
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Gestion des sites industriels : la clé du saule

© Radio-Canada / Bruno Giguère
Pour Xavier Lachapelle, le saule est plus qu'un arbre, c'est une solution environnementale d’avenir. Directeur des phytotechnologies chez Ramo, il aborde la façon de gérer les eaux usées industrielles et les terrains contaminés avec la rigueur méthodique d'un ingénieur et l'audace d'un pionnier de l'écologie industrielle.
De la banque à la terre
Après un baccalauréat en finances et deux ans dans le secteur bancaire, l’envie de projets concrets de transformation des milieux le réoriente vers le génie civil, à Polytechnique Montréal. « Je me destinais aux structures, mais un stage en construction m'a fait réfléchir. Je me demandais si on ne pouvait pas concevoir des solutions plus durables que l'enrochement pour protéger des terrains », confie-t-il.
La découverte des travaux du Pr Yves Comeau sur l'utilisation de végétaux pour l’assainissement des eaux usées est une révélation. Son parcours prend alors un tournant décisif. « J'ai décroché un stage UPIR dans l’équipe du Pr Comeau dans un projet portant sur l'assainissement des eaux grâce aux saules. À la suite de ce stage, j’ai plongé dans un bac-maîtrise intégré, sous la direction conjointe du Pr Comeau et du Pr Michel Labrecque, spécialiste du fonctionnement physiologique des végétaux à l'Université de Montréal. »
Cette formation fournit à Xavier Lachapelle une vision interdisciplinaire des phytotechnologies, ainsi qu’un lien solide développé avec une PME partenaire de son projet de maîtrise. Cette entreprise, dont l’équipe se limite alors à une douzaine de personnes, cultive des saules et exploite une technologie scandinave de fabrication de panneaux antibruit à partir de tiges de saule et cherche à diversifier ses filières.
En 2017, fraîchement diplômé de Polytechnique, M. Lachapelle tourne le dos à une carrière en génie-conseil pour rejoindre cette PME siégeant à Saint-Roch-de-l'Achigan. « Je voulais continuer à innover pour l’environnement, pas appliquer des solutions standard de génie civil. » Le pari s'avère gagnant : deux ans plus tard, il devient associé et bâtit la division gestion des eaux de l’entreprise, qui prend le nom de Ramo. Aujourd’hui dotée d’une équipe de plus de 90 personnes, celle-ci déploie son expertise unique de dépollution de sites industriels et miniers par les saules jusque dans l’Ouest canadien.
Quand l’ingénierie et la nature collaborent
« Le saule possède des caractéristiques biologiques exceptionnelles qui en font un allié de choix pour l'ingénierie environnementale. Ses plantations permettent de réduire les volumes d'eau dans les systèmes d'irrigation contrôlée », explique Xavier Lachapelle. Cet arbre agit comme une « pompe naturelle », absorbant l'eau du sol par ses racines avant de la rejeter dans l'atmosphère par transpiration. Un hectare de saules peut ainsi traiter jusqu'à 30 000 litres d'eau quotidiennement dans des conditions optimales, réduisant significativement les volumes à gérer par les stations conventionnelles.
Un autre avantage majeur réside dans la capacité des saules à absorber l'azote présent dans les eaux industrielles, l'utilisant comme nutriment pour leur croissance. Ils peuvent aussi piéger dans leur biomasse les contaminants dans le sol.
La croissance rapide de ces végétaux offre un bénéfice supplémentaire. Après trois ans, Ramo peut récolter la biomasse produite pour l'utiliser de différentes façons, notamment comme amendement organique pour restaurer des sols dégradés.
« Nos solutions ne remplacent pas les stations de traitement des eaux, mais elles leur sont complémentaires et allègent leur charge », indique M. Lachapelle.
Étonnamment, le plus grand défi de Ramo n'est pas technique, mais réglementaire : le casse-tête de l'obtention des autorisations de projets auprès du ministère de l'Environnement, confie Xavier Lachapelle. « Comme notre technologie est récente, nous devons remplir beaucoup de dossiers pour la faire reconnaître. »
Il constate cependant que les phytotechnologies gagnent du terrain. « C'est un domaine prometteur, dont les preuves mesurables d’efficacité attirent de plus en plus l’intérêt des industriels et des firmes de génie. »

Un lien nourri avec Polytechnique
L’équipe de M. Lachapelle compte plusieurs diplômés de Polytechnique, qui contribuent à l'expertise multidisciplinaire de l’équipe de Ramo. « Nous accueillons régulièrement des stagiaires de Polytechnique », ajoute-t-il.
Pour réussir dans son domaine émergent, l’ingénieur souligne l'importance de la curiosité, de l’ouverture d'esprit et de l’envie de collaborer avec des professionnels d'autres domaines. Des valeurs qu'il a à cœur d’incarner et de transmettre à son équipe.