Carrefour de l'actualité

Engagée pour la mobilité équitable

Portrait de professeure

Par Catherine Florès
10 juin 2021 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Été 2021)
10 juin 2021 - Source : Magazine Poly
VersionPDFdisponible (Été 2021)

Lauréate du Prix d'excellence en recherche et innovation de Polytechnique cette année, la Pre Catherine Morency s’illustre par les remèdes qu’elle développe avec son équipe pour mieux soutenir la planification des systèmes de transport et des villes dans une perspective de développement durable et contribuer à soigner les villes de la maladie de l’auto solo.

La professeure Catherine Morency

Pre Catherine Morency, lauréate 2021 du Prix d'excellence en recherche et innovation de Polytechnique Montréal

Un intérêt ancré depuis sa jeunesse

À l’âge où l’on placarde des affichess de vedettes sur les murs de sa chambre, Catherine Morency tapissait la sienne avec des plans de métro. Plus tard, quand elle étudiait au baccalauréat en génie civil à l’Université Laval, elle mettait un point d’honneur à utiliser le bus pour se rendre à ses cours au lieu d’emprunter une des autos familiales.  

« Le développement durable m’a toujours tenu à cœur. Je me suis engagée dans divers projets à portée environnementale tout au long de ma scolarité. Mais ma grande préoccupation, c’étaient déjà les impacts des déplacements », se remémore-t-elle. « En fait, dès le cégep, je me voyais en future spécialiste des transports, celle qu’on viendrait consulter quand on se poserait des questions sur le sujet. En revanche, j’ignorais quelle voie pourrait me mener à travailler dans ce domaine. Après mon baccalauréat en génie civil, j’ai été engagée par une firme montréalaise qui m’a incitée à faire une maîtrise. C’est pourquoi je suis entrée à Polytechnique, où j’ai trouvé l’accès à mon domaine de prédilection. »

Indéniablement, Catherine Morency a su réaliser son rêve. Titulaire de la Chaire Mobilité et de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes, elle dirige des travaux interdisciplinaires incontournables pour les autorités de transport. Réputée pour la qualité et la rigueur scientifique de ses travaux, elle est invitée régulièrement à intervenir à des tribunes nationales et internationales sur les enjeux environnementaux et sociaux liés aux modes de déplacement. Récemment, elle a été nommée au Comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement du Québec. Elle siège également aux conseils d’administration de la Société de transport de Montréal et de l’Agence de mobilité durable de Montréal.

Pour un modèle de développement urbain plus équitable

On peut regretter que la possession d’un véhicule personnel reste encore une norme bien établie et, pour beaucoup, un idéal de liberté individuelle, notamment en Amérique du Nord. Toutefois, l’apparition de nouveaux services venus élargir l’offre traditionnelle de moyens de transport (autopartage, véhicules et vélos en libre-service, etc.) pourrait diminuer l’usage de la voiture solo. À condition que les connexions entre tous ces modes soient faciles et accessibles pour les usagers et que leur planification et leur fonctionnement soient cohérents, souligne la Pre Morency.

Que ce soit par l’évaluation et la mise en œuvre de la durabilité en transport, objectif de sa chaire Mobilité, ou par la modélisation des interactions entre les différents modes de transport, objectif de sa seconde chaire, ses projets apportent une compréhension intégrée du rôle des différents modes de transport dans la mobilité quotidienne des personnes, afin d’éclairer les décideurs dans leurs choix de développement urbain et d’offre de transport.

Les projets dirigés par Catherine Morency s’intéressent à toutes les dimensions du développement durable appliqué au transport, particulièrement à la dimension sociale de la mobilité, souvent plus difficile à quantifier. « On observe des inégalités d’accès aux solutions de transport diversifiées, au détriment des milieux les plus vulnérables. Par conséquent, nos travaux proposent de mesurer l’équité des décisions prises en faveur de tel ou tel mode de transport. Nous développons des indicateurs quantifiables pour que les objectifs d’équité soient clairs. Et nous raffinons les méthodes d’évaluation des impacts de ces mêmes solutions sur la santé, l’environnement, la consommation d’espaces, les conditions de déplacement, etc. »

Parmi les collaborateurs de Catherine Morency, des ingénieurs bien sûr, mais également des urbanistes et des économistes, car ses projets font le pont entre les sciences de l'ingénieur et les sciences humaines. « Ce dialogue interdisciplinaire nous permet d’ouvrir les perspectives. Avec leurs outils, les ingénieurs fournissent aux spécialistes de sciences des preuves quantifiées pour fonder leurs opinions. En contrepartie, les ingénieurs apprennent de leurs vis-à-vis des sciences humaines comment adopter une vision plus globale des enjeux. »

