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Démarrage d’un projet pour réduire l’utilisation des pesticides dans la production de fruits et de légumes
Des chercheurs de Polytechnique Montréal s’attaquent au développement de la prochaine génération de filets d’exclusion pour l’industrie maraichère, et plus précisément celle de la pomme. Grâce à eux, la production de fruits et de légumes pourrait non seulement nécessiter moins de pesticides, mais aussi générer une empreinte carbone minimale.

Les filets d’exclusion seront testés dans le verger expérimental de l’IRDA dans le parc du Mont-Saint-Bruno, au sud de Montréal. (Photo : IRDA)
Les producteurs de fruits et légumes en régie de culture conventionnelle recourent depuis plusieurs années à un arsenal de pesticides pour tenir éloignés les insectes susceptibles d’endommager leurs cultures. Cette façon de faire tend toutefois à changer depuis quelques années avec le développement de nouvelles approches et notre meilleure compréhension des impacts environnementaux des pesticides.
Pour la pomme, par exemple, un nombre grandissant de producteurs s’appuient maintenant sur la confusion sexuelle pour perturber la reproduction d’un ravageur spécifique, le carpocapse de la pomme. En saturant l’air des vergers avec une phéromone qui permet normalement aux mâles de retracer les femelles, les producteurs aveuglent - chimiquement parlant - ces insectes, les rendant incapables de repérer leurs partenaires sexuels. Il en résulte moins d’œufs, donc moins de ravageurs.
D’autres producteurs vont quant à eux utiliser des filets d’exclusion, faits de mailles suffisamment petites pour empêcher les ravageurs de les traverser. Ces filets sont déposés sur les pommiers une fois la période de fécondation des fleurs terminée.
Des filets de plastique biosourcés
Jason R. Tavares, professeur agrégé au Département de génie chimique de Polytechnique Montréal, travaille depuis plusieurs années à améliorer ces filets de protection des cultures, en étroite collaboration avec des chercheurs de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) et de l’Université McGill.
L’équipe a notamment développé des méthodologies uniques pour tester des filets fabriqués à partir de matériaux biosourcés qui sont issus de la biomasse plutôt que du pétrole. Elle a également modifié le comportement de ces matériaux afin de fournir aux producteurs des filets ayant une empreinte carbone quasi nulle et pouvant être réutilisés des années durant.
Le groupe poursuivra sa collaboration au cours des quatre prochaines années avec le projet DeNETer, en référence à Déméter, déesse de l’agriculture et des moissons chez les Grecs de l’Antiquité. En collaboration avec l’entreprise québécoise Dubois Agrinovation et le fabricant français de textiles techniques MDB Texinov, les chercheurs tenteront de mettre au point des filets modifiés en surface pour altérer leur mouillabilité. Ils les combineront également à des émetteurs recouverts de composés bioactifs, notamment des phéromones ou des répulsifs.
« Si on y arrive, les filets d’exclusion deviendront encore plus efficaces en combinant l’exclusion "mécanique" des insectes à un effet répulsif ou à la confusion sexuelle », explique Pr Tavares. « Cette combinaison permettra d’adapter les filets au type de culture à protéger en ciblant des ravageurs bien précis. »
Jason R. Tavares, professeur agrégé au Département de génie chimique.
Son équipe se chargera d’établir quels sont les meilleurs paramètres à adopter pour imprégner les molécules à la surface des émetteurs, tout en s’assurant qu’elles soient diffusées progressivement au cours d’une saison de production. La marge de manœuvre est faible puisque ces molécules agissent à l’état naturel à des doses infimes de l’ordre des parties par milliard (ppb) ou même par parties par billion (ppt)! « La caractérisation et la reproductibilité sont les plus gros défis à relever à ces échelles! », confie le chercheur.
L’équipe de l’Université McGill contribuera au projet avec sa vaste expertise en synthèse et en manipulation des polymères biosourcés servant à la fabrication des filets. Les filets et émetteurs sur mesure conçus par le groupe seront ensuite testés dans le verger expérimental de l’IRDA, situé dans le parc national du Mont-Saint-Bruno, au sud de Montréal.
Selon MarieChantal Chassé, députée de Châteauguay et adjointe parlementaire du ministre de l’Économie et de l’Innovation (volets innovation et entrepreneuriat), le secteur des matériaux avancés constitue un vecteur de croissance pour le Québec. « Ayant moi-même été formée en ingénierie des matériaux et étant responsable de dossiers d’innovation en agroalimentaire, je suis heureuse de cette initiative transatlantique qui contribue à accroître la compétitivité des entreprises et à renforcer les partenariats entre le monde des affaires et celui de la recherche », précise-t-elle.
« Le projet DeNETer est un bel exemple de collaboration qui a mené à la mise au point d’une solution hautement innovante dans le secteur de l’agriculture. Le gouvernement du Québec soutient cette initiative, puisqu’elle favorisera notamment la protection des cultures dans une perspective de développement durable et écologique. »
420 000 dollars répartis sur 4 ans
Le projet s’appuie sur un budget de recherche d’un peu plus de 420 000 dollars répartis sur quatre ans. Il bénéficie de l’appui du Centre de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec (MEI), via le Pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés (PRIMA) du Québec, et du Centre de recherche sur les systèmes polymères et composites à hautes performances (CREPEC).Il permettra notamment de former une stagiaire postdoctorale (Adya Karthikeyan), un étudiant au doctorat (Darius Klassen) ainsi qu’une étudiante ou un étudiant à la maîtrise qui reste à recruter. Des stagiaires et deux professionnels de recherches bénéficieront aussi de cet appui.
En savoir plus
Fiche d’expertise du professeur Jason R. Tavares
Site du Département de génie chimique
Communiqué annonçant le projet
Page du verger expérimental de l’IRDA
Fiche d’expertise de Gérald Chouinard (IRDA)
Fiche d’expertise de Marie-Josée Dumont (Université McGill)