
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Foutse Khomh, itinéraire accéléré d’un chercheur inspiré
Portrait de professeur
La routine, Foutse Khomh la déteste. Pour son bonheur, les projets qu’il réalise au sein de sa chaire FRQ-IVADO en assurance qualité des logiciels d’apprentissage automatique lui apportent chaque jour leur lot de défis stimulants.

(Photo : Caroline Perron)
Tout juste 11 ans se sont écoulés depuis qu’il a obtenu son doctorat en informatique de l’Université de Montréal couronné d’un prix d’excellence, mais sa carrière de professeur au Département de génie informatique et de génie logiciel de Polytechnique est déjà grandement auréolée d’honneurs. Lauréat du prix CS-Can/Info-Can jeunes chercheurs exceptionnels en informatique en 2019, classé parmi les chercheurs les plus productifs au monde en 2021, Foutse Khomh a aussi récolté quatre prix pour des articles reconnus comme les plus influents sur une décennie (10-Year Most Influential Paper Awards), ainsi que six prix récompensant les meilleurs articles.
Empreinte paternelle
Originaire de Yaoundé, au Cameroun, ce chercheur baigne dès son enfance dans l’univers de l’enseignement. « Ma mère, professeure d’anglais, me gardait dans sa classe quand j’étais petit. J’ai pris l’habitude de côtoyer ses élèves plus âgés que moi », se remémore-t-il. Mais c’est pour les sciences et particulièrement pour les mathématiques qu’il a manifesté très tôt des dispositions. Il est vrai qu’il a une source d’inspiration directe en la personne de son père, qui enseigne cette discipline. « Je l’ai toujours admiré! Son influence sur moi a été très forte. Je lisais tous les livres qu’il possédait sur les mathématiques. Il »
Compétition et vocation
Le jeune homme suit donc les pas de son père et se dirige vers des études en mathématiques à l’université, où il entre dès l’âge de 16 ans. « L’Université de Yaoundé possède un bon centre de calcul, ce qui m’a permis de découvrir l’univers de l’informatique. Je me suis réorienté vers le génie informatique. Vers la fin de ma formation, j’ai eu l’occasion de prendre part à des compétitions internationales, telles que la compétition Global Social Entrepreneurship, un concours où des équipes interdisciplinaires d'étudiants du monde entier proposent des solutions innovantes visant à réduire la pauvreté dans les pays en développement. Je dirigeais une équipe de trois personnes, m’impliquant dans toutes les phases du développement de la solution, en plus de celle de la conception de la partie logicielle. Mon équipe est arrivée première aux Universiades académiques d’Afrique centrale. J’avais aussi remporté la compétition individuelle à ces mêmes universiades et obtenu la Palme d'or de l'excellence académique dans la catégorie Mathématiques appliquées. Notre victoire nous a qualifiés pour partir un mois aux États-Unis en 2005, à la University of Washington Business School, afin de participer à la compétition Global Social Entrepreneurship. Nous avons remporté la deuxième place sur le podium. C’est à ce moment que j’ai eu la confirmation que le génie informatique était vraiment ma voie. »
De retour au Cameroun, Foutse Khomh obtient son diplôme et entre en 2006 chez Huawei comme ingénieur Datacom. Mais son expérience aux États-Unis lui a laissé un goût durable de la recherche et de l’international, si bien que quelques mois plus tard, il part à l’Université de Montréal entreprendre des études doctorales consacrées à l’assurance-qualité des systèmes, qui seront suivies d’un stage postdoctoral.
Après un séjour à Kingston pendant lequel il a collaboré avec des équipes de recherche de l’Université Queen’s, il commence à enseigner en 2012 à Polytechnique, où il avait déjà donné des cours durant ses études doctorales.
Le secret de l’éternelle jeunesse?
« Je n’avais pas imaginé que je deviendrais un jour professeur; je pensais faire une carrière d’ingénieur. Mais la recherche universitaire me captive bien davantage que le travail en industrie, car rien n’y est répétitif », souligne le Pr Khomh, qui dirige ses travaux dans les domaines de la maintenance et de l’évolution des logiciels, ainsi que l’ingénierie des systèmes intégrant l’apprentissage automatique, et l’intelligence artificielle.
« Les logiciels recèlent toujours leur part d’imprévisibilité. Leur robustesse dépend d’un grand nombre de facteurs, dont les compétences de celui qui instruit le système ou encore le contexte dans lequel le logiciel sera déployé, par exemple. Quand on cherche à assurer la fiabilité d’un logiciel, on ne peut anticiper tous les scénarios d’utilisation et de configuration, ce qui pose des problèmes de modélisation intéressants, et un espace de solutions assez large. Pour trouver des modèles qui tiennent la route, qui sont suffisamment représentatifs de l’environnement réel du système logiciel, et qui peuvent prétendre à une absence de défaillance jusqu’à un certain degré statistique, on construit des abstractions sur lesquelles on peut raisonner. Pour moi, c’est le mariage parfait des mathématiques et d’une application concrète. C’est ce qui me fascine dans mon domaine. »
L’enseignement répond lui aussi à son aspiration au renouvellement perpétuel. « Ma première expérience en enseignement remonte à mes 18 ans, lorsque j’étais chargé de laboratoire. J’étais souvent plus jeune que les étudiants que j’encadrais! Je n’étais pas tellement intimidé, cela dit, car j’avais pris l’habitude de m’adresser à un public grâce aux nombreux concours et olympiades auxquels j’avais participé pendant ma scolarité. Aujourd’hui, chaque fois que la possibilité se présente, je les encourage à participer à des compétitions. Je sais par expérience que le défi de construire une solution dans un laps de temps réduit et le bonheur de la voir fonctionner jusqu’à un certain point constituent une expérience très formatrice.
« J’aime enseigner, je trouve le processus de transmission gratifiant. J’aime particulièrement exposer mes étudiants et étudiantes à des problèmes concrets et observer comment ils développent leur raisonnement. J’ai beaucoup de plaisir à les voir évoluer au fil des mois dans leur appréhension des problèmes et leur recherche de solutions. Aux cycles supérieurs, je suis fier de les voir passer du stade d’étudiants à celui de mes confrères ou consœurs au moment où ils achèvent leur thèse. De plus, tous les ans, j’ai des étudiants ou des étudiantes qui m’apprennent quelque chose par leur façon de construire leur pensée. Faire de l’enseignement et de la recherche, c’est être en situation d’apprentissage permanent, c’est donc l’assurance de conserver la jeunesse! »