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Conçu dans les années 1980 en réaction aux dommages causés à l’environnement naturel et humain par des modèles de développement irrespectueux des limites des systèmes, le concept de développement durable résulte de plus de 40 ans de réflexions et d’analyses. La Commission mondiale sur l’environnement et le développement (CMED) le définit comme « un développement qui répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». De nombreux secteurs de la société ont accaparé ce concept, chacun le mettant en valeur selon sa propre vision du monde et des affaires. Cette appropriation s’explique en partie par le compromis que le concept établit entre développement et environnement, ou encore parce que la CMED est demeurée vague sur les degrés d’attention à porter à chacune des dimensions du développement durable.
Entre le Sommet de Stockholm (1972) et celui de Johannesburg (2002), le monde a connu d’importants changements qui ont rendu plus harmonieuses les relations entre le développement et l’environnement : adoption de lois pour lutter contre la pollution et d’une réglementation afférente, mise en place des structures et développement des capacités locales en matière de gestion de l’environnement et de développement durable, élaboration d’un nouveau mode de gouvernance fondé sur la participation, la transparence et la responsabilité aux échelles tant mondiale que locale, transformation des modes de production industrielle s’orientant de plus en plus vers la réduction à la source des ressources et la mise en valeur des matières résiduelles, élaboration et mise en application de plans d’action environnementale et d’Agendas 21 nationaux et locaux ainsi que création de postes de commissaires à l’environnement et au développement durable. Depuis 1970, l’évaluation environnementale, en particulier l’ÉIE, a fait sa place dans les lois nationales et dans les conventions internationales. Elle figure parmi les outils reconnus et essentiels permettant de tendre vers un développement durable.
Un impact sur l’environnement ne se limite pas à la seule valeur du changement d’un indicateur environnemental du milieu biophysique ou humain. L’évaluation de l’impact doit aussi mettre cette grandeur en relation avec le milieu d’insertion dans ses composantes spatiales et temporelles, ce qui permet de lui accorder une importance, et prendre en compte la signification qu’attribuent les différents publics aux incidences anticipées ainsi qu’à l’évaluation scientifique de leurs conséquences. En raison principalement de ces deux dernières composantes, l’évaluation des impacts relève du jugement des individus et, de ce fait, est empreinte d’un certain degré de subjectivité.
Par ailleurs, si la définition de l’environnement ne fait pas consensus, elle fait référence à un système complexe de composantes naturelles et humaines qui créent des milieux dynamiques qui, d’une part, assurent le maintien des systèmes naturels par la dynamique écologique et, d’autre part, contribuent au bien-être des communautés par la fourniture d’un ensemble de biens et services, entre autres de nature économique, affective, culturelle et cultuelle.
Composante de l’évaluation environnementale, l’ÉIE est un processus qui rend les projets plus acceptables du point de vue de l’environnement. Elle émerge d’un ensemble de préoccupations sociales et environnementales à l’échelle tant nationale qu’internationale. S’insérant dans un processus de planification d’un projet, elle vise à éviter que ne survienne une dégradation de l’environnement au profit d’un développement économique ; elle n’agit pas comme un frein au développement, mais plutôt comme un outil reconnu pour assurer une meilleure intégration des projets au milieu et pour contribuer à l’atteinte d’un développement durable. L’ÉIE a connu une progression fulgurante à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, une loi-cadre de protection de l’environnement et un décret d’application régissant les ÉIE ont été mis en place par près de 90 % des gouvernements membres de la Francophonie.
En combinant les différents processus d’évaluation environnementale (ÉES, ÉIE, SGE) en un système intégré et cohérent, nous serons à même de prendre en compte l’environnement sous ses différentes dimensions, tant biophysiques que sociales et économiques, des choix de développement et de planification à la gestion courante des organisations. L’application d’un système intégré d’évaluation environnementale devrait conduire à des décisions et à des actions de moindre impact, favorisant ainsi l’atteinte d’un développement durable.
Le présent chapitre passe en revue les phases du processus, depuis l’avis de projet ou la notice d’évaluation préalable, sur lequel se fonde le tri préliminaire, jusqu’à la surveillance et au suivi du projet, qui suit la décision.
