
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Le vrai sens du succès

Hélène Cyr, Po 93, directrice commerciale d'enim. (Photo : Julie Durocher)
La trajectoire d’Hélène Cyr aurait pu se conformer à la voie conventionnelle d’une carrière de gestionnaire à succès dans les hautes sphères industrielles. Mais se conformer, ce n’est pas exactement dans la nature de cette diplômée aspirant avant tout à vivre en accord avec ses valeurs profondes.
DÉBUTS PROMETTEURS
Le parcours atypique d’Hélène Cyr est marqué dès le départ par un événement bouleversant : elle étudie en première année de baccalauréat en génie industriel lorsque survient le drame du 6 décembre 1989. « Je n’avais jamais été obsédée par mes notes jusqu’alors. Après l’événement, je suis entrée dans une démarche de performance, visant les A dans mes bulletins. C’était sans doute une façon plus ou moins consciente d’affirmer qu’en tant que femme, j’avais l’intention de prendre ma place dans le domaine du génie. »
Sa carrière lui donnera l’occasion d’embrasser son talent et son ambition : après son baccalauréat obtenu en 1993, elle est engagée par McKinsey & Company, pour un poste d’analyste d’affaires, à Toronto, où elle passe deux années, suivies de l’obtention d’un MBA international à l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD). Ensuite, elle s’oriente vers le conseil en opérations, d’abord au sein d’une société financière, puis d’une firme de consultants spécialisée dans les fusions-acquisitions. Ce nouveau bagage lui permet d’amorcer un virage.
ASCENSION INTERNATIONALE
« J’approchais la trentaine, et j’avais envie de goûter à l’expérience des activités industrielles. Je suis partie travailler chez Bombardier Transport. D’abord au siège de Berlin, puis à Londres et à Bruxelles, en gravissant les échelons des divisions Signalisation et Services. » À tout juste 33 ans, elle devient la plus jeune femme vice-présidente de l’histoire de Bombardier. « J’avais 300 personnes sous ma direction, en majorité des hommes très expérimentés. Mes compétences et ma formation d’ingénieure me rendaient crédible à leurs yeux. Mon attitude aussi, sans doute. On dit de moi que je suis exigeante, mais pas arrogante. »
Après huit années intenses, Mme Cyr fait une pause de six mois, puis entre chez CAE. À titre de vice-présidente Optimisation des opérations à la division Formation, elle y gère les activités d’harmonisation des services de formation des pilotes à travers le monde.
EN QUÊTE D’AUTHENTICITÉ
À l’orée de la quarantaine, elle vit une profonde remise en question personnelle. « Le sens de mon travail commençait à m’échapper. Je me sentais déconnectée de la dimension humaine. J’ai pris le courage de tourner le dos à ma carrière, malgré l’incompréhension d’une partie de mon entourage. Pour m’aider à me recentrer, je suis partie sur le chemin de Compostelle. »
Elle part ensuite en Afrique pour contribuer à soutenir les veuves et orphelins du génocide rwandais. « Ma mission au Rwanda devait durer trois mois, je suis restée plus de 10 ans. »
Pour l’Agence de développement économique du Rwanda, elle réalise des projets visant à attirer des investisseurs étrangers et à développer les entreprises locales. En s’impliquant pour soutenir la scolarisation de la jeunesse rwandaise, elle fait la connaissance de Shaban, son futur partenaire d’affaires. « Son rêve était de créer une école d’hôtellerie permettant aux jeunes d’apprendre un métier. Nous avons bâti un plan d’affaires et son rêve est devenu notre rêve, dans lequel nous avons investi notre argent et notre temps. À son ouverture, en 2010, l’école accueillait une centaine de jeunes par an, et 600 aujourd’hui. »
Souhaitant partager son expérience de vie, elle publie un livre, Changer de vie, qui relate la transformation de sa destinée et son expérience africaine.
VERS DE NOUVEAUX HORIZONS DURABLES
Un peu avant la pandémie, Mme Cyr revient travailler au Québec. Elle passe quelque temps dans une filiale d'Hydro-Québec vouée au développement de technologies vertes, puis se voit confier la stratégie de développement commercial d’enim. Cette entreprise québécoise récolte les minéraux critiques et stratégiques issus de la mine urbaine, en appliquant une technologie innovante et une nouvelle vision du cycle de valorisation des déchets électroniques.
« Aujourd’hui, tout développement qui n’est pas durable ne doit plus être considéré comme du développement, mais comme de la destruction », affirme-t-elle. Prendre soin des communautés et prendre soin de la planète, tel est le sens qu’Hélène Cyr a donné à sa vie. Manifestement, c’est un succès.
