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L'équilibre en mouvement

Portrait de Gilles Savard

Par Jean-François Ferland
10 décembre 2016 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Décembre 2016)
10 décembre 2016 - Source : Magazine Poly
VersionPDFdisponible (Décembre 2016)

Après avoir fréquenté Polytechnique Montréal durant plus de 30 ans comme étudiant, chercheur, professeur et directeur, Gilles Savard partira assumer, à la fin de 2016, la direction de l’institut IVADO. Bilan d’un parcours unique.

Le 4 août 1982, Gilles Savard est au sommet du mont Royal. Après avoir entraîné l’équipe du Québec en ski alpin durant trois ans, il se présente à Polytechnique pour y faire des études d’ingénieur. Or, le registraire lui offre peu de crédits compensatoires pour son baccalauréat en mathématiques de l’Université de Montréal. Détenteur d’une bourse d’études supérieures, il visite le Département de mathématiques de son alma mater, mais tous les professeurs sont absents en ce jour d’été…

« Finalement, je suis revenu à Polytechnique, sachant qu’il y avait de la recherche opérationnelle et des mathématiques appliquées. Au Département de mathématiques, il y avait un seul professeur, Jacques Gauvin, qui m’a offert de faire une maîtrise – bien qu’il m’ait conseillé de continuer dans le ski, ce qu’il jugeait plus intéressant qu’être professeur à l’université! Ayant un esprit un peu rebelle à l’époque, j’ai accepté d’étudier avec lui », relate-t-il en riant.

Durant ses études à Polytechnique, Gilles Savard travaille comme démonstrateur et chargé de cours. Il attribue son intérêt pour les mathématiques à une attirance pour la logique « qui permet de tout reconstruire » et son intérêt pour la recherche opérationnelle – notamment la prise de décisions – à un souhait de développer « de la science utile ».

« J’ai toujours aimé la recherche opérationnelle et je suis resté dans cette spécialité. C’est une science qui porte facilement à la collaboration avec les décideurs au sein d’industries, de gouvernements ou de municipalités, avec les outils d’aide à la décision. J’ai eu la chance de participer au développement d’un milieu qui était alors en émergence », se remémore-t-il.

Diplômé en 1984, il devient associé de recherche au Groupe d’études et de recherche en analyse de décisions (GERAD), qui ne comptait alors que cinq membres; il demeurera lié à ce centre interuniversitaire pendant toute sa carrière. En 1985, il se laisse convaincre par son directeur Alain Haurie d’amorcer à Polytechnique un doctorat en génie électrique, avec spécialisation en recherche opérationnelle. Il envisage alors une carrière en recherche à l’IREQ, au terme de ses études.

Nouvelles trajectoires

Or, en 1988, avant la rédaction de sa thèse, les plans de Gilles Savard changent lorsqu’il postule et obtient un poste de professeur adjoint au Collège militaire royal de Saint-Jean. Outre l’enseignement, il y complète son doctorat, développe une maîtrise en recherche opérationnelle… et entraîne l’équipe de ski. Il y établit également le centre de recherche en logistique ARMSS destiné à optimiser le transport aéroporté des missions de paix. (Il en rapatriera les activités au GERAD lors de la fermeture du collège, en 1995.)

Au début des années 1990, Gilles Savard partage son temps entre Saint-Jean et Polytechnique, où il occupe un poste de professeur associé grâce à son implication au GERAD. Mais en 1993, lorsque s’ouvre un poste de professeur en mathématiques appliquées, il choisit Polytechnique pour de bon.

« J’avais beaucoup de respect pour Polytechnique – une grande université – tandis que j’étais moins attaché au collège militaire puisque je faisais ma recherche par l’intermédiaire du GERAD, explique-t-il. J’ai alors choisi Polytechnique et j’y suis resté. J’y ai enseigné le calcul différentiel et l’analyse numérique et j’ai poursuivi mes recherches en programmation mathématique à deux niveaux, mon domaine de prédilection. J’ai toujours aimé l’équilibre entre l’enseignement et la recherche. »

Gestion d’ensemble

En 2001, après un court passage dans le secteur privé et un congé sabbatique, le parcours de Gilles Savard prend une nouvelle tangente lorsqu’il accepte le poste de directeur du Département de mathématiques et de génie industriel, en plus de ses charges d’enseignement et de recherche.Durant ses deux mandats, Gilles Savard fait progresser la science et la recherche en génie industriel. Surtout, il obtient le maintien du programme de mathématiques et des cours d’économie, de sociologie et de sciences humaines (SSH).

