
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Du jazz à la fusion
Évoluer

La prochaine fois que vous prendrez le métro de Boston, tendez l’oreille : si vous entendez jouer de la trompette, le musicien pourrait être Elliot Claveau, Po 2014, qui s’adonne à la musique dans ses rares temps libres. Il consacre en effet une bonne partie de son temps à un domaine bien différent : celui de la fusion nucléaire.
C’est un chemin sinueux qui a conduit ce Saguenéen vers un stage postdoctoral en banlieue de Boston, au MIT Plasma Science and Fusion Center, l’un des rares laboratoires universitaires de la planète à développer des technologies liées à la fusion nucléaire. Le diplômé de Polytechnique Montréal en génie aérospatial a poursuivi son parcours d’études sur la côte Ouest américaine, à Seattle, où il a déniché un laboratoire hors de l’ordinaire à l’Université de Washington.
« À la base, je souhaitais faire de la recherche en propulsion spatiale, se souvient le jeune chercheur. Quand j’ai découvert l’avenue de la fusion nucléaire là-bas, j’ai compris que c’était pour moi. Le sujet est complètement futuriste, quasiment de la science-fiction, et ça m’a tout de suite séduit. »
Un procédé à maîtriser
Si vous n’avez jamais entendu parler de « propulsion nucléaire », rassurez-vous, on en est encore au stade des expériences. Il en va de même d’ailleurs pour la « fusion nucléaire », le « graal » de la production d’énergie. Grâce à elle, des scientifiques pensent pouvoir offrir un jour à l’humanité une source d’énergie inépuisable. Mais il y est loin de la coupe aux lèvres.
C’est que plusieurs défis restent à surmonter avant que les humains réussissent à maîtriser ce type de réaction qui fait briller nos étoiles et notre soleil. Au contraire de la fission nucléaire qui alimente les centrales nucléaires grâce à la fragmentation des noyaux de gros atomes, l’énergie par fusion, elle, cherche à fusionner de petits noyaux d’atomes d’hydrogène – les plus petits d’entre tous – de façon à créer de l’hélium. Le procédé requiert de l’énergie au départ, mais devrait théoriquement en libérer encore plus.
« Le défi, c’est d’abord d’amener les atomes d’hydrogène dans un état de plasma pour les libérer de leurs électrons, puis de les forcer à entrer en collision les uns avec les autres pour fusionner », précise le jeune chercheur.
Plusieurs stratégies sont présentement à l’essai pour y arriver. Par exemple, au Lawrence Livermore National Laboratory – celui qui a fait l’objet d’une annonce en janvier dernier –, on mise sur de puissants rayons laser pour chauffer une capsule renfermant les atomes ciblés. Le groupe de recherche d’Elliot Claveau compte plutôt sur un « gyrotron », un outil qui génère des ondes électromagnétiques de très haute puissance avoisinant les 200 à 500 GHz.
« Notre objectif, c’est de créer un accélérateur de particules avec un champ électrique très intense dans un minimum d’espace », indique le diplômé de Polytechnique. Son groupe prévoit y parvenir à l’aide d’un jeu de miroirs. Ces miroirs condensent l’énergie d’une source de 1 MW pour atteindre 30 MW. « C’est comme remplir une baignoire d’eau, lance en riant le chercheur. Mais le vrai défi, c’est d’être capable de tout vider en 9 nanosecondes environ. »
Elliot Claveau raconte ce chapitre de sa vie avec passion, mais se prépare bientôt à tourner la page. « J’ai envie de revenir au Québec un jour, mais peut-être pas dans le milieu universitaire », dit-il, ajoutant être plutôt intéressé par les questions de politiques gouvernementales où il pourrait avoir un impact plus important. Et qui sait, peut-être le croiserons-nous bientôt dans le métro montréalais.
N.B. :
Une conférence donnée par Elliot est diffusée sur la chaîne YouTube du Coeur des sciences de l’UQAM. Il participera aussi au festival Eurêka! à la fin mai.