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De nouvelles perspectives pour la supraconductivité

Par Catherine Florès
15 mai 2023 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Été 2023)
15 mai 2023 - Source : Magazine Poly
VersionPDFdisponible (Été 2023)
Cofondateurs de Conducteurs Boréal inc., Christian Lacroix et le professeur Frédéric Sirois
Le professionnel de recherche Christian Lacroix et le PFrédéric Sirois, du Département de génie électrique, cofondateurs de Conducteurs Boréal inc. (Photo : Blanches Bulles)


Qu’ont en commun les réacteurs à fusion nucléaire, les accélérateurs de particules et les trains à lévitation magnétique? Ces technologies font toutes appel aux supraconducteurs, ces matériaux qui, lorsqu'ils sont refroidis en dessous d’une température critique, sont capables de conduire l’électricité sans aucune résistance et peuvent ainsi transporter du courant électrique à des densités extrêmement élevées sans perte d’énergie. Par contre, l’un des enjeux des fils supraconducteurs reste leur vulnérabilité aux points chauds. Un point chaud apparaît lorsque la température locale du fil augmente très rapidement au-delà de sa température critique, ce qui lui fait perdre localement ses propriétés supraconductrices et peut engendrer une détérioration de tout le système. La gestion des points chauds dans les rubans supraconducteurs représente un frein à leur utilisation pratique. Cependant, grâce au projet de deux chercheurs du Département de génie électrique de Polytechnique, le Pr Frédéric Sirois et le professionnel de recherche Christian Lacroix, une solution pourrait prochainement changer la donne.

DES ANNÉES DE MATURATION DU CONCEPT

« Il y a 13 ans, j’accueillais Christian dans mon laboratoire pour un projet postdoctoral visant à augmenter la robustesse de fils supraconducteurs sous forme de rubans en couches minces destinés à des applications dans le domaine de l’énergie. Le concept nous a paru prometteur, nous avons décidé de poursuivre son développement », évoque Frédéric Sirois.

Au cours des années, leur concept a suscité l’intérêt de la communauté scientifique et de certaines industries à travers le monde. Il s’agit d’un procédé permettant d’accélérer la détection des points chauds, en répartissant rapidement la chaleur sur toute la longueur du ruban. « Notre procédé peut s’appliquer sur presque tous les types de rubans supraconducteurs actuellement commercialisés », ajoute le Pr Sirois.

PRENDRE LA PRODUCTION EN MAIN

Les deux chercheurs ont continué à faire mûrir leur projet pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’ils soient invités à participer au projet européen Horizon 2020 (FASTGRID), ce qui leur a permis d’amener leur solution à un stade proche de la production industrielle. « Nous avons tenté de la transférer chez les manufacturiers de rubans supraconducteurs, mais, malgré leur intérêt, ceux-ci restaient frileux devant le risque d’intégrer à leur procédé de fabrication déjà complexe cette toute nouvelle technologie, rapporte Christian Lacroix. Néanmoins, le fort intérêt envers notre solution nous a décidés à créer Conducteurs Boréal inc., afin de l’appliquer nous-mêmes aux rubans supraconducteurs commerciaux, à petite échelle, dans un premier temps. Nous travaillons étroitement avec Polytechnique par l’entremise de stages Mitacs afin de continuer à dérisquer certaines étapes du procédé avant que notre entreprise investisse dans une infrastructure de production. »

Le binôme a participé l’an dernier au Parcours entrepreneurial en technologies propres offert par Propolys, l’incubateur d’entrepreneurs en technologie de Polytechnique. « Cela nous a permis d’approfondir certains aspects de l’entrepreneuriat et, surtout, d’échanger avec d’autres entrepreneurs, mentionne le Pr Sirois. Axelys nous a également aidés de façon précieuse en nous faisant découvrir des programmes gouvernementaux de financement et en nous aidant à monter les dossiers. »

VERS UNE MISE À L’ÉCHELLE INDUSTRIELLE

Le Pr Sirois et M. Lacroix ont démarré des projets de démonstration avec des partenaires d’envergure, notamment le Lawrence Berkeley National Laboratory, qui dirige le programme américain de développement d’électro-aimants supraconducteurs du futur. Leur entreprise demeure incubée à Polytechnique, mais l’intérêt démontré par plusieurs joueurs crédibles est un atout majeur pour obtenir le capital nécessaire au développement de leur infrastructure de production dans un horizon assez proche. « Le marché des supraconducteurs est encore restreint, mais nous nous attendons à son explosion dans les prochaines années, notamment avec la demande pour les électro-aimants à très fort champ magnétique pour la fusion nucléaire », déclare Christian Lacroix.

Outre ces perspectives commerciales prometteuses, les deux chercheurs se réjouissent du potentiel d’impact élevé de leur technologie, qui devrait faciliter l’avènement d’une nouvelle génération d’électro-aimants pour les accélérateurs de particules tels que celui du CERN, d’appareils pour l’imagerie à résonance magnétique plus performants ou encore le développement de nouveaux réacteurs à fusion nucléaire compacts qui constitueraient une source d’énergie propre et durable.

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