières dangereuses
Pre Nathalie de Marcellis-Warin, Pr Martin Trépanier, Département de mathématiques et de génie industriel et Ingrid Peigner, Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations
Comment mieux évaluer et gérer les risques liés au transport et au confinement des matières dangereuses? La Pre Nathalie de Marcellis-Warin et le Pr Martin Trépanier en collaboration avec Ingrid Peigner ont mené des travaux sur les moyens d'implanter une véritable culture de la sécurité sur l’ensemble de la chaîne logistique.
Les matières dangereuses sont soumises en tout temps à diverses défaillances du mode de transport ou de confinement, et, bien entendu, à l’erreur humaine, responsable de 65 % des accidents qui surviennent durant le transport. Comment mieux évaluer les risques et mieux les gérer?
Cette réflexion a mené la Pre Nathalie de Marcellis-Warin, du Département de mathématiques et de génie industriel (MAGI), vice-présidente des groupes Risques et Développement durable du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), à coordonner, avec le Pr Martin Trépanier, du Département de MAGI, et Ingrid Peigner, directrice de projets au CIRANO, la production d’un ouvrage publié par les Presses internationales Polytechnique : Stratégies logistiques et matières dangereuses. Une vingtaine d’experts du Québec et de la France ont collaboré à la rédaction.
Une culture de la sécurité à implanter sur l’ensemble de la chaîne logistique
Selon des enquêtes menées par ces chercheurs, près de 60% des transporteurs interrogés se consacrent au transport de matières dangereuses, c’est-à-dire que plus de 80 % de leurs activités sont en lien avec les matières dangereuses.
Peu de répondants parmi les sites industriels réalisent des audits de sécurité auprès de leurs transporteurs, comme s’ils perdaient de vue que, selon la réglementation, leur responsabilité reste engagée durant le transport.
80 % des transporteurs considèrent que les risques se concentrent surtout pendant le transport en tant que tel. « Or, il se produit deux fois plus d’accidents durant le chargement et le déchargement. 70 % accidents rapportés sont survenus durant ces activités de manutention », précise Ingrid Peignier.
Celle-ci souligne que les industriels et les transporteurs montrent une réelle volonté d’améliorer leur gestion des risques, mais qu’il leur manque un accès à de l’information sur les meilleures pratiques, une vision plus globale de la chaîne logistique ainsi que des outils d’analyse de risque.
Besoin de plus de données et besoin d’harmonisation
L’analyse des données permet de mieux comprendre les causes et les conséquences des accidents. Elle montre également l'importance du choix de localisation des sites fixes et de l'entreposage, l'emplacement d'un site ayant un impact direct sur les conséquences d'un accident industriel. Les données sont donc précieuses, mais elles sont très difficiles à obtenir.
« On a besoin de procédures de collectes de données plus efficaces, plus systématiques. Une harmonisation des différentes banques de données et à une meilleure divulgation des entreprises seraient aussi utiles » affirme le Pr Martin Trépanier, qui souhaiterait la formation d’un observatoire canadien sur les accidents et quasi-accidents.
Élargir la vision dans le système de réglementation
Les différents réglements fédéraux, provinciaux et municipaux s’appliquant sur le transport des matières dangereuses, l’environnement, ou à certains secteurs industriels, certaines activités ou certaines matières forment un système compliqué et parfois incohérent.
« Plutôt que la sur-réglementation, qui rend le système encore plus complexe et illisible, l’harmonisation des réglementations serait souhaitable », indique la Pre De Marcellis-Warin.
Vers de meilleurs modèles d’évaluation des risques
Afin d’aider les entreprises à mieux choisir leurs transporteurs, les chercheurs ont développé un prototype d’outil d’aide à la décision informatisé basé sur les pratiques organisationnelles. Avec cet outil, l’expéditeur choisit les caractéristiques du transport dont il a besoin et obtient une liste des pratiques organisationnelles de sécurité requises et à surveiller qui lui permettra de choisir un transporteur de matières dangereuses non plus uniquement en fonction du coût mais également en fonction de la façon dont le risque est géré par le transporteur.
Cet outil pourrait sensibiliser les entreprises à la nécessité d’adopter une saine gestion des risques et inciter les transporteurs souhaitant demeurer concurrentiels à mettre en place de bonnes pratiques organisationnelles de sécurité et de gestion des risques.
Les chercheurs recommandent également la mise en place d’un programme de gestion du risque au sein des entreprises. Intégrant divers indicateurs de performance en matière de sécurité, mais aussi de compétitivité et de rentabilité, ce programme devrait accompagner toute stratégie logistique.