Le tri préliminaire est la phase au cours de laquelle on détermine le besoin et, éventuellement, l’ampleur de l’ÉIE à réaliser. Plusieurs approches conviennent à cette phase : l’approche par catégories, l’approche discrétionnaire et l’approche mixte. Les mécanismes employés comprennent les listes d’inclusion et d’exclusion, les critères généraux, les analyses cas par cas et finalement une combinaison des approches par catégories et discrétionnaire. Au terme du tri préliminaire, on aboutit à l’un de trois résultats : le projet ne demande pas d’ÉIE, car les impacts ne sont pas significatifs ; le projet demande une ÉIE réduite, car les impacts sont connus et faciles à atténuer ; le projet exige une ÉIE approfondie afin de mieux connaître les impacts et de les gérer.
Le cadrage permet de concentrer les efforts de l’ÉIE sur les enjeux environnementaux les plus importants. En général, on privilégie une approche ouverte et transparente pour les projets d’envergure. La phase de cadrage se termine par la production d’une directive spécifique au projet (termes de références).
Ce document définit le contenu, l’étendue, l’ampleur et la structure des études à réaliser. Il sert de base à l’élaboration du cahier des charges (devis) à respecter lors de la réalisation de l’ÉIE. Il faut noter que certains pays ont élaboré des directives générales ou sectorielles par type de projets ou grands secteurs de développement pour guider les maîtres d’ouvrage. Toutefois, pour qu’on puisse les appliquer, ces directives doivent tenir compte des contextes juridique, naturel, social et culturel spécifiques à chaque projet.
Une fois qu’il dispose des directives, le maître d’ouvrage procède à la réalisation de l’ÉIE puis à la rédaction du rapport. Un rapport type traite des éléments suivants : la justification du projet, la définition des options étudiées, la définition du périmètre d’étude, la description de l’environnement, l’analyse des impacts, les mesures d’atténuation ou de compensation proposées, ainsi qu’une proposition de programmes de surveillance et de suivi. L’analyse des impacts comporte plusieurs étapes dont la description de l’état futur du milieu ainsi que l’évaluation de la grandeur, de l’importance et de la signification des impacts. Les mesures d’atténuation, qui permettent de réduire les impacts négatifs, ou celles d’amplification, qui permettent d’accroître les impacts positifs, sont vitales pour une acceptation sociale du projet. De même, il peut s’avérer nécessaire de prendre certaines mesures compensatoires.
Une fois le rapport d’ÉIE produit, les examens technique et public permettent d’en évaluer la conformité et d’apprécier la qualité du travail effectué. Le ou les rapports ou avis qui en émergent font état de l’appréciation qu’en ont faite les unités d’examen, indiquent si une information complémentaire est requise et établissent les conditions de l’éventuelle autorisation. Vient enfin la décision, qui sera généralement assortie de conditions.
La surveillance et le suivi du projet s’insèrent dans la phase de construction et d’exploitation.
Ils visent à s’assurer que le maître d’ouvrage respecte ses engagements et ses obligations durant tout le cycle du projet.
Nous avons souligné tout au long de ce chapitre la nécessité d’impliquer le public d’un bout à l’autre du processus d’ÉIE. Si force est d’admettre que l’ÉIE est d’abord un exercice scientifique, elle constitue aussi, dans une large mesure, un exercice sociopolitique. Nous examinerons dans les prochains chapitres les quatre grandes catégories d’acteurs qui interagissent dans ce contexte, à savoir le maître d’ouvrage, le public, le décideur et les organisations internationales.
Le maître d’ouvrage met en branle le processus d’ÉIE lorsqu’il annonce sa volonté de réaliser un projet déterminé en un lieu spécifique. C’est à lui que revient généralement la réalisation de l’ÉIE. S’il ne peut le faire, en partie ou en totalité, il fait appel à un bureau d’étude. Dans la majorité des pays, la sélection d’un bureau d’étude revient au maître d’ouvrage, qui en assume également les coûts. Pour atténuer les problèmes que peut susciter cette dépendance, certains gouvernements ont institué une procédure d’agrément qui vise, d’une part, à s’assurer de l’absence de lien entre la firme retenue et le maître d’ouvrage et, d’autre part, à exercer un contrôle sur la qualité des études qu’elle réalise, ce contrôle pouvant aller jusqu’au retrait du droit d’exercice. De plus, il y a une tendance à la certification des professionnels d’ÉIE. Cette reconnaissance favorise une pratique respectueuse de l’éthique et de la déontologie, ainsi qu’un accroissement de la confiance du maître d’ouvrage ou d’un bureau d’étude envers ceux qu’il engage.
