
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Une molécule à la fois
Rencontre avec de nouveaux professeurs

Un jour, on pourrait vous greffer un capteur aux allures de microscope miniature pour scruter en continu certains aspects de votre santé. Avant d’en arriver là, Lucien Weiss, professeur adjoint au Département de génie physique à Polytechnique Montréal, espère d’abord proposer aux chercheurs et aux cliniciens de nouvelles stratégies pour améliorer des traitements. Le tout, en misant sur des microscopes capables de visualiser… une seule molécule à la fois!
À l’intérieur de chacune des cellules de nos corps, des protéines aux fonctions bien précises se déplacent, formant des complexes avec leurs semblables ou interagissant avec d’autres pour leur communiquer un message. Pendant longtemps, les chercheurs s’en remettaient à des techniques éloignant les cellules de leur contexte naturel pour étudier ces protéines, mais les choses ont changé dernièrement.
Le raffinement des techniques d’imagerie en microscopie, couplé au traitement des images par des algorithmes permet désormais de visualiser une seule molécule à la fois à l’intérieur des cellules. Une possibilité qui permet d’entrevoir une meilleure compréhension des phénomènes biologiques qui se trament dans nos cellules, et qui ouvre aussi la porte au développement de nouveaux outils cliniques.
C’est ce que croit le Pr Weiss qui s’est joint à l’équipe de Polytechnique Montréal en août 2021. « L’un de nos objectifs est d’utiliser cette technique pour analyser des échantillons à un haut débit, explique le professeur. Au lieu d’analyser le contenu d’un groupe de cellules, on veut les étudier séparément, une après l’autre. » Pareille approche s’avérerait utile, par exemple, pour sélectionner des agents de chimiothérapie. Présentement, les chercheurs effectuent ce travail par des tests biochimiques qui nécessitent qu’on brise des milliers de cellules pour en analyser le contenu. En observant directement à l’aide d’un microscope l’impact moléculaire du traitement sur chaque cellule – soit des dommages à l’ADN dans ce cas-ci –, on obtiendrait une lecture précise de l’effet thérapeutique de ces molécules.
« Toutes les cellules d’un échantillon ne vont pas nécessairement réagir de la même façon, explique le Pr Weiss. En analysant les cellules séparément, on pourra s’assurer, par exemple, qu’une molécule provoque un effet homogène sur les cellules. »
« C’est une technique qui s’avère plus verte aussi d’une certaine façon, parce qu’elle requiert moins de réactifs que les techniques utilisées aujourd’hui en laboratoire pour effectuer les tests biochimiques », ajoute le professeur originaire des États-Unis.
Rendre les expériences plus « vertes »
Ce souci de développer des techniques durables du point de vue de l’environnement constitue d’ailleurs l’un des piliers des travaux que le Pr Weiss entend mener à Polytechnique Montréal. « Présentement, dans les laboratoires de biologie, on emploie beaucoup d’outils à usage unique pour éviter que les produits utilisés dans l’expérience ou le test précédent viennent contaminer la nouvelle procédure, dit-il. On aimerait pouvoir offrir des options autonettoyantes. »
Pour y arriver, il prévoit incorporer la microfluidique à ses outils. Cette approche tire avantage d’un contrôle précis de l’écoulement d’un liquide dans des canaux larges d’à peine quelques micromètres de diamètre.
« Une grande partie de notre travail consiste en fait à trouver comment on pourrait transposer des expériences qui se font déjà dans le laboratoire, mais en se servant de la microfluidique pour utiliser un minimum de produits réactifs », ajoute-t-il.
Le chercheur multiplie actuellement les collaborations. Avec une équipe basée à Londres, il mène notamment un projet visant à découvrir de nouveaux marqueurs de la démence dans des échantillons de cerveau de personnes décédées. Il espère aussi profiter de la forte concentration d’hôpitaux universitaires à Montréal, ainsi que de la présence ici d’expertises en optique et en intelligence artificielle pour accélérer le développement de ses outils.
Dans plusieurs années, il compte aussi contribuer à la création de dispositifs de santé portables. « Mais ça, c’est un objectif encore très lointain, admet-il. Il nous faudra miniaturiser plusieurs outils pour y arriver. »