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Polytechnique, un gisement de pépites à valoriser

Point de vue

Par Catherine Florès
20 mars 2020 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Printemps 2020)
Pierre Lassonde président de Polytechnique
Pierre Lassonde, Po 71, nommé président du conseil d’administration de Polytechnique Montréal (Photo : Caroline Perron)

Homme d’affaires qui a fait fortune dans le secteur aurifère, grand mécène des arts et de l’éducation, le nouveau président du conseil d’administration de Polytechnique, Pierre Lassonde, Po 71, concilie l’esprit d’entreprendre et le goût de servir la société. Porteur d’une vision de la réussite forgée par son parcours atypique, il envisage son rôle auprès de Polytechnique avec un mélange de pragmatisme et d’optimisme. Sa préoccupation première : que Polytechnique se hisse au rang des universités de génie les plus reconnues dans le monde grâce au succès de sa communauté.

Pour un juste retour des choses

Pierre Lassonde donne l’image d’un homme à qui tout a réussi. L’insigne de Grand Officier de l’Ordre national du Québec qui orne le revers de sa veste témoigne de l’envergure de ses réalisations. C’est également un homme très occupé, partageant son temps entre sa famille, la présidence de son entreprise Franco-Nevada Corporation, ses projets philanthropiques et divers conseils d’administration au Canada et aux États-Unis. Qu’est-ce qui l’a motivé à intégrer dans son emploi du temps fort chargé les responsabilités de la présidence du conseil d'administration de Polytechnique, alors que son appui à son alma mater s’était déjà concrétisé par un don de huit millions de dollars en 2002 pour la construction de pavillons « verts »?

« C’est avant tout une question de redonner », déclare-t-il. « Je suis reconnaissant envers Polytechnique pour deux raisons : la première, c’est d’y avoir rencontré la femme d’exception qui fut mon épouse, Claudette1; la seconde, c’est la qualité de la formation d’ingénieur que j’y ai reçue, qui a assurément compté dans mon succès professionnel. Je souhaite donc en retour aider Polytechnique à exploiter tout son potentiel en mettant mes compétences d’administrateur et d’entrepreneur à contribution. » Il précise qu’avant d'accepter, il a tenu à s’assurer que sa vision et ses ambitions pour Polytechnique étaient compatibles avec celles de la haute direction de l’établissement. « Ce qui est le cas », confirme-t-il. « Et le Plan stratégique me paraît tout à fait cohérent et apte à déployer l’envergure de Polytechnique. »

1Claudette McKay-Lassonde, Po 71, génie chimique, décédée en 2000. Elle est devenue en 1986 la première femme présidente de l'Association professionnelle des ingénieurs de l'Ontario et a également présidé le Bureau canadien de la main-d'œuvre en génie. À la suite de la tuerie du 6 décembre 1989 à Polytechnique, elle a créé avec un groupe d’ingénieurs la Fondation commémorative du génie canadien.

La volonté d’insuffler l’esprit entrepreneurial à la relève

S’avouant quelque peu impressionné à l’idée de succéder à des personnalités comme Bernard Lamarre et Michèle Thibodeau-DeGuire, M. Lassonde souligne qu’il n’aurait jamais imaginé se voir un jour proposer cette présidence. « Contrairement à Claudette, qui a terminé troisième de la promotion, je n’ai guère brillé sur le plan scolaire durant mes études d’ingénieur. D’ailleurs, je crois bien que je me ferais recaler aujourd’hui! »

Mais s’il se plaît à se dépeindre comme un ancien étudiant en génie des plus moyens, Pierre Lassonde n’a pas abordé l’université en dilettante. Même s’il n’avait pas d’idée précise du domaine dans lequel il souhaitait faire carrière, ce fils d’entrepreneur s’était fixé un but : devenir son propre patron. Les études universitaires lui permettraient de s’outiller pour le réaliser. C’est ainsi qu’il a enchaîné un baccalauréat en arts à l’Université de Montréal, un diplôme d’ingénieur électrique à Polytechnique, puis une maîtrise en administration des affaires à l’Université de l’Utah (il s’y était inscrit alors qu’il ne maîtrisait pas encore l’anglais!).  

Cette détermination s’allie chez Pierre Lassonde à la capacité à repérer une occasion et à prendre le risque au moment opportun, sans craindre de sortir des sentiers battus. Autrement dit, l’art de créer sa chance, qui est la marque des grands entrepreneurs. Le succès spectaculaire de la Franco-Nevada Mining Corporation en témoigne : lorsqu’il l’a lancée au début des années 80 avec son partenaire Seymour Schulich, cette entreprise était vouée à l'exploration minière. Mais rapidement, il a eu l’idée insolite d'investir dans des redevances minières. Certes, le risque était élevé : un échec aurait sans doute mis durablement les deux associés sur la paille. Leur investissement initial de 2 millions de dollars a généré une entreprise valant aujourd’hui plus de 25 milliards de dollars sur le marché.

Pour lui, le meilleur moyen de rendre à la société est d’insuffler à son tour cet esprit entrepreneurial à la relève, en aidant les universités à préparer leurs étudiants et étudiantes à leur rôle futur de créateurs de richesses et de progrès.

Outre Polytechnique, divers établissements d’enseignement ont bénéficié du généreux appui, chiffré en millions de dollars, de l’homme d’affaires : l’Université de Toronto, le Collège/l’École Marie-Clarac, l’Université de l’Utah, l’Université Western, ainsi que l’Université York. C’est notamment grâce à son soutien que l’Université de l’Utah se classe aujourd’hui parmi les premières en entrepreneuriat et commercialisation de technologies en Amérique du Nord.

Nouvelle vision de l’excellence

M. Lassonde ne pense pas que la recette employée à l’Université de l’Utah soit directement applicable à Polytechnique. « Celle-ci possède une histoire, une structure et une culture qui lui sont propres et avec lesquelles il faut bâtir », explique-t-il. « Parmi ses forces qu’il m’est déjà possible de voir, il y a cette précieuse capacité à développer rapidement de nouveaux programmes et à les remodeler en fonction de l’évolution des besoins. »

La Fondation et Alumni de Polytechnique Montréal trouvera en ce spécialiste de la philanthropie à l’impressionnant carnet d’adresses un allié fidèle dans la mise en œuvre de ses projets de recherche de fonds, que ce soit pour le développement des espaces à Polytechnique ou pour le soutien des activités d’enseignement et de recherche.

« Les découvertes réalisées à Polytechnique méritent qu’on travaille à obtenir plus de fonds pour leur valorisation, tant leur potentiel en matière de création de nouveaux emplois et d’impacts positifs sur la société est remarquable. Mais il faudra sans doute faire évoluer la façon d’exploiter la propriété intellectuelle, en montrant plus de flexibilité dans sa gestion », commente-t-il.

M. Lassonde se réjouit de l’objectif de développement entrepreneurial inscrit dans la stratégie de Polytechnique. « Seulement, il faut prendre conscience que ce ne sont pas forcément les plus performants sur le plan scolaire qui deviennent entrepreneurs et créent de la richesse! J’en suis moi-même un exemple et j’en connais beaucoup d’autres. L’excellence devrait avoir de nouveaux modèles. »

Sa vision pour Polytechnique serait qu’en 2023, année de son 150e anniversaire de fondation, l’établissement soit reconnu parmi les 50 meilleurs en génie au monde, notamment grâce à sa capacité à recruter les talents entrepreneuriaux et à soutenir leur épanouissement. Ces talents valent de l’or, il faut en croire sa parole d’expert!

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