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Des lasers monofréquences versatiles font leurs preuves à Polytechnique Montréal

5 avril 2018 - Source : NOUVELLES

Au moyen d’une méthode rapide de simulation, d’un procédé de fabrication novateur et d’une étude d’une ampleur unique au monde, le stagiaire postdoctoral Sébastien Loranger a fait la démonstration de lasers Raman DFB FBG ultra-longs pouvant être utilisés à toute longueur d’onde. Ces travaux ont fait l’objet d’un article publié dans la revue Optica de l’Optical Society.

Sébastien Loranger a réalisé des travaux portant sur la modélisation et l’optimisation de lasers monofréquences sur fibre optique dans le cadre de son doctorat qu’il a récemment complété, sous la direction de Raman Kashyap, professeur titulaire au Département de génie physique. De tels lasers servent à diverses applications dans les secteurs industriel, commercial et de la recherche, mais présentent des enjeux en matière de robustesse, de stabilité, de largeur spectrale et de coût de fabrication.

Afin d’améliorer les performances des lasers monofréquences, Sébastien Loranger a conçu des dispositifs combinant trois techniques : un réseau de Bragg inscrit dans la fibre (Fibre Bragg Grating en anglais, ou FBG), soit un réflecteur haute performance dont l’alternance de deux couches de matériaux différents fait réfléchir une longueur d’onde particulière; la rétroaction répartie (Distributed FeedBack en anglais, ou DFB), permettant l’obtention d’un laser monofréquence; l’effet Raman, soit un phénomène physique selon lequel un milieu peut modifier légèrement la fréquence de la lumière qui y circule.

Des lasers fondés sur la rétroaction répartie et le réseau de Bragg inscrit dans la fibre sont utilisés notamment en télécommunications, pour la sélection de canaux, et l’intérieur de senseurs, par exemple dans le domaine biomédical. Or, pour réaliser de longs réseaux de Bragg dans la fibre optique, les procédés existants nécessitent l’utilisation d’une fibre optique de composition particulière, selon la fréquence de laser employée.

« Ces dispositifs impliquent le recours à une fibre qui est dotée de terres rares servant à l’amplification du signal. De la sorte, l’effet laser est obtenu seulement à certaines plages de longueur d’onde, selon le matériau qui est utilisé », explique Sébastien Loranger.

Pour pallier cette contrainte, Sébastien Loranger a envisagé de recourir à l’effet Raman au sein de dispositifs de laser à rétroaction répartie et à réseau de Bragg inscrit dans la fibre. Le recours à ce phénomène, découvert indépendamment par les physiciens Chandrashekhara Venkata Râman (lauréat d’un prix Nobel pour cette découverte) et Leonid Mandelstam en 1928, allait procurer une versatilité au laser monofréquence et éliminer le recours à la fibre optique de composition particulière.

« L’effet Raman, qui est non linéaire, peut s’effectuer à n’importe quelle longueur d’onde. Ainsi, nous ne sommes plus limités à une plage de longueur d’onde par le matériau contenu dans la fibre optique : au moyen d’une fibre dont la structure permet d’obtenir un effet non linéaire et d’un laser de puissance appropriée, on peut utiliser n’importe quelle longueur d’onde, sur des plages qui étaient inatteignables auparavant », indique-t-il.

Une méthode et une technique qui font de l'effet

Or, l’effet Raman est difficile à obtenir dans une fibre optique en raison de sa relative faiblesse. Pour remédier à la situation, Sébastien Loranger et des collègues du laboratoire Fabulas du professeur Raman Kashyap, au Centre de recherche Poly-Grames de Polytechnique Montréal, ont mis au point une technique de fabrication expérimentale de dispositifs de laser FBG ultra-longs qui permettent d’avoir l’effet Raman recherché.

« Alors que normalement des dispositifs FBG mesurent de quelques millimètres à quelques centimètres, nous avons pu fabriquer en laboratoire des dispositifs qui mesurent plusieurs dizaines de centimètres. Avec des réseaux de Bragg ultra-longs, on vient amplifier les caractéristiques et on obtient les propriétés souhaitées de l’effet Raman qu’on ne peut avoir avec un réseau court », mentionne le stagiaire postdoctoral.

Dans le cadre de ses travaux, Sébastien Loranger a effectué la modélisation et l’optimisation théorique de lasers Raman DFB FBG ultra-longs au moyen d’une nouvelle méthode de simulation qui est autant rapide que précise. Ensuite, la plus importante étude comparative de lasers du genre à ce jour a été réalisée à l’aide d’une quinzaine de dispositifs.

« Jusqu’à maintenant, des dispositifs ultra-longs avaient été proposés par quelques auteurs scientifiques avec des cas de simulation très brefs, et deux ou trois personnes avaient démontré des lasers fonctionnels, mais avec seulement un ou deux échantillons. Il y avait un grand manque de données à propos de la fabrication et l’optimisation de tels lasers à des fins commerciales », soulève Sébastien Loranger.

« En premier lieu, nous avons développé une méthode de simulation qui est plus facile à réaliser : alors qu’une simulation pouvait nécessiter plusieurs journées de calcul, nous avons simplifié le processus et effectué des approximations. Ceci nous a permis d’étudier tous les cas possibles et imaginables de designs de dispositifs de lasers. »

« Également, nous avons pu produire beaucoup de dispositifs de laser du genre avec nos équipements au laboratoire Fabulas. Nous sommes les premiers au monde à avoir fait plus de deux dispositifs de laser Raman DFB FBG ultra-longs, afin d’en étudier le fonctionnement », souligne le diplômé au doctorat de Polytechnique Montréal.

Cette étude comparative a permis d’identifier les limitations et les problèmes à résoudre pour ce type de laser monofréquence ainsi qu’à valider la méthode de simulation théorique conçue à Polytechnique. Les conclusions de cette étude serviront à réaliser des travaux d’optimisation de dispositifs aux fins d’une éventuelle commercialisation.

Les travaux de Sébastien Loranger ont fait l’objet d’un article intitulé « Realization and optimization of phase-shifted distributed feedback fiber Bragg grating Raman lasers » qui a été publié dans l’édition du 20 mars 2018 de la revue scientifique à haut facteur d’impact Optica de l’Optical Society, une société qui regroupe plus de 20 000 scientifiques, ingénieurs, professeurs et gens d'affaires dans le domaine de l’optique dans plus de 100 pays. Les coauteurs de l’article sont Amirhossein Tehranchi, chercheur associé à Polytechnique Montréal, Herbert Winful, professeur en génie électrique et génie informatique à l’Université du Michigan, et le professeur Raman Kashyap de Polytechnique Montréal. Pour en savoir plus, consultez l’étude : DOI : 10.1364/OPTICA.5.000295

Sébastien Loranger, stagiaire postdoctoral au Département de génie physique, dans le laboratoire Fabulas du Centre de recherche Poly-Grames de Polytechnique Montréal.

Sébastien Loranger, stagiaire postdoctoral au Département de génie physique, dans le laboratoire Fabulas du Centre de recherche Poly-Grames de Polytechnique Montréal.

En savoir plus

Article publié dans la revue Optica de l’Optical Society
Site du laboratoire Fabulas de Polytechnique Montréal (en anglais)
Site du Département de génie physique de Polytechnique Montréal

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