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Solution énergétique d’avenir pour bâtiments frileux

Par Catherine Florès
1 décembre 2023 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Automne 2023)
1 décembre 2023 - Source : Magazine Poly
VersionPDFdisponible (Automne 2023)
Professeur Philippe Pasquier
Pr Philippe Pasquier, titulaire de la Chaire de recherche en géothermie sur l’intégration des PCP dans les bâtiments institutionnels.


Nos bâtiments pourront-ils rapidement fermer leurs portes aux énergies fossiles? Face à cet enjeu de taille – au Canada, le secteur des bâtiments constitue le troisième plus gros émetteur de gaz à effet de serre – se profile une solution plus que prometteuse : le chauffage et la climatisation par puits à colonne permanente (PCP). Cette technologie de géothermie de basse température, encore peu connue au Canada, offre des avantages incontestables en termes de performance et d'adaptation en milieu urbain.

Au Québec, la Chaire de recherche en géothermie sur l’intégration des PCP dans les bâtiments institutionnels dirigée par le Pr Philippe Pasquier, du Département des génies civil, géologique et des mines, détient la plus grande expertise dans le domaine. Elle développe des solutions susceptibles de faire tomber les freins à l’adoption à grande échelle des PCP.

Une technologie performante à faire reconnaître

Les PCP tirent parti de la stabilité thermique annuelle de l'eau souterraine qu’ils utilisent comme fluide caloporteur. D’une profondeur de 100 à 500 mètres, ils exigent moins d'emprise au sol et surpassent en performances les puits à boucle fermée classiques, qui dominent largement le paysage géothermique canadien, représentant 90 % des installations.

« La réalisation d'un PCP se révèle bien plus économique que celle d'un puits à boucle fermée conventionnel, compte tenu de sa performance thermique trois à cinq fois supérieure. Dans des conditions optimales, il faut dix fois moins de PCP que de puits conventionnels pour couvrir un même besoin de chauffage. Les PCP représentent ainsi une solution adaptée aux besoins de chauffage et de climatisation des bâtiments construits dans les environnements urbains », rapporte Philippe Pasquier.

Pourquoi cette technologie n’est-elle pas implantée davantage? « Elle l’est aux États-Unis depuis les années 80, précise le Pr Pasquier, citant l’exemple de la cathédrale Saint-Patrick, à Manhattan, chauffée par PCP. Cependant, au Canada, des interrogations persistent en termes de compréhension du fonctionnement des PCP en climat nordique, et leur impact sur la qualité des eaux souterraines suscitent des inquiétudes. De plus, il existe un besoin non comblé d'outils de conception et de contrôle, ainsi que d’expertises, chez les entreprises et opérateurs de bâtiments. »

Les ingénieurs retournent à l’école

L’équipe du Pr Pasquier, qui réunit presque une trentaine d’étudiants de tous les cycles, développe des méthodes et des outils alimentés par des données probantes, issues de trois projets de démonstration en cours de réalisation avec les partenaires de la chaire, dont Hydro-Québec, Ressources naturelles Canada, les centres de services scolaire des Mille-Îles, de Montréal et des Samares, ainsi que les entreprises VersaProfiles et Marmott Énergies.

Les projets de démonstration sont implantés dans des écoles, à Mirabel, dans l’est de Montréal ainsi qu’à Joliette. Un choix stratégique, car les établissements scolaires, obligés d’abandonner le gaz ou le mazout, contribuent à l’augmentation de la demande en hydro-électricité et à la hausse des appels de puissance en période de pointe qui préoccupe Hydro-Québec.


Résultats probants

Le projet à Mirabel a déjà fourni des données d’opération pour un hiver complet. Leur analyse montre une réduction de 70 % de l’appel de puissance en période de pointe et une réduction d’environ 50 % de la consommation d’électricité. « L’opération du système géothermique est maintenant optimisée, alors nous nous attendons à ce que les économies d’énergie atteignent au moins 65 % les prochains hivers », annonce le Pr Pasquier. Les résultats obtenus avec les projets de démonstration soutiennent également les modèles développés par la chaire pour le calcul des transferts de chaleur et des écoulements d’eau souterraine dans le roc.

Lors du gala des Prix canadiens du génie-conseil 2023, ce même projet s’est vu décerner le Prix d’excellence ainsi que le Prix Breton de l’intendance environnementale. Il a aussi reçu un des Grands Prix du génie-conseil québécois 2023.

Un intérêt industriel manifeste

Depuis sa création il y a quatre ans, la chaire observe un retentissement notable de ses travaux dans le monde industriel. En l'espace de deux ans, près d'une dizaine de projets commerciaux ont vu le jour.

« Il faudra encore quelques années pour que le transfert d’expertise puisse répondre à la demande des entreprises. Mais nous constatons déjà l’effet levier de nos diplômés dans le déploiement de la technologie », mentionne Philippe Pasquier.

La notion de temps est cruciale pour le chercheur et son équipe, attachés à avoir un impact rapide sur la société. « En matière d’énergie, nous n’avons pas le luxe aujourd’hui de faire de la recherche à long terme. »
 

En bref
 

  • La technologie de chauffage et de climatisation par puits à colonne permanente (PCP) se présente comme une solution prometteuse au Canada pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur des bâtiments, le troisième plus grand émetteur dans le pays.
     
  • La Chaire de recherche en géothermie sur l'intégration des PCP dans les bâtiments institutionnels, dirigée par le Pr Philippe Pasquier, détient une expertise majeure dans le domaine. Ses projets de démonstration réalisés avec des partenaires tels qu'Hydro-Québec et Ressources naturelles Canada, montrent des résultats probants, notamment une réduction significative de la consommation d'électricité et de l'appel de puissance en période de pointe.

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