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Regard d’un économiste sur l’innovation technologique

Point de vue

Par Catherine Florès
10 décembre 2016 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Décembre 2016)
10 décembre 2016 - Source : Magazine Poly
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L’existence du Groupe de recherche en gestion et mondialisation de la technologie (GMT) à Polytechnique illustre l’ouverture de ce bastion des sciences « dures » aux sciences sociales. Professeur d’économie au département de mathématiques et de génie industriel, le responsable du GMT, Marcelin Joanis, observe les bouleversements apportés par la transformation numérique.

« Les innovations technologiques ont toujours été à l’origine de phases intensives de mondialisation. Il suffit de penser aux effets de la révolution des transports et de la révolution industrielle au XIXe siècle, souligne le Pr Joanis. Mais ce qui est marquant avec la révolution numérique actuelle, c’est que l’augmentation sans précédent des indices de mondialisation enregistrés ces dernières années s’accompagne d’une fragmentation internationale des processus de production. »

Pendant longtemps en effet, les processus de production ont été profondément ancrés dans un même territoire, voire dans une même usine. Ce modèle a fait long feu. Le cas de l’avion C-Series de Bombardier est emblématique : ses pièces sont produites dans pas moins de 10 pays. La complexité des chaînes de valeur créée par la mondialisation demande aux organisations une extrême agilité, et à la main-d’oeuvre la capacité de penser cette complexité. « L’ADN d’une entreprise n’est plus son produit ou son service, c’est la performance et l’adaptabilité de ses processus, ainsi que les compétences de sa main-d’œuvre », constate M. Joanis.

« Il y a malheureusement des perdants dans cette révolution : les travailleurs relativement peu qualifiés qui, hier, passaient toute leur vie professionnelle au sein d’une manufacture bien établie dans leur région. La Manufacturing Belt, symbole de ce modèle aux États-Unis, est devenue la Rust Belt. On est passé d’une économie de manufactures à une économie de services. Aujourd’hui, les entreprises ont besoin d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, adaptable au changement, avec une dimension internationale, travaillant en mode solution et en réseau. Tout le portrait, en somme, de nos étudiants ! »

Il estime que le Québec a fait le bon choix dans les années 60 en misant sur l’éducation comme vecteur de développement économique. Aujourd’hui, il possède un bassin de main-d’oeuvre hautement qualifiée qui le place en bonne position pour accueillir ces entreprises technologiques, bien que la concurrence des autres régions du monde soit féroce.

Lorsqu’une région parvient à attirer et à retenir une entreprise de haute technologie, les effets positifs sont accrus, car tel un aimant, ce type d’entreprise attire autour d’elle une constellation d’autres entreprises innovantes. Ces écosystèmes d’innovation génèrent un tissu industriel performant, flexible, qui se réinvente plus facilement. « Les grappes industrielles performantes qui se sont formées à Montréal sont à cet égard un exemple. En misant aujourd’hui sur l’apprentissage machine et le big data, Montréal se positionne très favorablement sur le terrain mondial du développement », pense l’économiste.

Il ajoute qu’on ne peut plus parler de développement économique sans développement durable et développement social. « Face aux enjeux de changements climatiques, ce seront les modèles porteurs de solutions d’innovation durable qui réussiront. »



Marcelin Joanis.

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