Le maître d’ouvrage évolue dans un environnement décisionnel complexe composé de facteurs endogènes et exogènes; les premiers relèvent directement de l’organisation (le profit, son leadership environnemental, le degré de risque ou de danger qu’elle est prête à accepter et sa responsabilité sociale et environnementale), alors que les seconds proviennent de l’extérieur de l’entreprise (les lois et règlements, les assurances, les actions gouvernementales, la responsabilité des dommages et l’opinion publique). Les décisions rationnelles suivent donc une pondération de ces facteurs par les administrateurs selon des critères souvent peu explicites.
La fonction environnement est rarement dominante dans une entreprise. En général, il s’agit d’une unité connexe aux questions de santé et de sécurité, située sur le même échelon que les unités responsables de la construction, des ressources humaines, des achats ou des opérations, et parfois sur un échelon inférieur. Par ailleurs, on retrouve souvent des professionnels de l’environnement au sein des autres unités. Le bon fonctionnement de l’entreprise en matière d’environnement repose sur la reconnaissance de l’environnement dans une politique d’entreprise, sur des relations informelles qu’entretiennent entre eux les différents professionnels de l’environnement, mais aussi sur la responsabilité de tous les employés et la mise en place d’un système de gestion environnementale.
Malgré une critique de l’ÉIE fondée sur l’expérience (procédure trop longue et laborieuse, études exhaustives et encyclopédiques, débordement fréquent des discussions au sujet du projet sur des débats de société), l’ÉIE présente de nombreux avantages pour le maître d’ouvrage : un gain de temps pour l’approbation du projet, une amélioration de l’image de l’entreprise auprès des employés et du public, une réduction des situations conflictuelles et bien d’autres encore. Une plus grande adhésion des entreprises à l’évaluation environnementale repose donc sur un meilleur marketing des avantages économiques, humains et biophysiques de la prise en compte de l’environnement dans ses décisions, ainsi que sur l’adoption de procédures plus souples, aux délais mieux définis et adaptées aux différents contextes.
Le public est un acteur aux préoccupations multiples qui soit subit les impacts du projet sur le milieu biophysique et humain, soit en bénéficie. On distingue généralement le public touché par le projet, et le public intéressé, qui ressent assez d’intérêt dans le dossier pour intervenir. Le public touché s’inquiète le plus souvent des effets à court terme dans un espace se limitant en général au voisinage ou au quartier, alors que l’intervention du public intéressé portera plutôt sur le moyen et le long terme et s’appliquera à de plus grandes échelles dans l’espace. Les personnes ou les groupes qui composent le public se distinguent par leur nature, leurs intérêts, leurs préoccupations, leur engagement et leurs modes d’action. La composition du public le plus actif et ses préoccupations évoluent tout au long du cycle d’un projet. Il en est de même des situations conflictuelles qui se manifestent.
Il ne faut pas sous-estimer les individus touchés, les groupes spontanés et les communautés locales, car le projet s’insère dans leur espace de vie, un espace qu’ils connaissent mieux que quiconque. La perception et l’interprétation de cet espace varient en fonction de la capacité sensorielle des individus et d’un ensemble d’autres facteurs individuels dont la mémoire, la personnalité, le vécu social et culturel, la connaissance des systèmes biophysiques et humains, les facteurs physiologiques et psychologiques. Chaque individu ou groupe a sa propre représentation du projet qu’il confronte à ses objectifs ou à ses visions de son espace de vie avec ou sans le projet. C’est l’appréciation individuelle ou collective de l’écart entre ces représentations, pondérée par une prise en compte des contraintes ou des motivations à l’action, qui mène à la décision d’adopter des comportements en faveur ou en défaveur du projet. S’il y a volonté d’agir, l’individu ou le groupe peut choisir parmi un répertoire d’interventions allant de l’action populaire et l’action judiciaire, jusqu’à la désobéissance civile et au terrorisme écologique. Ce répertoire croît par ailleurs avec la permanence des groupes.