«  On disait qu’on n’avait pas besoin d’avoir une telle expertise de professeurs, que tout le monde pouvait enseigner [les cours de SSH], rappelle-t-il. Ce fut mon cheval de bataille : à Polytechnique, nous sommes une grande université et nous donnons cent pour cent de nos cours. Si nous voulons être une grande école, nos cours doivent être donnés par des gens qui en font leur spécialité de recherche, leur métier. »

En 2007, à la suggestion de Christophe Guy, le nouveau directeur général, Gilles Savard postule et obtient le poste de directeur de la recherche et de l’innovation de Polytechnique Montréal. Au cours de ses mandats, il prône l’intensification des activités de recherche et d’innovation, ainsi qu’une vision plus stratégique du développement des pôles d’expertise de Polytechnique. En outre, il privilégie l’établissement de partenariats industriels et les transferts technologiques.

Lorsque s’ajoute le volet des affaires internationales à ses fonctions en 2015, Gilles Savard mise sur la collaboration outre-frontières de Polytechnique avec des partenaires institutionnels et industriels, par le biais d’initiatives comme le 1er Forum franco-québécois d’innovation en santé, qui a eu lieu en octobre 2016. Cet intérêt pour la gestion, Gilles Savard l’attribue aux emplois de moniteur, de chef de troupe et de directeur qu’il a occupés dans un camp de vacances pour jeunes défavorisés durant ses études au baccalauréat.

« À 22 ans, j’étais coresponsable de 40 moniteurs et employés. J’ai été mis très vite dans le bain de la gestion de personnel et j’ai aimé cela, explique-t-il. Pour développer un groupe et animer une équipe – avec des collaborateurs, ce qui est important – il faut aimer les personnes, aimer la gestion de personnel. C’est pour cela que j’ai continué ainsi dans la gestion universitaire : j’aime rassembler. »

Valorisation et humanisme

À compter de janvier 2017, Gilles Savard occupera la direction du nouvel Institut de valorisation des données (IVADO). Il y travaillera avec des professionnels industriels et des chercheurs provenant de divers établissements d’enseignement – dont Polytechnique Montréal – qui mettront en commun leurs expertises en science des données, en recherche opérationnelle et en intelligence artificielle, pour le développement d’applications dans les domaines du commerce et de la finance, de l’énergie, de la santé et des transports.

Lorsqu’il parle de Polytechnique, Gilles Savard démontre un intérêt certain pour l’équilibre et la diversité. Il souligne la pertinence de la pédagogie et de la recherche, de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée, des projets de recherche libre et des projets orientés, de la présence d’ingénieurs et de spécialistes dans le corps professoral, etc. Fréquemment, il évoque son appréciation du travail d’équipe, tout comme celle des collègues et des étudiants côtoyés au fil des années. Ces perceptions portent à croire qu’il en fera autant dans ses nouvelles fonctions.

Certainement, Gilles Savard reconnaît qu’il cherchera à apporter au sein d’IVADO des valeurs de Polytechnique qu’il a faites siennes au cours des années. « La sensibilité envers la formation de nos étudiants est ultimement notre fierté : Polytechnique existe pour former du personnel hautement qualifié. Même dans un institut axé sur le transfert, la recherche et les liens avec l’industrie, il faut que les étudiants et les professeurs soient encore à la base de tout », déclare-t-il. « Une université, c’est une usine à savoir : alors que nous nous dirigeons réellement vers l’économie du savoir, cette économie, ce sont les personnes. Il faut garder cet esprit. »


Gilles Savard.

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