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Claude Guay, Po 84, génie industriel, PDG d’IBM Canada

Point de vue de diplômé

Par Catherine Florès
4 octobre 2020 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Automne 2020)
4 octobre 2020 - Source : Magazine Poly
VersionPDFdisponible (Automne 2020)

« J’apprends des jeunes ingénieurs autant qu’ils apprennent de moi. »

Claude Guay, PDG d'IBM

Il aurait pu devenir architecte ou gérer une station de ski si, à l’heure d’entrer à l’université, sa passion grandissante pour l’amélioration des processus industriels grâce à l’informatique ne l’avait détourné de ses intérêts de jeunesse. Une passion qui ne l’a plus quitté et qui l’a conduit jusqu’à la tête de la filiale canadienne d’IBM. de sa maison de campagne à Magog, qu’il désigne à la blague comme le « nouveau siège social » d’IBM Canada en ces temps de télétravail généralisé, Claude Guay nous entretient des qualités attendues chez la relève en génie pour accompagner la révolution numérique.

Aujourd’hui, quelles compétences une entreprise telle qu’IBM recherche-t-elle chez les jeunes diplômés en génie?

L’évolution des technologies s’accélère à un rythme tellement rapide que la capacité d’apprendre et d’évoluer avec les technologies devient l’atout premier d’un diplômé. Rappelons-nous que dans cinq ou dix ans, les ingénieurs travailleront à des projets qui n’existent pas aujourd’hui.

Trois technologies, en particulier, sont sur le point de transformer toutes les activités des entreprises : l’intelligence artificielle (IA), la chaîne de blocs (ou blockchain) et, à un peu plus long terme, l’informatique quantique. La première automatisera un grand nombre de tâches réalisées par les humains. La seconde permet de stocker des informations et d'effectuer des échanges de façon décentralisée et sécurisée. Enfin, la troisième promet de pouvoir résoudre des problèmes insolubles pour les ordinateurs actuels. La synergie de ces technologies aura des répercussions profondes dans tous les domaines, même ceux des arts et des sciences humaines. Dans cette industrie de demain, les ingénieurs auront un rôle central. On attendra d’eux non seulement de hautes compétences techniques pour maîtriser les technologies, mais aussi une vision globale des enjeux de l’entreprise et de ses projets.

J’ajouterais qu’à plusieurs égards, le développement et le déploiement planétaire de nouvelles solutions technologiques doivent être abordées comme la gestion d’une entreprise en démarrage à l’intérieur d’IBM. D’où l’importance d’avoir des ingénieurs qui comprennent les différents aspects et défis de l’innovation et qui soient dotés d’un sens entrepreneurial aiguisé.

Quels impacts pourrait avoir, selon vous, la COVID sur l’emploi des jeunes diplômés en génie?

La pandémie aura évidemment un impact économique, mais elle ne touchera pas uniformément toutes les entreprises. Certains secteurs sont en pleine effervescence et leur transformation numérique s’accélère. Ainsi, par rapport à l’an dernier, 20 % de plus de dirigeants déclarent prioriser les domaines de l’infonuagique et de l’IA dans les deux prochaines années. Cela créera des opportunités énormes pour les jeunes ingénieurs.

Que pensez-vous du virage technologique et entrepreneurial résolument pris par Polytechnique?

Constatant les performances de ses diplômés, je pense que c’est un succès. Ces dernières années, j’ai recruté plusieurs diplômés de Polytechnique, dans différentes spécialités de génie. Ils montrent des connaissances pointues sur le plan des nouvelles méthodes et technologies. Ils ont énormément contribué aux nouvelles solutions d’IBM. 

Personnellement, j’apprends des jeunes ingénieurs autant qu’ils apprennent de moi. En 2020, l'attitude du « mandarin » est obsolète !

Sentez-vous que les entreprises sont suffisamment préparées à la révolution numérique annoncée?

Il me semble qu’il y a encore du travail à faire dans un certain nombre d’entre elles. Je crois que la formation insuffisante donnée à leur personnel représente la lacune principale. On dit souvent qu’on manque de main-d’oeuvre qualifiée au Canada, alors qu’il suffirait de la former adéquatement. C’est dans tous les services d’une entreprise qu’il faut aider les gens à s’approprier les approches associées aux nouveaux outils technologiques.

Craignez-vous une fracture dans la société entre ceux qui sauront s’adapter aux changements technologiques et ceux qui ne seront pas suffisamment outillés pour le faire?

C’est une de mes grandes préoccupations. Nous ne pouvons pas laisser une partie de la société derrière nous. Nous devons amener vers les technologies ceux et celles à qui la révolution en cours apporte le plus de défis.

C’est pour cette raison que je crois beaucoup à la pertinence d’initiatives qui encouragent les jeunes filles, ou encore les jeunes issus de milieux peu en contact avec les sciences et les technologies, à développer leur intérêt pour ces domaines et même à en devenir des leaders. Je pense entre autres à STEM for Girls, l’initiative d’IBM qui s’adresse aux jeunes filles sur toute la planète, ou encore à Robotique First, organisme auprès duquel je suis très investi et qui permet à des jeunes d’apprendre de façon ludique des notions de robotique avec des experts de la communauté.

Les jeunes ingénieurs chez IBM sont formidables, ils sont les premiers à s’investir dans ce type de projet auprès des communautés.

Avec ce genre de démarche, je pense aussi qu’on peut amener plus de diversité parmi ceux et celles qui participent à l’évolution de la société. C’est crucial pour la société de demain.
 

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