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Passer le flambeau d’une entreprise, d’un diplômé à un autre

Succès de diplômés

Par Catherine Florès
5 novembre 2018 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Automne 2018)
5 novembre 2018 - Source : Magazine Poly
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Philippe Jetté et Louis Audet, de CogecoLouis Audet, diplômé en génie électrique (po 74) était depuis 25 ans à la tête de l'entreprise Cogeco, fleuron québécois du secteur des communications, fondée par son père, Henri Audet, lui-même diplômé de polytechnique en génie mécanique-électrique (po 43). C’est un autre diplômé en génie électrique, Philippe Jetté (po 88), auparavant président d’une des filiales de Cogeco, Cogeco Peer 1, qui le remplace désormais à la direction de l’entreprise. Bien qu’issus de générations différentes, MM. Audet et Jetté ont davantage en commun qu’un diplôme : ils partagent des valeurs, une vision de l’entreprise et une conception du rôle de l’ingénieur semblables.

Les enjeux de la transmission des responsabilités

« Passer les rênes d’une entreprise demande beaucoup de discipline, affirme Louis Audet. Une période de transition assez longue est nécessaire, durant laquelle il faut laisser prendre de l’assurance à celui qui prend le relais, tout en le soutenant pour lui éviter, autant que possible, de faire des erreurs. Le successeur subit beaucoup de pression car les attentes sont élevées, et plus encore, je crois, quand il est le fils du dirigeant sortant, comme ce fut mon cas. »

Louis Audet n’avait pas eu l’esprit façonné depuis l’enfance par la perspective de succéder à son père. Sa motivation étant de trouver une façon efficace de contribuer à la société, il a opté pour des études en génie, après avoir hésité longtemps entre cette discipline et la médecine. Il a commencé sa carrière au sein de diverses entreprises de télécommunications et avait déjà atteint la trentaine lorsqu’il s’est joint en 1981 à Cogeco, soit quatre ans avant que l’entreprise familiale ne devienne publique. Ce n’est qu’en 1993 qu’il est devenu président et chef de la direction. « Avoir travaillé autant d’années aux côtés de mon père a été inspirant et très formateur. À l’époque, j’avais plus d’ambitions que de modèles, mais mon père en fut un.»

L’actionnaire de contrôle demeure la famille Audet. En outre, Louis Audet joue encore un rôle très actif chez Cogeco, à titre de président exécutif du conseil d’administration. À ses yeux, le fait que l’entreprise demeure familiale est la meilleure façon de s’assurer de sa stabilité et de la pérennité de sa culture axée sur la satisfaction de la clientèle. « Quand on gère une entreprise familiale, on travaille pour la durée, sans perdre de vue les répercussions à long terme de nos décisions d’affaires », déclare-t-il. « Celles-ci seront jugées d’après la réponse à cette question : les générations suivantes vont-elles nous féliciter ou nous maudire ? »

Il souligne que Cogeco doit en grande partie son succès à cette vision de la durée, qui a favorisé les investissements à long terme aux dépens de la recherche de profits rapides. « Ici, on ne joue pas au poker. On ne spécule pas et on prend les décisions avec discipline, rigueur et logique, en mesurant les risques. On donne le meilleur et on engage les meilleurs. » Cette rigueur ne freine pas l’ambition, puisque Cogeco, initialement une PME fondée à Trois-Rivières, emploie aujourd’hui 5 200 personnes et déploie ses activités au Québec, en Ontario, aux États-Unis et en Europe de l’Ouest. Son chiffre d’affaires, qui s’élevait à 20 millions de dollars lorsqu’elle est devenue publique en 1985, atteint cette année 2,3 milliards de dollars.

Reconnu comme un excellent stratège en affaires, M. Audet, qui a reçu un doctorat honorifique sur recommandation de son alma mater cette année, estime que sa formation à Polytechnique l’a bien entraîné à résoudre des problèmes complexes et à innover. Des capacités qu’il distingue chez son successeur, Philippe Jetté.

