
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Professeur Sean Molesky, dompteur de lumière
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Pr Sean Molesky, Département de génie physique. Photo : Caroline Perron
Jongler avec des milliers de variables afin de définir la marche optimale à suivre pour transmettre la lumière. Voilà la mission que s'est donnée le professeur Sean Molesky du Département de génie physique de Polytechnique Montréal. Portrait d’un jeune chercheur qui met les mathématiques au service du génie.
Il existe des problématiques scientifiques qui échappent à la plupart d'entre nous, et celles qui intéressent ce nouveau membre de l'équipe professorale de Polytechnique Montréal en font assurément partie. L’expertise du professeur Sean Molesky se situe à l’intersection de la photonique, de l’optimisation mathématique et de la modélisation informatique. En d’autres mots, il se sert des formules à la base des lois de la physique et de l’optique pour prédire le comportement de matériaux ou de dispositifs utilisés pour transmettre et capter la lumière.
C’est que, pour jongler avec les ondes, il faut non seulement trouver les matériaux qui ont les propriétés optimales d’absorption ou de réflexion, mais aussi déterminer comment les agencer dans un design précis, parfois au micromètre près. Les antennes de nos cellulaires, par exemple, sont conçues de plus en plus petites, non pas par souci esthétique, mais simplement pour capter des longueurs d’onde de plus en plus élevées. Les mêmes principes s’appliquent aux dispositifs qui gèrent des rayons lumineux, et ces principes impliquent des milliers de variables, voire des dizaines de milliers.
Le problème, c’est que les chercheurs naviguent parfois à vue lorsque vient le temps de créer des designs pour offrir de nouvelles fonctionnalités ou de meilleures performances. On fabrique un prototype, puis on le teste. Le professeur Sean Molesky, lui, entend changer la donne en se servant des mathématiques pour prédire les limites de ce que peut apporter un design en termes de fonctionnalités. Une façon de gagner à la fois en temps, en efficacité et en performance. « La plupart du temps, on peut difficilement prévoir quel sera le potentiel d’un design », explique celui qui s’est joint à Polytechnique Montréal en août 2021. « Mais en comparant les forces et les faiblesses de plusieurs propositions, on peut éventuellement déterminer quelle serait la meilleure option pour une application précise. »
DE LA RÉCUPÉRATION DE CHALEUR À LA LUMIÈRE
Le jeune chercheur arrive à Polytechnique Montréal avec un balluchon déjà bien garni, mais avec des ondes d’une autre catégorie : celles de l’infrarouge qui véhiculent la chaleur. Au cours de ses études doctorales dans le laboratoire du professeur Zubin Jacob à l’Université de l’Alberta, Sean Molesky s’est d’abord intéressé aux stratégies de récupération de la chaleur résiduelle émise par des centrales énergétiques au charbon ou au mazout, un travail souligné par la Médaille d’or du Gouverneur général ainsi que le prix George Walker. En jumelant des équations de base, il a fourni une marche à suivre théorique aux collaborateurs de son laboratoire pour mettre au point une technologie capable d’absorber efficacement la chaleur aux longueurs d’ondes émises par les cuves des centrales énergétiques. Le prototype assemblé à partir de ce modèle a rempli ses promesses de brillante façon, comme le prévoyaient les calculs initiaux. Plusieurs variables n’avaient toutefois pas été prises en compte dans ce premier design, ce qui a amené le jeune chercheur à pousser l’aventure plus loin.
« En parcourant la littérature scientifique, nous avons compris qu’on pourrait encore améliorer les performances de notre dispositif par un facteur de 100 à 1000 par rapport à la version initiale », dit-il, convaincu du potentiel de cette façon de faire. Le principal intéressé s’est ensuite déplacé au New Jersey, à l’Université Princeton, pour travailler avec le professeur Alejandro Rodriguez sur l’élaboration de designs non pas intuitifs, mais plutôt générés par ordinateur après un travail d’optimisation. Un travail de deux ans et demi qui, au final, s’est avéré infructueux : aucun des designs proposés n’améliorait le dispositif proposé à l’origine par Sean Molesky au cours de son doctorat. « En réponse à ces échecs, nous avons développé une méthode algorithmique pour calculer les performances atteignables des dispositifs », explique-t-il. « Et cette méthode nous a confirmé que le design conçu au cours de ma thèse était presque optimal. »
Fort de cette expérience, Sean Molesky cherche maintenant d'autres façons d'améliorer les limites algorithmiques de ses outils et de développer des logiciels afin que ces techniques puissent être appliquées par tout chercheur travaillant sur la physique des ondes, que ce soit en photonique, en mécanique quantique ou en mécanique des fluides, par exemple.