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Objets quantiques: première mondiale concernant le comportement ondulatoire d'un condensat de polaritons

15 juillet 2015 - Source : NOUVELLES
Des chercheurs de Polytechnique Montréal et de l'Imperial College de Londres démontrent le comportement ondulatoire d'un condensat de polaritons à échelle macroscopique et à température ambiante. 
 

Pour la première fois, le comportement ondulatoire d'un condensat de polaritons apparent au niveau macroscopique et à température ambiante a été démontré en laboratoire. Cette avancée marquante dans la connaissance des objets quantiques est le fruit d'une collaboration du Pr Stéphane Kéna-Cohen, de Polytechnique Montréal, du Pr Stefan Maier, de l'Imperial College de Londres, et de Konstantinos Daskalakis, associé de recherche dans cette même institution. Ces travaux viennent de faire l'objet d'une publication dans la prestigieuse revue Physical Review Letters.

 

Objets quantiques visibles à l'œil nu

Les objets quantiques se définissent par leur comportement ondulatoire, c'est-à-dire qu'ils se comportent comme une onde de longueur inversement proportionnelle à leur vitesse. Habituellement, ce comportement ne s'observe que chez les éléments de taille subatomique. Il existe cependant une exception : avec les bosons, des particules d'un type particulier qui peuvent se combiner en grand nombre dans le même état, il est possible de former des objets quantiques à l'échelle macroscopique, soit les condensats de Bose-Einstein.

Ceux-ci sont à la base de certains des phénomènes les plus fascinants de la physique quantique, tels que la superfluidité et la supraconductivité. Leur importance scientifique est telle que leur réalisation, près de 70 ans après que leur existence eut été théorisée, a valu le prix Nobel de physique en 2001 aux chercheurs Eric Cornell, Wolfgang Ketterle et Carl Wieman.

 

Polariton MicrocavityUn piège à polaritons, quasi-particules mi-lumière, mi-matière

Placer des particules dans un même état pour obtenir un condensat requiert normalement un abaissement de la température jusqu'à un niveau proche du zéro absolu, condition complexe à obtenir en laboratoire et nécessitant de coûteux équipements cryogéniques. « À la différence des travaux menés jusqu'à aujourd'hui, qui utilisent principalement des gaz atomiques ultra-froids, nos travaux permettent d'étudier de façon approfondie l'état de la matière condensée à température ambiante. C'est un pas essentiel vers la réalisation de projets de physique qui demeurent encore purement théoriques », explique Konstantinos Daskalakis.

Pour produire un condensat à température ambiante, l'équipe de chercheurs de Polytechnique et de l'Imperial College a d'abord créé un dispositif permettant l'existence de polaritons, quasi-particules hybrides entre lumière et matière. Celui-ci est formé d'un film de molécules organiques d'une épaisseur de 100 nanomètres, confiné entre deux miroirs presque parfaitement réfléchissants. En excitant les polaritons à l'aide d'un laser, on crée un condensat d'une taille comparable à l'épaisseur d'un cheveu humain, ce qui est gigantesque pour un objet quantique. Le condensat est aisément observable grâce à la lumière bleue qu'il émet.

« Jusqu'à ce jour, la majorité des expériences sur les polaritons réalisées dans le monde ont fait appel à des semi-conducteurs cristallins ultra-purs. Notre projet démontre qu'il est possible d'obtenir un comportement quantique à partir du matériau ‘' impur ‘' et désordonné que sont les molécules organiques. Ceci a l'avantage de permettre une fabrication beaucoup plus simple et à faible coût », indique le Pr Stéphane Kéna-Cohen.

 

La taille du condensat s'avère un facteur limitant

Outre l'observation directe du comportement ondulatoire du condensat de polaritons organiques, cette expérience a permis aux chercheurs de découvrir que la taille de ce condensat ne peut dépasser une centaine de micromètres. Une fois cette limite dépassée, le condensat se détruit en se fragmentant et en créant des vortex de particules.

 

Vers de futurs lasers à polaritons et des transistors optiques

Dans un condensat, les polaritons se comportent tous de la même façon, comme les photons dans un laser. L'étude des condensats dans des conditions ambiantes annonce donc de futures percées technologiques telles que des micro-lasers à polaritons, à base de matériaux organiques à faible coût et requérant une puissance d'activation moindre qu'un laser conventionnel, et dont l'efficacité serait plus grande. De puissants transistors entièrement alimentés par la lumière sont une autre des applications envisagées.  

Le prochain grand défi à relever dans le cadre du développement de ces applications consistera à abaisser le seuil de condensation des particules, en vue d'obtenir leur condensation par pompage électrique plutôt que par laser, prévoient les chercheurs de cette équipe.

 

Un terreau pour étudier les questions fondamentales

Selon le Pr Stefan Maier, ces travaux fondent également une plate-forme pour faciliter l'étude des questions fondamentales de la mécanique quantique. « Ils sont liés à plusieurs de ses aspects les plus passionnants, tels que la superfluidité, un phénomène qui intrigue aussi le grand public. »

« D'un point de vue fondamental, notre expérience nous a permis d'observer l'extraordinaire transition entre un état de particules non condensées et la formation d'un condensat », conclut le Pr Stéphane Kéna-Cohen. « Cela s'apparente, à petite échelle, aux étapes de formation de l'univers après le Big Bang. »

Ces travaux ont reçu l'appui du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Leverhulme Trust, et de l'Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC) du Royaume-Uni.

 

Voir aussi:

L'article disponible en libre accès : http://arxiv.org/pdf/1503.01373v2

La fiche d'expertise du professeur Stéphane Kéna-Cohen 

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