Le public, tant touché qu’intéressé, défend des intérêts légitimes fondés sur des préoccupations de santé, de sécurité, de protection de ressources, de paysages ou d’écosystèmes. Ces intérêts reflètent les valeurs de la société. La participation du public aux diverses étapes du processus d’ÉIE s’avère essentielle à une véritable protection de l’environnement. Il revient aux promoteurs, aux bailleurs de fonds et aux gouvernements de s’assurer de la participation juste et équitable de toutes les catégories de public, sans en marginaliser une seule.
Détenteur de l’autorité, le décideur est la personne physique ou morale qui est appelée à prendre une décision concernant le financement d’un projet ou l’autorisation de procéder à sa réalisation. Dans le présent chapitre, nous avons surtout traité de l’État décideur, celui qui, au terme du processus d’ÉIE, autorise la réalisation d’un projet avec ou sans modification, ou décide de son rejet.
Pour l’aider dans sa réflexion, le décideur peut compter sur une unité d’administration et de gestion du processus ainsi que sur une unité d’examen. Alors que la première s’assure d’une application juste, équitable et conforme à la loi du processus, la seconde remplit les fonctions d’examen interne et externe. Ces responsabilités peuvent incomber à un ministère, à une direction au sein d’un ministère, à une agence ou à un bureau national, à un comité interministériel, à un comité ou à une commission. La fonction d’examen interne vérifie principalement si le rapport intègre adéquatement les questions soulevées dans la directive et en traite suffisamment et correctement. La fonction d’examen externe, généralement publique et menée par des personnes indépendantes, se penche sur le processus même et cherche à savoir s’il s’est déroulé de façon appropriée en tenant compte des différents points de vue, si la présentation de l’information est adéquate et si l’information est pertinente au processus décisionnel.
Le processus de décision en ÉIE suit un modèle classique de prise de décision rationnelle. Au cours des années 1970, le schéma de prise de décision avait une structure plutôt linéaire ; depuis les années 1980 cependant, il présente de nombreuses itérations qui permettent d’affecter la définition même d’un projet, et ce, à plusieurs temps de son développement.
Une décision environnementale se distingue des autres types de décision principalement par ses conséquences, qui sont étroitement liées aux systèmes écologiques et humains, par l’importante incertitude spatiale et temporelle associée aux prévisions d’impact et par la grande diversité des acteurs engagés dans la décision ou qui en subissent les effets.
Plusieurs facteurs influent sur la prise de décision : les contraintes institutionnelles (cadre légal et réglementaire), les contraintes organisationnelles (associées à la répartition du pouvoir au sein de l’entreprise et de l’État), ainsi que les dimensions d’ordre politique, sociopolitique, scientifique et technologique.
Même si le processus décisionnel suit une démarche rationnelle et définie, la prise de décision repose sur un ensemble de critères, souvent non ouvertement déclarés et qui entrent en conflit avec les critères environnementaux. L’expérience démontre que plusieurs principes éthiques peuvent orienter la prise de décision, comme les principes d’équité, de subsidiarité, de précaution et de rendement maximal soutenu. Bien que nous ne puissions présumer de la rationalité d’une décision, il importe d’axer les efforts sur la prise d’une décision environnementale qui soit acceptable.
La dynamique d’une ÉIE ne se limite pas à l’interaction du maître d’ouvrage, du public ou du décideur et de certains autres acteurs nationaux ; souvent, un ensemble d’acteurs internationaux ont une influence non négligeable dans la structuration même du processus d’ÉIE et sur la dynamique propre à l’ÉIE d’un projet en particulier.
On peut classer les acteurs internationaux selon qu’ils appartiennent aux organisations internationales gouvernementales, aux organisations non gouvernementales internationales ou aux banques multilatérales et agences de développement.
Les organisations internationales gouvernementales regroupent des États ayant des finalités diverses : le Programme des Nations Unies pour l’environnement, la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’Union européenne, la Commission de coopération environnementale, l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD). Ces OIG exercent une influence sur l’ordre du jour international en déterminant les enjeux prioritaires par leur participation aux négociations. Elles influencent les politiques environnementales des États membres, mais également certains programmes environnementaux des pays en développement.
