
Le Magazine de Polytechnique Montréal
De la récupération à l’innovation
« Quand l'entrepreneuriat entre en toi, il ne te quitte jamais », lance Chantal Bernatchez, « flexipreneure » assumée et tornade d'idées. Cinq enfants, un poste d'ingénieure à plein temps chez Hydro-Québec et un OBNL au Burkina Faso n’ont pas freiné son appétit d’entreprendre. Elle a lancé récemment deux projets innovants d'entreprises d'économie circulaire, mis sur pied avec la participation de Polytechnique Montréal et de son incubateur Propolys.
L'affaire (recyclée) est dans le sac
Iso-Protek, fondée par Mme Bernatchez avec son mari Rasmané Ouedraogo, récupère des pellicules isothermes provenant de conteneurs pour les métamorphoser en sacs thermiques.
L'aventure démarre pendant la pandémie, avec Rasmané arrimé à sa machine à coudre sur un coin de table. Elle se poursuit aujourd'hui avec 32 machines installées dans un atelier industriel, trois salariés et un chiffre d'affaires passé de 22 000 $ à 62 000 $ en quatre ans.
De bons tuyaux pour l'agriculture
Mais une idée n'attend pas l'autre chez Mme Bernatchez. « Je cherchais à soutenir Vergers d'Afrique, mon OBNL au Burkina Faso, tout en renforçant mon impact au Québec », explique-t-elle. Ainsi est né Irri-Blière, développé avec Gracias Kedote, diplômée de Polytechnique en génie industriel et sa « jumelle de cœur ». « Nous sommes des flexipreneures toutes les deux – mères, intrapreneures à temps plein, et entrepreneures à côté. »
Le concept? Transformer les tubulures d'érablières en systèmes d'irrigation goutte-à-goutte. Trois mille tonnes de ces tuyaux finissent chaque année dans les décharges.
Chez le partenaire Environek, les tubulures sont triées, broyées, puis les granules prennent le chemin du centre de recherche Coalia où émerge la « recette parfaite » : un mélange de plastiques recyclés. Résultat : des boyaux d'irrigation plus écologiques, moins chers et tout aussi performants que ceux qui sont importés.
Le projet vise à valoriser 60 % des tubulures, à créer 10 emplois pour des personnes ayant des limitations fonctionnelles et à offrir aux agriculteurs une solution d'irrigation économisant 60 % d'eau.
De Polytechnique au Burkina Faso, la genèse d'une vocation
La passion de Chantal Bernatchez pour l'économie circulaire trouve son origine dans un parcours universitaire atypique. Après deux années en génie alimentaire à l'Université Laval, elle transite un an à Polytechnique en génie industriel, attirée par la possibilité d'y faire des stages en industrie. « Ce passage a changé le cours de ma vie », confie-t-elle. Au printemps 2001, elle saisit l'opportunité d'un stage de six mois à Ouagadougou dans la filière de certification du beurre de karité.
« Je suis partie sac à dos, tête rasée, avec tous mes préjugés », s'amuse-t-elle. À son retour, inspirée par une amie, elle termine son baccalauréat à l'Université de Trois-Rivières. Mais ce séjour initiatique au Burkina Faso lui a offert bien plus qu'une orientation universitaire : la rencontre avec une culture, la découverte de l'entrepreneuriat social au féminin, ainsi qu'une fascination pour la débrouillardise et l'entraide africaines.
Propolys, l'accélérateur de rêves fous
« Les étudiants qui passent par Polytechnique aujourd'hui sont tellement chanceux, s'exclame Mme Bernatchez. Ils ont accès à Propolys dès le début et peuvent concrétiser très tôt leurs projets! » Pour cette entrepreneure en série, l'incubateur est un joyau qui combine rigueur scientifique et accompagnement entrepreneurial.
« Propolys est un facilitant, il t'apporte une structure et permet de briser l'isolement, souligne-t-elle. Il te permet de faire les bonnes choses au bon moment, grâce à un niveau de maturité technologique associé à un niveau de maturité en affaires. Polytechnique apporte cette maturité technologique et le niveau de profondeur scientifique qu'on trouverait difficilement dans un autre incubateur. »
Mme Bernatchez implique systématiquement les étudiantes et étudiants de Polytechnique dans ses aventures entrepreneuriales, que ce soit par des projets intégrateurs, des stages, des projets de R et D. « Ils sont brillants et apportent une valeur ajoutée exceptionnelle aux projets. »
Avec enthousiasme, elle constate que Polytechnique reste son « pivot dans la vie ». « Maintenant, c'est même devenu mon fort en innovation! », conclut-elle.

Chantal Bernatchez, avec l'équipe d'ENVIRONEK et d'Irri-Blière