Sauver 12,8 tonnes de microplastiques des eaux à Montréal

Analyse de Polytechnique Montréal : l’efficience de la science citoyenne… et des filtres à laveuse!

8 février 2023

Montréal – Jusqu’à 13 tonnes de microplastiques pourraient être détournées du réseau des eaux usées de Montréal, en filtrant les eaux rejetées par les laveuses de la métropole. Voilà l’estimation que met de l’avant une équipe de Polytechnique Montréal, au terme d’une étude à participation citoyenne dont les résultats sont dévoilés ce mercredi.

L’accumulation de microparticules de plastique dans les cours d’eau pourrait s’avérer dommageable pour la santé des écosystèmes et la santé humaine. C’est que leur format miniature pose un problème de taille. Si ces minifragments sont facilement ingérables par les espèces aquatiques, ils sont d’autant difficiles à retirer des eaux.

La composition synthétique de nos vêtements de même que leur lavage récurrent figurent parmi les principaux responsables de ce fléau. Lors des lavages à la machine, des fibres polluantes se détachent des textiles et s’échappent dans les eaux usées. À chaque brassée lavée, nos cours d’eaux sont donc un peu plus souillés.

La fuite de microplastiques peut-elle refouler au lavage?

Alors que le fleuve Saint-Laurent figure au rang des cours d’eau dont la concentration en microplastiques est la plus élevée au monde, le Groupe de recommandations et d'actions pour un meilleur environnement (GRAME) a entrepris de répondre à la question ci-haut, dans la mouvance du projet « Pour un fleuve plus propre ». L’organisme a confié à une équipe multidisciplinaire de Polytechnique Montréal le soin d’analyser la composition des résidus issus de filtres installés à même les laveuses individuelles. Avec le soutien de RECYC-QUÉBEC et de Mitacs, dans le cadre du programme Mitacs Accélération, ils se sont tournés vers les expertises en génie de l’eau et en génie chimique des équipes de Dominique Claveau-Mallet et d’Abdellah Ajji, respectivement professeure adjointe au Département des génies civil, géologique et des mines, et professeur titulaire au Département de génie chimique à Polytechnique Montréal.

« Grâce à une mobilisation mondiale des talents scientifiques autour du sujet des microplastiques dans les eaux, nous détenons une connaissance de plus en plus fine de l’état des lieux. Les constats sont préoccupants. Notre projet de recherche, inédit au Québec, est donc motivé par l’urgence de la situation. L’objectif est d’évaluer concrètement une piste de réponse », met en contexte Dominique Claveau-Mallet, directrice du projet à Polytechnique Montréal.

Contribution citoyenne

L’expérience – démarrée en juin 2021 – s’est déroulée sur une période de six mois, dans des conditions véritables de brassées de lessive du quotidien. Une trentaine de ménages se sont prêtés à l’exercice. Ils ont procédé eux-mêmes à l’installation du filtre, puis ont recueilli la charpie résiduelle de microfibres en indiquant une série d’informations relatives aux conditions de lavage.

« En initiant le projet, notre souhait était de développer une meilleure compréhension du problème, mais surtout une meilleure définition des solutions. Nous trouvons essentiel que les préoccupations et les besoins de la communauté soient pris en considération dans les décisions à venir pour préserver notre environnement. D’où l’importance d’impliquer la population dans toutes les phases du projet », a affirmé Catherine Houbart, directrice générale du GRAME.

« L’équipe de recherche aurait très bien pu choisir de mener l’expérience dans un environnement contrôlé, en faisant fonctionner en continu des laveuses en laboratoire. Or, c’est une démarche participative qui a été retenue, ce qui est tout à fait honorable. Il y a nécessairement des gains d’authenticité associés à ce choix, mais cela contribue aussi et surtout à établir un dialogue constructif entre les sphères scientifiques et citoyennes, et à consolider la relation de confiance », a renchéri Yvonne Bourque, participante au projet de science citoyenne.

Une bouteille de plastique par ménage

Avant de pouvoir quantifier le potentiel de capture de microfibres plastiques, une étape de caractérisation de la matière était requise. « Pour nous assurer de ne pas altérer les microfibres plastiques lors des traitements chimiques, nous avons expérimenté différents protocoles de digestion de la charpie. La méthode retenue nous a permis de conserver l’intégrité des fibres et donc d’identifier rigoureusement la nature des contaminants présents ainsi que leur proportion respective. L’analyse des échantillons a notamment révélé que la fraction plastique pouvait représenter 32 % de la masse de charpie. Une fois les données en main, nous avons sorti notre calculatrice », explique Mohammed Abourich, diplômé à la maîtrise en génie de l’environnement de Polytechnique Montréal et auteur du rapport de maîtrise sur le projet.

Résultat du calcul préliminaire : en utilisant le filtre mis à l’essai, un ménage montréalais moyen pourrait faire dévier du chemin des eaux usées jusqu’à 16 grammes de matières plastiques par an. L’équivalent du poids d’une bouteille de 500 ml. « Extrapolé à l’échelle de la ville de Montréal, le potentiel de détournement atteint 12,8 tonnes », fait-il valoir.

Un enjeu, de multiples solutions

Si les résultats sont marquants, la professeure-chercheuse Dominique Claveau-Mallet ne prétend pas pour autant avoir trouvé le remède miracle à la prolifération de rejets indésirables dans nos eaux : « Sans être une panacée, nous retenons que les filtres détiennent un important potentiel de rétention. Contrairement à d’autres avenues technologiques, le déploiement à grande échelle de cette solution est envisageable à court-moyen terme. »

« Une avenue qui pourrait être considérée serait l’intégration du filtre par le manufacturier de laveuse, à l’étape de conception. Or, plus largement, il est évident que l’industrie de la mode doit revoir ses modes de production. La société dans son ensemble doit également effectuer un virage vers une consommation plus responsable » conclut-elle.

Des suites déjà annoncées

Pour les quatre prochaines années, une subvention conjointe Alliance du CRSNG et Mitacs Accélération d’une valeur de 480 000 $ a été attribuée à la professeure Claveau-Mallet à titre de chercheuse principale pour développer une méthode de détection ainsi que des stratégies d’épuration des microplastiques dans les systèmes de collecte et de traitement des eaux usées municipales. Le projet sera mené avec la collaboration de l’entreprise Claro Inc. et des villes de Repentigny, Longueuil et Laval.

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À propos de Polytechnique Montréal

Fondée en 1873, Polytechnique Montréal, université d’ingénierie, est l’une des plus importantes universités d’enseignement et de recherche en génie au Canada. Polytechnique Montréal est située sur le campus de l’Université de Montréal, le plus grand complexe universitaire francophone en Amérique. Avec plus de 57 000 diplômés, Polytechnique a formé au-delà de 22 % des ingénieurs en exercice membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). Elle propose quelque 120 programmes de formation. Polytechnique compte plus de 300 professeures et professeurs, et accueille plus de 10 000 étudiantes et étudiants. Son budget annuel global s’élève à 300 millions de dollars, incluant un budget de recherche de 100 millions de dollars.
 

Source :
Audrey Rondeau, conseillère en communications, Polytechnique Montréal
audrey.rondeau@polymtl.ca / 514 690-3553

Trousse médias :
Des photos ainsi que le rapport sont disponibles pour téléchargement ici :
https://www.dropbox.com/home/Trousse-medias_capture-microplastiques-PolytechniqueMontreal

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