Les organisations non gouvernementales internationales (ONGI) présentées ici sont de trois types : une association professionnelle, une organisation de normalisation et des groupes de pression en environnement. L’Association internationale pour l’évaluation d’impact (IAIA) et le Secrétariat international francophone pour l’évaluation environnementale (SIFÉE) sont des associations professionnelles qui regroupent des chercheurs, des praticiens et des utilisateurs des divers types d’évaluation d’impacts à travers le monde. Elles visent à faire progresser l’évaluation des impacts et à développer les capacités de ses membres. L’Organisation internationale de normalisation (ISO) est chargée de promouvoir l’élaboration et l’application de normes internationales ISO et travaille entre autres à l’élaboration de normes à appliquer dans le cadre d’un système de gestion environnementale (ISO 14000). Plusieurs entreprises à travers le monde ont adhéré à cette norme, principalement en Europe et en Extrême-Orient. Les ONGI de protection de l’environnement ne poursuivent pas toutes les mêmes objectifs. Il y a notamment une différence essentielle entre les ONGI des pays en développement, qui combinent des objectifs de développement et d’environnement en prônant des stratégies alternatives de développement, et les ONGI des pays développés, qui visent plutôt une protection de l’environnement pour la nature, en recherchant ou non la conciliation entre partenaires.
Les banques multilatérales incluent les institutions de financement comme la Banque mondiale, la Société Financière Internationale et la Banque africaine de développement qui, avec d’autres institutions de financement et pour une convergence de leurs actions, ont adopté les Principes de l’Équateur. Les agences nationales d’aide au développement qui, elles aussi, accordent des prêts ou des dons aux États défavorisés pour la réalisation de projets jouent également un rôle majeur à l’échelle internationale, en intervenant dans le cadre de l’aide bilatérale constituée de financements pour le développement et « négociée » entre deux États à travers des accords de coopération. À la différence des institutions financières internationales, elles relèvent d’un seul gouvernement qui leur procure leurs budgets et font souvent partie d’un ministère des priorités duquel elles dépendent. Ce sont des organismes comme l’AFD, la Danida, le DFID, la KfW, Développement et coopération des Pays-Bas, Norad, DDC, Sida, EuropAid DG DEVCO, JICA, le MCC et l’USAID.
Selon les circonstances et le contexte régional, la participation du public ira de passive à interactive. Le regroupement spontané de personnes se mobilisant pour contrer un projet ou le modifier est maintenant chose courante. De là l’importance pour le maître d’ouvrage de bien préparer son dossier, d’établir un climat propice à la négociation plutôt qu’à l’affrontement et de manifester sa bonne volonté en se pliant, notamment, aux exigences légales en vigueur, voire en sollicitant la participation publique dès le début du processus d’ÉIE.
La communication dans le processus d’ÉIE vise essentiellement les objectifs suivants : informer et éduquer ; recueillir de l’information ; revendiquer ; consulter ; décider. Le processus risque de perdre de sa crédibilité s’il ne permet pas d’atteindre ces objectifs.
Il est indéniable qu’il y a beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients à la participation du public, l’un des plus grands avantages étant d’éviter d’éventuels conflits et des poursuites judiciaires. Il importe d’envisager cette participation comme une nécessité transversale qui revient à chaque phase du processus d’ÉIE, soit depuis (et même avant) le dépôt de l’avis du projet jusqu’à la surveillance et au suivi, voire jusqu’à l’arrêt des opérations et au démantèlement des installations. Plusieurs pays ont déjà mis en place des modes formels de participation publique. À l’heure actuelle, on observe une tendance à toujours faire participer le public aux ÉIE, même dans les pays où aucun cadre légal n’existe à ce sujet.
L’audience publique est un mode fonctionnel et réglementé de consultation publique. Comme la consultation ciblée, l’enquête et le débat publics ainsi que l’analyse environnementale participative, l’audience publique favorise la confrontation des idées et l’émergence de consensus sur le projet. En cas de litiges, on a de plus en plus recours à la médiation environnementale ; ce mode alternatif de participation interactive mène souvent à des engagements écrits concluant une entente lors de la résolution de conflits. De fait, la médiation n’est pas la seule forme de participation qui se distingue des autres par la recherche d’un consensus. L’ÉIE est en soi un processus invitant tous les acteurs à une discussion en vue d’un projet socialement acceptable. Tout le processus d’ÉIE constitue donc une forme de négociation menant à un compromis simple, à un échange de concessions mutuelles, à l’adjonction de contreparties ou de compensations, à la création de nouvelles options ou à leurs transformations, voire à l’abandon du projet.
