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Une percée majeure dans le transfert quantique de l’information entre la matière et la lumière

11 novembre 2016 - Source : NOUVELLES

Passer de qubits stationnaires à qubits volants à des vitesses encore jamais atteintes… Cette prouesse réalisée par une équipe de Polytechnique Montréal et du CNRS de France nous rapproche un peu plus de l’ère où l’information sera traitée et transmise selon des principes entièrement quantiques.

Validé par un imposant comité de lecture, l’article intitulé : « High-fidelity and ultrafast initialization of a hole spin bound to a Te isoelectronic center in ZnSe » a été récemment publié dans la prestigieuse revue Physical Review Letters. La création d’un qubit dans le séléniure de zinc, un matériau semi-conducteur bien connu, a permis de produire une interface entre la physique quantique régissant le comportement de la matière à l’échelle du nanomètre et le transfert de l’information à la vitesse de la lumière, ouvrant ainsi la voie à la fabrication de réseaux quantiques de communication.

Physique classique vs physique quantique

Dans les ordinateurs d’aujourd’hui, c’est la physique classique qui s’applique. Les milliards d’électrons qui forment le courant électrique coopèrent pour former un bit d’information : 0, les électrons sont absents, et 1, les électrons sont présents. En physique quantique, on travaille avec un seul électron, ce qui lui permet d’exprimer une propriété étonnante de la nature : il peut être, à la fois, un 0, un 1, ainsi que la superposition simultanée de ces deux états. Bienvenue au qubit, l’équivalent quantique du bit classique. Le qubit offre des possibilités inouïes aux chercheurs. Voici pourquoi.

L’électron tourne sur lui-même, un peu comme une toupie. C’est le spin. En appliquant un champ magnétique, ce spin pointera vers le haut, vers le bas, ou simultanément vers le haut et le bas, de manière à former un qubit. Mais il y a mieux encore. Au lieu de se servir d’un électron, on peut utiliser son absence ; c’est ce que les physiciens appellent un « trou ». Comme son cousin l’électron, le trou possède un spin à partir duquel on peut former un qubit. Mais quel qu’il soit, le qubit est une créature quantique fragile. Il lui faut donc un environnement propice.

Séléniure de zinc, tellure et laser : une première mondiale

Le séléniure de zinc, le ZnSe, est un cristal où les atomes sont strictement ordonnés. C’est aussi un semi-conducteur dans lequel il est facile d’introduire, délibérément, des impuretés, comme le tellure, un proche parent du sélénium dans le tableau périodique, dans lequel les trous seront emprisonnés, un peu comme des bulles d’air dans le verre.

Cet environnement permet au spin du trou, notre qubit, de préserver son information quantique plus longtemps et plus fidèlement; c’est le temps de cohérence, temps que les physiciens de par le monde tentent d’allonger de toutes les manières possibles. Voilà pourquoi le choix du séléniure de zinc n’est pas anodin. Il offre au trou un voisinage tranquille et, par conséquent, un temps de cohérence accru.

Polytechnique Montréal et le CNRS de France, un travail d’équipe

Philippe St-Jean, étudiant au doctorat dans l’équipe du professeur Sébastien Francoeur, utilise des photons générés par un laser pour initialiser le trou et y enregistrer l’information quantique. Pour en faire la lecture, il excite le trou et recueille les photons émis. Résultat : un transfert quantique d’information entre le qubit stationnaire, généré par le spin du trou captif dans le cristal, et le qubit volant, le photon qui, bien sûr, se déplace à la vitesse de la lumière.

Cette nouvelle technique montre qu’il est possible de fabriquer un qubit plus rapidement qu’avec toutes les autres méthodes utilisées jusqu’à maintenant. En effet, il suffit d’une centaine de picosecondes, soit moins d’un milliardième de seconde, pour passer d’un qubit volant à un qubit stationnaire, et vice-versa.

Si cet accomplissement augure bien de l’avenir, beaucoup de travail reste à faire avant d’utiliser un réseau quantique pour effectuer en toute sécurité des transactions bancaires ou construire un ordinateur quantique capable des calculs les plus complexes. C’est la tâche ardue à laquelle continuera de s’attaquer l’équipe de recherche de Sébastien Francoeur.

Le Conseil de recherches en science naturelle et en génie du Canada (CRSNG) a financé les travaux de M. Francoeur et de son équipe.

En savoir plus
Fiche d'expertise du professeur Sébastien Francoeur
Page de site du Département de génie physique

 

(Crédit photo : Zouavman_Le Zouave - Licence CC BY SA-3.0)

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