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L’IA et l’optimisation au service des patientes atteintes du cancer du sein

Impact

Par Catherine Florès
3 avril 2022 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Printemps 2022)

En 2021, environ 27 000 femmes au Canada1, dont 6 000 au Québec2, ont reçu un diagnostic de cancer du sein. La Fondation cancer du sein du Québec, dont l’une des missions est d’améliorer la qualité de vie des personnes touchées par cette maladie, souhaite apporter une aide plus efficace à un plus grand nombre de patientes, notamment celles qui sont en butte à des difficultés logistiques de transport et d’hébergement, et ne peuvent donc suivre pleinement leurs traitements. Elle s’est tournée vers les chercheurs de l’Institut de valorisation des données (IVADO) pour réfléchir au développement d’un service qui optimiserait l’accès aux soins pour ces patientes, augmentant ainsi leurs chances de guérison.

Phase exploratoire soutenue par IVADO

Professeure Nadia Lahrichi

La Pre Nadia Lahrichi, Département de mathématiques et de génie industriel

Spécialiste en recherche opérationnelle appliquée à la logistique des soins de santé, la Pre Nadia Lahrichi a pris part à cette réflexion : « L’objectif visé était de construire un service utilisant les ressources (temps, voyagement) offertes par les bénévoles de la Fondation. Nous nous sommes penchés initialement sur la possibilité de mettre en place un réseau de transport communautaire, sur lequel pourrait plus tard se greffer une offre d’hébergement. »

La chercheuse pilote une petite équipe d’étudiants chargée de déterminer quelle solution répondra le mieux aux besoins définis. La piste de départ explorée concerne la création d’une application permettant de mettre en contact les patientes avec les bénévoles qui offriraient leurs services de transport, voire d’hébergement.

La conception est plus complexe qu’elle n’en a l’air : « La première difficulté réside dans l’insuffisance de données. Toutes les patientes qui auraient besoin de services n’adressent pas leurs demandes à la Fondation », mentionne la Pre Lahrichi. De plus, il existe une grande disparité de besoins et de ressources disponibles selon les régions et selon la situation personnelle des patientes ou la disponibilité des bénévoles.

À partir des données existantes, son équipe a néanmoins pu développer un modèle de simulation dit « à événements discrets », qui permet d’analyser des scénarios. Cette phase embryonnaire a bénéficié d’un fonds de démarrage d’IVADO. La Pre Lahrichi a ensuite obtenu du programme MITACS le financement d’un stage postdoctoral consacré à déterminer quelle forme le système de transport devrait prendre pour offrir une solution optimale et compatible avec les moyens de la Fondation.

Casse-tête décisionnel

 « Notre stagiaire postdoctoral travaille sur le projet depuis un an. Un système de transport nécessite un grand nombre de décisions à prendre : par exemple, doit-on proposer un système de rendez-vous selon des horaires fixes ou à des heures précises ? Peut-on fonctionner avec uniquement des bénévoles ? Le service de transport serait-il de type covoiturage ? À quelles tranches horaires doit-on s’assurer d’avoir le plus de bénévoles disponibles ?, etc. C’est sans compter, bien entendu, la prise en compte des aspects relatifs à la sécurité des patientes ainsi qu’à l’éthique », souligne la professeure.

Il faut essayer de comprendre, en fonction des différents scénarios possibles de demandes et d’offres, comment une solution répondra aux critères qu’on aura fixés, comme la capacité quotidienne du service, le délai d’attente acceptable, la prise en compte du trafic routier, la possibilité d’annulation pour le bénévole, etc.

 « De plus, explique Mme Lahrichi, la nature même du service que l’on va décider d’offrir – dépannage ponctuel en temps réel ou service régulier, avec système de réservation à l’avance – va avoir un impact sur la complexité de la solution à mettre en œuvre. » Plus le degré d’incertitude est élevé concernant la demande d’un côté et la disponibilité de l’offre de l’autre, plus le service devient difficile à maintenir.

À l’heure actuelle, il reste encore beaucoup de données à analyser pour comprendre d’où sont émises les demandes afin de savoir, notamment, s’il vaut mieux concevoir un service pour zones rurales ou pour zones urbaines.

Vers un « Uber rose » ou un « taxi rose » ?

« Grâce à notre modèle de simulation, nous allons pouvoir générer toute une liste de recommandations, avec une quantification de ce que cela va représenter en termes de coûts et de performances » déclare Nadia Lahrichi.

 « Il n’est pas dit que la solution recommandée à la fin sera le développement d’une plateforme mettant en contact les patientes et les bénévoles, comme on l’a évoqué au tout début du projet. Peut-être que le service pourrait être confié à une plateforme de ce type existante. Peut-être encore que l’investissement dans un véhicule permettant de transporter un petit groupe de patientes, avec un chauffeur dédié et un répartiteur, sera finalement davantage dans les moyens de la Fondation cancer du sein du Québec. Ce que nous souhaitons, c’est que celle-ci puisse prendre sa décision de façon vraiment éclairée.»

1- Source : Société canadienne du cancer
2 – Source : Fondation cancer du sein du Québec

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