De la lumière pour coder l'ordinateur quantique de demain


Un pas de plus vers des performances et une miniaturisation inégalée

2 octobre 2014

Plus vite, plus petit, plus fort ! C'est une devise quasi olympique ; pourtant, il ne s'agit pas ici d'exploits sportifs, mais plutôt d'exploits de sciences physiques. L'ordinateur quantique est un des Graals de la physique et c'est un pas en avant vers sa quête qui vient d'être fait à Polytechnique Montréal par l'équipe du Pr. Sébastien Francoeur. Une nouvelle plateforme pour coder, manipuler et lire l'information sous forme quantique, le tout, avec juste ce qu'il faut de lumière.

01000100... Voilà à quoi ressemble la première lettre du titre de cet article dans le langage de nos ordinateurs. Le tout avec seulement deux valeurs : le 1 et le 0 qui correspondent au passage ou non d'un courant électrique dans un circuit. Mais coder l'information avec seulement des 0 et des 1 est un processus trop lent pour les calculs les plus complexes ; et nous arrivons à la limite de miniaturisation de nos composants électroniques pourtant essentielle à l'évolution de nos besoins.

C'est ce qui a justifié l'avènement de l'ordinateur quantique. Les physiciens s'affairent présentement à coder l'information non plus avec des bits traditionnels mais avec des bits quantiques : des qubits. Ces derniers permettent une superposition d'état : ils peuvent prendre la valeur 1, la valeur 0 mais aussi toutes les valeurs intermédiaires, ouvrant alors la voie à une capacité de calcul inégalée.

Gabriel Éthier-Majcher, étudiant au doctorat en génie physique à Polytechnique Montréal et principal investigateur de travaux de recherche publiés dans Nature Communications, vient de développer une nouvelle plateforme pour créer, manipuler et lire des qubits.

Plus précisément, tout se déroule sur un matériau semi-conducteur classique. Au moment de sa fabrication, des impuretés ont été volontairement introduites dans les cristaux qui le composent. Ces impuretés, les sites de qubits, créent un environnement différent qui attire ce que l'on appelle des excitons, une quasi-particule formée d'un électron et d'un « trou » (i.e : une quasi particule de charge positive). 

Le contrôle de ces excitons, les qubits, se fait selon un principe similaire à celui qui est utilisé dans les IRM, les scanners d'hôpitaux : une source d'énergie est envoyée sur de la matière qui réagit et émet à son tour une autre énergie que l'on capte et que l'on analyse. Dans les IRM, cette énergie est fournie par les radiofréquences, dans les qubits de Gabriel, cette énergie est lumineuse. Ainsi, il est possible de lire l'état du qubit, 0, 1 ou toutes les valeurs intermédiaires, en mesurant l'intensité de la lumière qu'il émet. 

Pour réaliser des calculs, il est essentiel que les qubits communiquent entre eux en parlant la même langue. Et cette langue, c'est la longueur d'onde d'émission de la lumière. Il s'avère que tous les qubits de la plateforme mise au point à Polytechnique sont à la même longueur d'onde, au sens propre comme au sens figuré ! C'est un avantage indéniable pour surmonter ce défi, encore jamais surmonté à l'aide de la lumière, de la communication entre les qubits.

Le choix de la lumière comme moyen de communication entre les qubits n'est pas anodin. Les physiciens maîtrisent et manipulent aisément la lumière. Les fibres optiques en sont d'ailleurs un exemple : elles transportent de l'information rapidement sur de très longues distances. La technologie est connue et éprouvée. Alors forcément, l'intérêt de développer des qubits à l'énergie lumineuse ouvre aussi la voie à l'internet quantique… encore un autre monde à découvrir !

Ces deux avantages marqués de la plateforme sont prometteurs mais cette nouvelle technologie amène aussi son lot de limitations. La principale vient de l'exciton lui-même qui a une durée de vie d'une nanoseconde. Le temps de cligner des yeux et 100 000 000 de nanosecondes se sont déjà écoulées. Cela rend difficile la manipulation de l'information. La prochaine étape sera sans doute de remplacer l'utilisation des excitons par les spins, une propriété intrinsèque à chaque particule agissant comme une boussole. Leur durée de vie serait alors de quelques microsecondes, de quoi manipuler l'information plus aisément… mais vous n'aurez toujours pas le temps de cligner des yeux !

Ces travaux ont été réalisés avec l'appui du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), des Fonds de recherche du Québec sur la nature et les technologies (FRQNT), et de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI).

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Référence :

Éthier-Majcher, G., St-Jean, P., Boso, G., Tosi, A., Klem, J.F. & Francoeur, S. (2014). Complete quantum control of exciton qubits bound to isoelectronic centres. Nature Communications, 5.
doi: 10.1038/ncomms4980.

Renseignements et entrevues :
Annie Touchette
Service des communications
Polytechnique Montréal
514 231-8133
annie.touchette@polymtl.ca

Source :
Viviane Lalande
Polytechnique Montréal

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