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Des chercheurs de Polytechnique Montréal développent une fibre ultra-tenace qui imite la structure de la soie d'araignée

3 juin 2015 - Source : NOUVELLES

Une technologie annonciatrice de nouveaux composites à hautes performances

Les Prs Frédérick Gosselin et Daniel Therriault ainsi que leur étudiant de maîtrise Renaud Passieux n'ont aucun lien de parenté avec Spiderman, pourtant, ces chercheurs de Polytechnique Montréal produisent une fibre de polymère ultra-tenace, directement inspirée de la soie d'araignée ! Un projet qui a récemment fait l'objet d'un article publié par la revue Advanced Materials.

La soie d'araignée, un fil aux propriétés étonnantes
Une fibre de polymère ultra-tenace, inspirée de la soie d'araignée De 3 à 8 microns de diamètre mais 5 à 10 fois plus tenace que l'acier ou le Kevlar : malgré sa légèreté, la soie d'araignée a de telles capacités d'allongement et de résistance à l'étirement que l'humain cherche depuis longtemps à l'imiter pour fabriquer des produits dotés des mêmes caractéristiques.

La soie d'araignée doit en grande partie son exceptionnelle ténacité, c'est-à-dire sa capacité à absorber une forte quantité d'énergie avant de se rompre, à la structure moléculaire particulière de la matière protéinique dont elle est composée. Cette origine mécanique a suscité l'intérêt des chercheurs du Laboratoire de mécanique multi-échelles du Département de génie mécanique de Polytechnique Montréal.

« La soie s'enroule sur elle-même comme un ressort. Chaque boucle du ressort est rattachée à sa voisine par des liens sacrificiels, des connexions chimiques qui se brisent avant que la chaîne moléculaire structurelle principale ne se rompe. Pour parvenir à briser la protéine par étirement, il faut dérouler le ressort et briser chacun des liens sacrificiels un à un, ce qui requiert beaucoup d'énergie. C'est ce mécanisme que nous cherchons à reproduire en laboratoire », explique le Pr Frédérick Gosselin, qui codirige avec son confrère Daniel Therriault les travaux de maîtrise de Renaud Passieux. 

Imiter la nature à l'aide de fibres de polymère
Leur projet consiste à fabriquer des fibres microstructurées de taille micrométrique ayant des propriétés mécaniques semblables au fil d'araignée. « Cela consiste à faire couler un filament de solution polymérique visqueuse vers un substrat qui se déplace à une certaine vitesse. On crée donc une instabilité », indique Renaud Passieux. « Le filament forme une série de boucles ou de méandres, un peu comme lorsqu'on fait tomber un filet de miel sur une rôtie. Selon l'instabilité déterminée dans l'écoulement du fluide, la fibre présente une géométrie particulière. Elle forme des motifs périodiques réguliers, ce qu'on appelle des patrons de boucles. »

La fibre se solidifie ensuite avec l'évaporation du solvant. Certains patrons de boucles s'accompagnent de la formation de liens sacrificiels lorsque le filament complète une boucle et se soude à lui-même. Il faut alors tirer avec une forte dépense d'énergie sur une telle fibre pour parvenir à briser ses liens sacrificiels, qui se comporte donc comme la soie d'araignée faite de protéines.

« Ce projet vise à comprendre comment l'instabilité employée dans la fabrication influence la géométrie des boucles et donc les propriétés mécaniques des fibres obtenues », mentionne le Pr Daniel Therriault. « Notre défi, c'est que le procédé de fabrication est multi-physique. Il fait intervenir des notions de plusieurs domaines : mécanique des fluides, microfabrication, résistance des matériaux, rhéologie des polymères, etc. »

Vaste champ d'applications pour de futurs composites en fibres tenaces
Ces chercheurs pensent qu'on verra sans doute un jour des composites obtenus par tissage de fibres tenaces du même type que celle qu'ils mettent au point. De tels composites permettraient, par exemple, la fabrication d'une nouvelle enveloppe de moteurs d'avion, plus sécuritaire et plus légère, qui empêcherait la dispersion de débris en cas d'explosion. De nombreuses autres applications sont envisageables, des dispositifs chirurgicaux aux pièces de véhicules, en passant par des vêtements pare-balles.

Le projet est financé par le Fonds de recherche du Québec - Nature et technologies (FRQNT) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et fait usage d'équipements acquis grâce à l'appui de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI). Le FQRNT vient d'ailleurs d'allouer une subvention « Établissement de nouveaux chercheurs universitaires » au Pr Gosselin pour lui permettre de poursuivre ses travaux dans ce domaine.

 

Voir aussi:

Article publié dans Advanced Materials 

Clip réalisé par Renaud Passieux

Fiche d'expertise du Pr Frédérick Gosselin

Fiche d'expertise du Pr Daniel Therriault

 

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