Philippe Jetté , ingénieur entrepreneur dans l’âme

Son baccalauréat de génie électrique en poche, M. Jetté a été embauché par une entreprise de R&D, tandis qu’il développait en parallèle une entreprise de services industriels avec d’autres diplômés de Polytechnique. Trois ans plus tard, il est entré chez Cantel où il a contribué au déploiement de son réseau cellulaire au Canada, comme ingénieur d’abord, puis comme chef d’équipe et enfin, directeur de département. Bell, qui décentralisait ses opérations vers Montréal, l’a ensuite recruté. Nommé directeur général – Technologies sans fil en 2000, puis directeur général – Marketing Marchés affaires en 2005, il est devenu vice-président – Solutions mobiles en 2006.

En 2008, il a fondé Philippe Jetté Services-Conseils. Intervenant dans le domaine des télécommunications, il a réalisé divers mandats à l’international. M. Audet l’a engagé en 2011 comme premier vice-président et chef de la Direction technologique et de la stratégie de Cogeco Communications. En 2015, il est devenu président de la filiale Cogeco Peer 1.

« Je me suis toujours considéré comme un entrepreneur », confie M. Jetté, qui estime que le génie fournit un excellent bagage pour évoluer dans le milieu des affaires. « À Polytechnique, j’ai été formé pour l’analyse et la recherche de solutions, et j’ai appris à bien définir les problèmes. Des compétences indispensables pour créer des équipes, considérer des occasions d’affaires et développer des stratégies. »

Préoccupations et mobilisations

Tout comme M. Audet, M. Jetté est très attentif aux changements de la société. Il observe par exemple les effets de l’arrivée des milléniaux sur le marché du travail. « Les organisations qui, pour perdurer, doivent bâtir des visions stratégiques à long terme, peuvent être déroutées par ces jeunes employés qui cherchent avant tout des défis intéressants et des gratifications à court terme dans leurs projets. Cela demande un grand effort d’adaptation aux organisations. Souvent, elles doivent revoir leurs façons de structurer les projets, pour y intégrer les objectifs des milléniaux. Par ailleurs, ceux-ci arrivent bien formés et bien équipés en expertises. Ils font ainsi évoluer les entreprises. »

Les deux ingénieurs se préoccupent aussi du cycle d’innovation de plus en plus court. « Il faut s’adapter rapidement, en restant toujours à l’affût des évolutions technologiques. La durée de vie d’une innovation a tendance à diminuer relativement vite, ce qui a un impact sur les choix technologiques d’une entreprise. La notion de rythme de croisière a disparu », indique M. Jetté.

M. Audet souligne un autre impact de l’emballement du rythme technologique : une partie importante de la population n’arrive plus à le suivre. « Quarante pour cent des Québécois disent ne pas se sentir à l’aise avec les technologies. Il faut agir pour changer cette situation car on ne peut espérer de création de valeur si les technologies ne sont pas, ou mal, utilisées. »

Depuis quelques années, M. Audet encourage les dirigeants du milieu des affaires à faire entendre leur voix dans les débats publics pour contribuer à la démocratie. Et l’un comme l’autre sont demeurés proches de Polytechnique, par l’intermédiaire de son Association des diplômés et de sa Fondation. « Un de nos souhaits est de voir Polytechnique accueillir encore plus de femmes car elles ont beaucoup à apporter au génie », mentionne M. Jetté. « Les secteurs très technologiques ont encore du mal à les attirer, renchérit M. Audet, mais il y a moyen de le faire en leur proposant des projets où leur vision des problèmes et leur façon de les résoudre sont valorisées. De façon générale, il faut de la diversité dans les entreprises, particulièrement dans les équipes chargées des décisions stratégiques. »

Ces deux dirigeants l’affirment : l’entreprise doit être un acteur de progrès sociétal.

 

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