Département de mathématiques et de génie industriel

Budget Morneau : " Il est difficile de voir dans ce budget des actions concrètes et immédiates " - Propos de Marcelin Joanis, professeur et économiste, vice-président au CIRANO

13 avril 2017




Comme une impression de fuite en avant

En filigrane, deux visions de l’avenir s’opposent. D’une part, une vision pessimiste où dominent l’incertitude politique en Europe, un ralentissement potentiel en Chine, la faiblesse des prix du pétrole et, peut-être surtout, les risques associés aux errances des politiques économiques et commerciales des États-Unis.

Dans ce contexte incertain, l’économie canadienne aurait de nouveau ralenti depuis l’énoncé économique de l’automne. Pour 2017, on révise la croissance économique à la baisse, de 2,1 % dans l’énoncé à 1,9 % dans le budget. Ce n’est pas beaucoup mieux que la croissance de l’an dernier, qui s’établirait finalement à 1,3 %.

Mais cette vision pessimiste coexiste, paradoxalement, avec une vision optimiste : « la croissance aux États-Unis pourrait être plus forte que prévu », lit-on dans les documents budgétaires. Cette vision optimiste continue à retenir l’attention des prévisionnistes : par rapport à l’énoncé de novembre, on révise à la hausse la croissance prévue pour 2018 de 1,8 % à 2,0 %. L’économie américaine serait stimulée par la politique budgétaire fortement expansionniste promise par le président Trump, marquée par d’importantes baisses d’impôt et des investissements majeurs dans les infrastructures.

Trancher la poire en deux

Le ministre Morneau tranche en quelque sorte la poire en deux. Son ajustement pour tenir compte du risque à la baisse associé aux prévisions économiques n’est que de 3 milliards pour 2017-2018 et les quatre années suivantes, la moitié moins que l’ajustement de l’an dernier.

Au-delà des prévisions économiques, il se dégage de l’ensemble du document une certaine impression de flottement, d’attentisme.

Comment ce budget prépare-t-il le Canada pour le monde incertain qui se dessine, particulièrement depuis quelques mois ?

À court terme du moins, il ne le fait pas vraiment, alors que l’on aurait pu s’attendre à un message fort destiné à rassurer les Canadiens dans ce contexte.

L’incidence budgétaire nette (le « total des mesures stratégiques et des investissements » dans le jargon fédéral) de ce budget pour l’année 2017-2018 est de - 0,1 milliard, témoignant d’un budget pratiquement neutre. C’est 1,2 milliard pour l’année financière qui se termine. On réalloue plus qu’on ajoute, en quelque sorte. Il n’y a donc pas de nouveau stimulus budgétaire.

Source La Presse+, le 23 mars 2017