Ce chapitre rappelle les principes directeurs pour une participation publique réussie et fournit des techniques pour la rédaction de rapports d’ÉIE aussi complets et rigoureux que possible.
Au fil des ans, le coffre à outils du professionnel de l’ÉIE s’est progressivement garni. Les listes de contrôle et les matrices répondent le mieux aux exigences de souplesse, de communication simplifiée, d’échéanciers stricts et de personnel. Les réseaux, les systèmes, les méthodes de superpositions, la modélisation, les SIG et les systèmes experts reflètent davantage la complexité du système environnemental, mais imposent d’importants délais pour leur développement, l’utilisation d’équipement sophistiqué et la participation de personnel aux compétences techniques appropriées. Cependant, une fois mis en place, les systèmes experts sont à la portée d’individus non experts.
À l’heure actuelle, une panoplie de méthodes et d’outils conviennent aux différentes phases de l’ÉIE. On reconnaît l’efficacité des listes de contrôle à la phase de tri préliminaire. Les matrices se sont montrées performantes pour intégrer les interactions entre les activités d’un projet, surtout les projets bien localisés dans un espace restreint, et les éléments de l’environnement. L’application des modèles permet d’élaborer des scénarios et d’estimer des variations d’ordre qualitatif ou quantitatif d’un indicateur de l’environnement dans le temps et dans l’espace. Les SIG, y compris les méthodes de superpositions, permettent de déterminer et de comparer des options de corridors et de tracés de projets d’infrastructures linéaires. Les méthodes d’aide à la décision comparent des options compte tenu de l’opinion des divers acteurs; elles s’insèrent dans une démarche rationnelle de prise de décision et s’appuient sur des critères explicites de décision.
La valeur du professionnel de l’ÉIE repose sur sa capacité de choisir le meilleur outil pour une tâche définie, et il faut reconnaître que ce choix n’est pas toujours facile. Enfin, il va sans dire que le professionnel devra souvent avoir recours à plus d’une méthode pour compléter chaque phase de l’ÉIE.
L’évaluation environnementale est un outil d’aide à la décision qui utilise comme cadre d’analyse le développement durable. Pour ce faire, elle utilise deux approches : l’une encadrée par le processus d’ÉIE devenant partie intégrante d’une démarche enchâssée dans les divers régimes d’évaluation environnementale ; l’autre par voie d’une analyse développement durable indépendante de l’ÉIE. La première approche intégrée de prise en compte et de valorisation du développement durable dans les projets est celle qui est privilégiée dans ce chapitre.
Comme démarche d’aide à la décision, l’analyse développement durable vise à garantir et à renforcer la prise en compte du développement durable dans les projets avant leur réalisation et avant même que les autorisations de procéder ne soient délivrées. Elle se déploie elle-même en deux approches, la première de nature technicoadministrative où les indicateurs sont généralement définis dans le cadre de la planification nationale ou régionale, et la seconde de nature sociopolitique dans laquelle les objectifs découlent de principes décrits dans les documents de cadrage juridico-politique.
La prise en compte du développement durable s’inscrit dans la démarche systématique de l’ÉIE qui doit assurer sa propre cohérence interne aux différentes phases de l’ensemble du processus avec lesquelles elle s’harmonise pour conduire à une décision éclairée. Dans cette perspective, tri préliminaire, cadrage, réalisation, examens conduisent à la décision et aux suivis, puis imposent aux acteurs une gestion adaptative. Cette prise en compte intégrée à l’ÉIE du développement durable doit se faire en respect des engagements internationaux en matière de développement durable, notamment la Convention cadre sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique qui, quoique toutes deux situées à un niveau qui dépasse l’évaluation environnementale, ont des incidences tangibles sur la pratique des ÉIE auxquelles elles ont fait appel explicitement dans leurs textes pour opérationnaliser le développement durable tant à l’échelle nationale qu’infranationale.