Des projets plein la table

L’équipe de la chercheuse s’emploie à plusieurs projets d’envergure, dont un en collaboration avec six sociétés de transport en commun du Québec et le ministère des Transports du Québec, avec l’appui du CRSNG et d’InnovÉE. « Nous développons un logiciel ouvert et très performant, qui permettra de simplifier la planification des réseaux de transport en commun et éventuellement multimodaux. En partageant en ligne le code du logiciel, nous espérons faciliter l’accès aux outils de planification de réseaux de transport. Des projets chauds comme le développement du REM, de la ligne rose, et de la ligne bleue bénéficieront d’une meilleure mesure de leurs impacts à venir sur l’équité, la vulnérabilité des réseaux, etc., et nous souhaitons que cette plateforme soit utile pour clarifier les enjeux liés à l’implantation de nouvelles offres de transport, tant pour les partenaires que pour la collectivité ».

L’équipe a aussi reçu le mandat d’accompagner l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) dans la réalisation de son enquête quinquennale sur les déplacements en 2023. Elle modernisera les outils de collecte de données et soutiendra la méthodologie. Dès lors, l’ARTM disposera d’une connaissance plus fine des habitudes de déplacement de la population.

« Dans une ville, lorsqu’on alloue des ressources (espace, temps ou argent) à un usage particulier, on prive les autres usages de ces ressources. Quelles solutions favoriser dans une perspective de durabilité mais aussi d’accessibilité, d’équité, d’efficacité? Nous développons des outils numériques pour répondre objectivement à ce type de question. »

Par ailleurs, le Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport organisera la 16e Conférence mondiale sur la recherche sur les transports qui se déroulera à Montréal en 2023. La Pre Morency assurera la présidence de cet événement prestigieux, ce qui lui a valu le prix du Palais des congrès de Montréal et des Fonds de recherche du Québec.

Exigence bienveillante

La volonté de Catherine Morency de faire les choses au mieux en observant la plus grande rigueur est manifeste. « Ma mère était rigoureuse et exigeante envers ses enfants. Elle m’a toujours poussée à donner le meilleur de moi-même, m’empêchant de me diriger vers la solution de facilité. Cette exigence fut pour moi un cadre de formation très structurant. En recherche, la rigueur est de mise; de plus, nous avons besoin de la critique et de la mise à l’épreuve de nos idées. Je m’efforce de transmettre à mes étudiants et étudiantes cette exigence de soi. C’est ma responsabilité de professeure de les pousser à se remettre en question. J’attends d’eux la volonté de rechercher les meilleures solutions possible et l’ouverture à apprendre de l’expertise de leurs collègues. Rien ne m’exaspère autant que l’attitude de celui qui croit détenir la solution à l’avance », déclare-t-elle. Et de tempérer : « Je pense sincèrement que les étudiants et les étudiantes qui rejoignent mon équipe veulent changer le monde. Nous formons une équipe très investie, dont la cohésion est reconnue par nos partenaires. Mes collaborateurs ont tous tendance à rester longtemps dans l’équipe. Alors, cela ne doit pas être si terrible de travailler avec moi! »

On ne s’étonnera pas de son goût pour la discipline sportive. Cette ancienne patineuse artistique de haut niveau a également pratiqué le triathlon. À une époque, elle avait lancé un club de course avec ses étudiants pour les aider à se déstresser à la pause du midi.

Des raisons d’être confiante

Les choses ne changent pas aussi vite qu’elle le voudrait, mais Catherine Morency croit aux raisons d’espérer. « On observe un mouvement international pour placer les piétons et les cyclistes au cœur de la planification des villes, remettre celles-ci et leurs réseaux à l’échelle humaine et faire un usage plus sensé des infrastructures. De belles innovations naissent un peu partout. Montréal démontre assurément un leadership en la matière, même si certains de ses quartiers demeurent encore hautement dépendants de l’auto. Plusieurs autres villes, comme Laval ou Drummondville, ont également entrepris une démarche de mobilité intégrée. »

Les rangs des gens à la recherche de solutions dans le domaine des transports grossissent, constate-t-elle. « Les impacts sur l’environnement, les ressources, l’énergie et la qualité de vie sont mieux compris et maîtrisés. Les questions sur ces sujets davantage discutées. » Des discussions qui alimentent de nouveaux projets… « Je suis débordée mais comblée! »

 

À lire aussi

2 mars 2019
Magazine Poly

Agir dès aujourd’hui pour améliorer nos déplacements

5 octobre 2010
NOUVELLES

La Ville de Montréal, l'AMT, le MTQ et la STM s'associent à Polytechnique pour évaluer et mettre en oeuvre la durabilité en transport - Inauguration de la Chaire MOBILITÉ

Mots-clés