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Inspecter un cerveau par un simple coup de crayon

22 avril 2022 - Source : BLOGUE

 


L’état de la motricité fine d’un individu est estimé après qu’il ait réalisé plusieurs fois une série d’exercices mesurant tantôt sa vitesse de réaction, tantôt la précision de son geste. (Photo : Martin Primeau)


Les cliniciens profiteront bientôt d’un nouvel outil pour mesurer l’état de santé neuromotrice grâce à une équipe de Polytechnique Montréal. En captant la trace laissée par un crayon sur une tablette électronique, ils obtiendront une série de données sur la motricité fine de leurs patients et patientes, une information précieuse tant pour suivre le développement moteur d’un enfant que la progression d’une maladie neurodégénérative chez l’adulte.

Votre trait de crayon en dit long sur l’état de santé de votre cerveau. Vitesse d’exécution, précision du geste et pression du crayon témoignent de sa capacité à échanger rapidement de l’information avec les muscles de votre main et de votre avant-bras.

Plusieurs signaux s’échangent ainsi chaque seconde. Grâce à eux, le cerveau dicte le mouvement des doigts de façon indépendante. C’est d’ailleurs ce qui permet de contrôler la motricité fine.

Cette capacité se développe dans la petite enfance et nous permet de manipuler des objets, d’écrire ou même de jouer d’un instrument de musique. Des problèmes de santé viennent toutefois interférer avec le bon fonctionnement de ce réseau de communication. Outre les troubles du développement chez l’enfant et les maladies neurodégénératives chez l’adulte, des accidents cérébraux et la vieillesse altèrent aussi la motricité fine.

En mesurant de façon objective cette capacité, les cliniciens pourraient garder un œil sur l’évolution d’une maladie, ou confirmer le rétablissement d’une personne. Le hic, c’est qu’ils n’ont pas encore accès à ce genre d’outil. La situation pourrait toutefois changer grâce à une équipe de Polytechnique Montréal.

Décortiquer le mouvement

Pr Réjean Plamondon (Photo : Caroline Perron)

Cette équipe, c’est celle de Réjean Plamondon, professeur titulaire au Département de génie électrique à Polytechnique Montréal.

Le groupe a développé ce qu’il appelle un « lognomètre », un outil informatique qui décortique les mouvements de la main en impulsions de vitesse qui s’affiche ensuite sur un graphique. En évaluant à quel point ces impulsions se distancient d’un résultat idéal dit « lognormal », l’outil offre une valeur objective de l’état de la motricité fine d’un individu.

Tout se réalise grâce à un crayon et une tablette électronique qui enregistre la pression exercée par le crayon durant le mouvement, mais aussi, et surtout, la vitesse de son déplacement. Des exercices variés vérifient différents aspects du mouvement de la main. On demandera par exemple à une personne de relier trois points le plus rapidement possible afin de former un triangle. Dans un autre cas, on mesurera plutôt le « temps de volition », c’est-à-dire le temps de prise de décision suite à un signal sonore ou visuel.

« Notre outil permet de séparer les composantes motrices et cérébrales du mouvement de façon objective », explique Pr Plamondon. « Avec cette information, un clinicien pourra ensuite déterminer si un patient a besoin de tel ou tel traitement. »

Selon lui, pareil outil permettrait aussi d’évaluer la vitesse de rétablissement d’un sujet qui a subi une commotion cérébrale ou déterminer si un traitement fonctionne. On pense dans ce dernier cas à des personnes plus âgées atteintes de Parkinson, par exemple, ou des adultes vivent les conséquences d’un accident vasculaire cérébral.

Chez l’enfant, on pourrait l’employer comme outil de référence lors de chaque examen médical pour apprécier le développement de sa motricité fine, « un peu comme pour une courbe de croissance », souligne le scientifique. L’outil permettrait ainsi de vérifier si un enfant souffre d’un trouble de déficit de l’attention qui pourrait engendrer des problèmes de développement de sa motricité fine.

Une affaire de... lognormalité

En rapportant sur un graphique la vitesse de déplacement du crayon à différents moments pendant un exercice, on voit apparaitre une courbe dite « lognormale » (en jaune) caractérisée par une rapide accélération au début du mouvement, puis une décélération plus lente vers la fin. Une courbe représentant la pression du crayon (en cyan) s'affiche aussi. On voit ici deux essais où la trace du crayon est présentée en exergue (carré blanc). Le premier essai présente un trait simple (en haut), et le second un triangle formé en reliant trois points (en bas). (Crédit : Guillaume Seguin De Broin et Martin Primeau)

L’outil développé par Pr Plamondon et son équipe s’appuie sur la théorie que l’accélération et la décélération d’un mouvement suivent une courbe caractéristique dite de « lognormale ». Il a consacré un livre sur le sujet en 2020.

« Plusieurs mouvements comme la saccade oculaire ou la rotation de la tête suivent cette courbe », confie Pr Plamondon. « Les mouvements de motricité fine s’en approchent aussi, à moins qu’une maladie ou qu’un accident interfère avec le fonctionnement normal du cerveau et de l’avant-bras. »

En savoir plus

Fiche d’expertise du professeur Réjean Plamondon
Site Web du Laboratoire Scribens
Site Web du Département de génie électrique
Fiche du livre chez l’éditeur

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