L’évaluation des impacts sur l’environnement (ÉIE) a connu un essor important à travers le monde au cours des 40 dernières années. Le développement de la pratique a permis de constater les limites de cet instrument pour aborder entre autres la justification des projets et le choix des variantes. Dans cette optique, et compte tenu du fait que de nombreux projets s’inscrivent directement dans un cadre plus large de planification, les experts ont suggéré d’intégrer la dimension environnement à l’évaluation des PPP.
L’institutionnalisation de l’ÉES est maintenant une réalité dans de nombreux États à travers le monde. L’ÉES est inscrite dans des documents juridiques et les décrets d’application se font de plus en plus nombreux. La Banque mondiale comme les autres bailleurs de fonds favorisent la réalisation d’ÉES (ex. : analyse environnementale par pays, évaluations environnementales régionales ou sectorielles, cadres de gestion environnementale et sociale) pour mieux orienter l’aide au développement et exigent des évaluations environnementales sectorielles ou régionales comme condition aux prêts. L’Union européenne a adopté une directive de l’évaluation de certains plans et programmes. Divers États et gouvernements, comme la France, le Canada, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Québec, ont implanté ou travaillent à l’implantation de procédures d’évaluation environnementale stratégique.
L’ÉES s’inspire grandement de l’ÉIE, mais procède en amont de cette dernière. Elle se fonde sur la connaissance du profil environnemental des territoires concernés. Elle comporte des étapes de tri préliminaire, de cadrage, d’évaluation et d’examen. L’implantation des PPP s’accompagne de consignes de surveillance et de suivi. Cependant, à la différence de l’ÉIE, la proposition de PPP peut soit être en développement, soit déjà formulée de façon explicite. Dans le premier cas, l’évaluation environnementale se fait en interaction avec le développement de la proposition de PPP à laquelle elle contribue par diverses itérations. Dans le second cas, l’évaluation environnementale consiste plutôt à définir les impacts des propositions sous étude, d’y trouver des mesures correctrices, de suggérer les améliorations qui s’imposent à l’énoncé et de soumettre un programme de surveillance et de suivi.
La pratique de l’ÉES se confronte à des défis de taille. Il faut aborder des énoncés peu définis à un stade limité de développement, intégrer la participation d’un public élargi ou volontairement restreint, générer des données empreintes de grandes incertitudes ainsi qu’analyser des impacts globaux, régionaux ou cumulatifs. De plus, l’ÉES subit des contraintes institutionnelles de deux ordres : la pratique de l’intégration de l’environnement comme critère de décision et la sectorisation des responsabilités thématiques ou administratives.
Malgré les écueils auxquels elle est confrontée, l’ÉES apparaît de plus en plus comme un outil essentiel ; c’est pourquoi son implantation à court terme est inévitable dans plusieurs pays francophones. Mais, pour que l’ÉES atteigne sa pleine efficacité, il importe qu’on articule les évaluations des PPP et celles des projets qui leur sont rattachés. Ainsi, un bénéfice pourrait découler du recours systématique aux ÉES : les analyses qui en sont issues permettraient de normaliser le traitement des projets − que ceux-ci soient de même nature ou différents.
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Dans cette période de grandes transitions politiques et économiques, de mutations sociales et surtout d’ouverture rapide de systèmes relativement fermés vers des systèmes très ouverts et intrinsèquement imprévisibles, les espaces d’entreprise, d’initiative, d’innovation technologique et gestionnaire, de liberté aussi, augmentent vertigineusement. De nouvelles possibilités de développement apparaissent partout dans le monde, de nouveaux outils de développement sont forgés sans cesse. D’une manière tout aussi rapide, les espaces de solidarité et les espaces sociaux et de convivialité diminuent d’une manière très alarmante : manque de solidarité envers les autres, d’où les fossés qui s’élargissent entre les individus et entre les pays, d’où aussi la montée de l’indifférence ou de l’intolérance ; manque de solidarité, suicidaire sur le long terme, entre l’Homme et son environnement.
Francesco di Castri, biologiste et écologue italien, était directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Montpellier, France. Né à Venise en 1930, il avait fait des études universitaires en Italie (Milan et Padoue), au Canada (Montréal) et au Chili (Santiago). À l’UNESCO, il a été directeur de la Division des sciences écologiques et sous-directeur général pour les activités sur l’environnement. Il a aussi présidé l’Union internationale des sciences biologiques, le Comité permanent sur les problèmes de l’environnement (SCOPE) et le programme sur la biodiversité (DIVERSITAS). Il a, de plus, été membre des Académies des sciences d’Italie et de Russie, de l’Académie d’agriculture de France et de celle des Sciences forestières d’Italie. Il est l’auteur de nombreux ouvrages scientifiques publiés en plusieurs langues. Il est décédé en 2005.
Professeur émérite de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), détenteur de quatorze doctorats honorifiques, Pierre Dansereau a été à la tête du Laboratoire Pierre Dansereau pour l’étude des écosystèmes à l’UQAM depuis 1972 et jusqu’à très récemment. Né en 1911 à Montréal, le professeur Dansereau est reconnu mondialement comme pionnier de l’écologie moderne. Par un effort de synthèse remarquable, il a su appliquer l’écologie humaine au milieu urbain et ainsi développer un humanisme scientifique à l’échelle du monde. Il est récipiendaire de nombreuses distinctions dont le prix Marie-Victorin (Prix du Québec) et du titre de Grand officier de l’Ordre national du Québec. Ce « citoyen du monde » a été invité dans plusieurs universités américaines, européennes et canadiennes. Ses recherches en écologie végétale, en classification et cartographie écologique des espaces et en aménagement du territoire l’on conduit en Amérique du Sud (Brésil), à Cuba, en Europe, en Afrique, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon et en Chine, sans oublier ses travaux dans l’est de l’Amérique du Nord.
L’évaluation des impacts sur l’environnement, qui occupe une place de choix dans les actions de formation de notre institut s’est, depuis plusieurs années déjà, affirmée comme un moyen indispensable pour intégrer l’environnement dans les politiques, plans, programmes et projet de développement et un outil incontournable si l’on veut concilier le développement économique, les préoccupations sociales et les exigences de la protection de l’environnement.
Ce livre représente donc un jalon dans le champ d’intervention de l’évaluation environnementale. En effet, dès la parution de la première édition en 1999, cet ouvrage a connu un immense retentissement dans de nombreux pays, particulièrement dans l’espace francophone. Aujourd’hui, il constitue un instrument, un code, parfaitement adapté au développement d’outils dans la mise en place de divers programmes liés à l’environnement et au développement durable.
Ce livre contient les informations-clés sur le cadre de réalisation d’une évaluation environnementale, y compris les aspects politiques, juridiques et institutionnels. Il présente de façon claire, le processus, les acteurs et la participation publique. Il aborde les aspects socio-économiques liés à la réalisation des projets et plusieurs études de cas francophones viennent illustrer la démarche.
Les défis et enjeux de l’évaluation environnementale stratégique y sont abordés. Cette approche que les décideurs tendent de plus en plus à privilégier, permet de mettre en perspective les politiques, plans et programmes régionaux ou sectoriels dès leur conception pour en identifier les impacts sur l’environnement et les prendre en compte dans le processus décisionnel.
L’ouvrage, dans cette troisième édition, reflète l’évolution de la théorie et de la pratique des études d’impacts sur l’environnement, en mettant l’accent sur l’expérience dans les pays de la Francophonie. En plus d’actualiser les connaissances et de fournir de nouveaux outils aux praticiens, l’ouvrage pose un regard critique sur la pratique de l’évaluation environnementale. Il insiste sur les besoins en formation et traite du rapport entre les études d’impact sur l’environnement et plusieurs domaines prioritaires comme les changements climatiques, la biodiversité et la mondialisation.
Cet ouvrage est à la fois un guide complet pour les professionnels de l’évaluation environnementale, un point de repère pour les décideurs et une référence pour le public en général, qui trouve un intérêt croissant dans le processus d’évaluation environnementale et une occasion de faire valoir leurs points de vue.
Je remercie Pierre André, Claude E. Delisle et Jean-Pierre Revéret qui nous permettent de mettre à la disposition de tous ces porteurs d’enjeux un ouvrage d’une telle qualité.
Dans le souci de rationaliser les interventions humaines, toutes les déclarations qui ont pu émerger des rencontres et sommets internationaux insistent sur la prise en compte des questions environnementales lors de la définition de projets, de pro- grammes, de plans ou de politiques. L’étude d’impact sur l’environnement (ÉIE) fait partie des outils privilégiés permettant cette prise en compte et contribuant à l’atteinte des objectifs de développement durable.